Procès dans une salle des Musées du Vatican, 7 juin 2021 © Vatican Media

Procès dans une salle des Musées du Vatican, 7 juin 2021 © Vatican Media

Procès au Vatican : cinq témoins à la barre

Le verdict attendu pour l’automne

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La onzième audience du procès pour abus présumés au « pré-séminaire » San Pio X du Vatican s’est tenue lundi 7 juin 2021 et elle a permis l’audition de 5 témoins, dans les nouveaux locaux de l’ancienne salle polyvalente des Musées du Vatican. Les plaidoiries ont été fixées aux 15 et 16 juillet, le verdict devrait tomber à l’automne.

C’est la première audience de ce procès depuis la décision du pape François, annoncée le 25 mai dernier, de déplacer ce pré-séminaire en dehors des murs du Vatican.

Rappelons qu’un prêtre italien, le p. Gabriele Martinelli, 28 ans, est jugé pour abus présumés d’un ami, alors qu’ils étaient élèves du pré-séminaire, et qu’ils avaient entre 13 et 19 ans, et le recteur de l’époque, le p.  Enrico Radice, 71 ans, pour entraves à l’enquête. Ils sont tous deux incardinés dans le diocèse de Côme et ils ont rejeté les accusations lors de leurs interrogatoires respectifs.

L’audience a duré plus de 3 heures (10h20-13h40) dans la nouvelle salle et le président du Tribunal a remercié pour cela le Gouvernorat du Vatican et les Musées: elle permet de mieux respecter les normes sanitaires.

Dépositions devant un tribunal italien

Le tribunal a admis aux actes des dépositions recueillies par le Parquet de Rome: celle de la victime présumée, L. G., également entendu par le Vatican, celles des accusés, et celle du p. Marco Granoli, assistant spirituel du pré-séminaire à l’époque des faits présumés (2006-2012), mais décédé du coronavirus en 2020.

Un autre dossier  été admis: le procès-verbal des audiences des enquêtes italiennes sur la plainte pour diffamation dans la presse présentée par l’Oeuvre Don Folci.

Le premier témoin entendu le 7 juin est le p. Giampaolo Cozzi, secrétaire de l’Oeuvre Don Folci à l’époque et jusqu’en 2016, le président Pignatone lui a demandé pourquoi il n’avait pas tenu compte de la lettre du p. Granoli au conseil de direction de l’Oeuvre, en date du 13 mars 2013: il y conseillait de ne pas poursuivre la préparation au sacerdoce de Gabriele Martinelli pour des « motifs gravissimes et vraiment graves ». Le p. Cozzi répond que le supérieur de l’Ouvre, le p. Angelo Magistrelli, les avait « informés que le p. Granoli continuait de changer d’avis sur le jeune séminariste ».

Réticence avant l’ordination diaconale

Il a dû aussi répondre, ainsi que l’ancien vicaire général du diocèse de Côme, Mgr Giuliano Zanotta, à des questions sur la lettre, en date du 11 mai 2016, par laquelle Mgr Diego Coletti, évêque de Côme jusqu’en 2016, fixait l’ordination diaconale de Gabriele Martinelli – et celle d’un autre séminariste, Francesco Vicini – à septembre 2016.

Or, cette lettre était en contradiction avec un accord signé une semaine auparavant, par l’évêque lui-même, par le recteur du pré-séminaire et par celui du Séminaire français – où les deux séminaristes  finissaient de se préparer au sacerdoce – : il décidait d’un an de formation pastorale à Côme préalablement à l’ordination.

Mgr Zanotta a fait valoir que Mgr Coletti commençait à souffrir de trous de mémoire et se rendant compte des contradictions entre les deux textes, il a déchiré la lettre. Martinelli et Vicini ont été ordonnés diacres le 29 novembre 2016 par le successeur de Mgr Coletti, Mgr Oscar Cantoni.

Anciens élèves et assistant

Deux autres témoins, les pp. Daniele Pinton, et Alessio Primante, sont d’