Les sites religieux sont « des ponts entre les différents pays et peuples en favorisant une culture de la rencontre dans la paix, grâce à leur référence à la transcendance de Dieu, qui est source de fraternité », a affirmé Mgr Francesco Follo lors du webinaire international organisé par le conseil de protection des monuments et sites religieux « PRERICO ICOMOS ».
L’observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Unesco à Paris est intervenu ce 10 juin 2021 sur le thème « Réutilisation et régénérations du Patrimoine culturel religieux dans le monde ».
Discours de Mgr Francesco Follo
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur de prendre la parole en ce webinaire organisé en virtuel par PRERICO-ICOMOS et proposer des réflexions qui puissent permettre de mieux préserver et promouvoir le Patrimoine Culturel de l’UNESCO et, en particulier, les sites culturels à intérêt religieux. Ces sites méritent une attention particulière aussi pour ce qui concerne leur régénération et/ou réutilisation.
A ce sujet, il faut préserver le patrimoine culturel religieux, national et international, qui appartiennent à chacune des Religions. Vers ce type de patrimoine il faut créer des formes innovantes de valorisation et d’utilisation grâce à une étroite collaboration avec les organismes publics de l’état, régionaux et municipaux.
Ces actions contribuent de manière significative à l’objectif du millénaire sur l’éducation des nouvelles générations. C’est à eux, en effet, que ces racines culturelles religieuses donneront la sécurité d’un passé qui peut être la base du présent et la guide dans l’avenir.
Pour cela, le Saint-Siège recommande de:
- identifier clairement les biens culturels religieux avec le but de les restaurer, les garder, les cataloguer, les défendre e de promouvoir des nouvelles initiatives avec ceux ;
- établir la « philosophie » des biens culturels qui en favorise une meilleure connaissance et un adéquate utilisation dans l’enseignement religieux, dans les célébrations des rites religieux et dans une vraie fruition culturelle qui respecte les lieux sacrés selon la « mens » des propres religions ;
- favoriser une formation des artistes et des autres personnes concernées (architectes, etc.) sur les contenus théologiques, liturgiques, iconographiques des « lieux sacrés » pour promouvoir une collaboration entre le monde de l’art et du monde religieux qui aboutisse à la valorisation complète des lieux à intérêt religieux (temples, synagogues, église, etc. etc.) ;
- organiser d’une manière institutionnelle la coopération entre les responsables civils et religieux sans oublier propriétaires et les affectataires.
Le bien culturel religieux l’est non seulement pour ses valeurs culturelles ou historiques intrinsèques, mais aussi pour sa signification purement religieuse, cultuel, actuelle ou même historique.
Par conséquent, ce bien culturel est doté de valeurs religieuses qui, même dans la grande catégorie unitaire de biens culturels à laquelle il appartient, lui confèrent une physionomie très particulière, méritant une discipline et une protection spécifique. Si, de nos jours, le bien culturel religieux a sa propre vie religieuse opérationnelle en tant qu’objet de culte ou au service du culte des fidèles, ou en tout cas il constitue un meuble ou un complément à un monument, il est nécessaire que la protection s’étend également à ce composant. Presque tous les patrimoines culturels religieux ont conservé et conservent encore au fil du temps leur fonction originelle en vue de leur création.
En définitive, ces sites culturels sont, et ils peuvent l’être davantage, des ponts entre les différents pays et peuples en favorisant une culture de la rencontre dans la paix, grâce à leur référence à la transcendance de Dieu, qui est source de fraternité.
Le Saint-Siège soutien toute initiative visant à promouvoir la culture et les biens qu’elle produit afin que la vie personnelle et sociale puisse s’épanouir dans le bien, le vrai et le beau. Il s’agit d’aider à préserver la mémoire historique à transmettre aux nouvelles générations, avec ces éléments qui ont façonné l’identité d’un peuple, d’une nation, et qui portent avec soi une composante d’harmonie, de beauté et de sens de la vérité, capables d’ennoblir et de grandir chaque homme et chaque femme dans leur propre humanité intégrale. Le pape François nous invite au dialogue et à « établir l’amitié, la paix, l’harmonie et à partager des valeurs ainsi que des expériences morales et spirituelles dans un esprit de vérité et d’amour » (Pape François, encyclique Fratelli tutti, n. 271).
Donc l’approche que l’on devrait avoir vers le patrimoine culturel ne consiste pas seulement dans la conservation d’une œuvre d’art en tant que porteuse de beauté, mais aussi et surtout dans la mise en relief de la signification et de la valeur religieuse-culturelle des différents éléments qui font partie d’un site, son identité culturelle, la rencontre avec la communauté à laquelle ils appartiennent en les situant dans leur contexte architectural, géographique et urbanistique. Protéger le patrimoine culturel, c’est garantir un dialogue inclusif, une rencontre permanente avec la communauté afin de favoriser une véritable régénération dans le respect des valeurs du bien à protéger.
Dans la Lettre encyclique Fratelli tutti, le Saint-Père François déclare : « Si nous parlons d’une “culture” dans le peuple, c’est plus qu’une idée ou une abstraction. Celle-ci inclut les envies, l’enthousiasme et, finalement, une façon de vivre qui caractérise tel groupe humain. Par conséquent, parler de “culture de la rencontre” signifie que, en tant que peuple, chercher à nous rencontrer, rechercher des points de contact, construire des ponts, envisager quelque chose qui inclut tout le monde, nous passionnent. » (n. 216). C’est l’aspect socialisant de la culture.
Pour ce qui concerne les églises, les synagogues, les mosquées et les temples les travaux de restauration et de reconstruction prévus nous poussent à mettre en évidence le caractère central de leur dimension cultuelle et pas seulement culturelle.
La restauration et la reconstruction d’un lieu de culte – mais aussi de tous les Biens d’intérêt religieux protégés par l’UNESCO – implique « de reconstituer l’origine d’une œuvre », retrouvant « le fait générateur qui en a créé la signifiance » (Romano Guardini).
La référence au « signifiance » présuppose un processus cognitif capable de reconnaître les valeurs de la créativité humaine qui ont engendré ces patrimoines culturels. Par conséquent, tout processus de conservation doit protéger l’homme, créateur du patrimoine, et le patrimoine lui-même en tant que témoin de l’histoire de l’humanité. Cela nous fait comprendre que les conflits armés annulent l’évolution de l’histoire humaine et des patrimoines culturels respectifs.
La valeur du « signifiance » est une priorité qui prend en compte les besoins du culte et les pratiques qui y sont liées et qui doivent continuer à s’y exercer.
Il est crucial de sauvegarder cette « signifiance ». Dans un lieu de culte, d’un part la vie religieuse et les formes dans lesquelles elle s’exprime et d’autre part le culte et les structures qui le gardent, sont connexes et interdépendants : les éléments qui seront reconstruits doivent répondre à la finalité pour laquelle le bâtiment fut érigé. En effet, la forme conserve et transmet sa Beauté seulement si elle adhère à sa finalité, de manière à conserver la lisibilité de son identité.
Déjà en 1945 Cesare Brandi, théoricien italien de la restauration, dit qu’un restaurateur doit mettre en œuvre toutes les procédures qui assurent et conservent l’œuvre, sans altération et sans ajout, vers la culture de l’avenir. Mais, pour le Pr. Brandi, c’était très importante l’instance historique, l’histoire humaine passée et contemporaine de l’œuvre, et cette instance représente la dialectique de la restauration, justement comme moment méthodologique de la reconnaissance de l’œuvre d’art en tant que telle. Suivant ces principes, il est facile de comprendre les processus de régénération constants auxquels tous les monuments sont soumis et dont la contemporanéité est l’image d’une stratification historique et humaine de haute valeur culturelle. C’est aussi une question très importante dans les lieux de culte.
Par conséquent, le souhait du Saint-Siège est que les lieux de culte soient laissés aux croyants, aux non-croyants et aux générations futures, conformément au principe selon lequel la sauvegarde du patrimoine culturel, y compris sa fondamentale dimension religieuse, est une condition incontournable pour sa valorisation.
Enfin, notre action doit avant tout viser à identifier les différentes formes de destruction des lieux de culte et à analyser leurs causes. Seule la connaissance des raisons, du contexte et des intentions des processus de destruction du patrimoine religieux nous permet de définir les responsabilités à court, moyen et long terme et de développer et mettre en œuvre des stratégies de protection durable. L’objectif est donc de développer des stratégies de prévention et de résolution des conflits qui reposent sur l’intégration du patrimoine culturel en général dans une stratégie globale de développement humain, suivant également le droit international humanitaire conventionnel et coutumier.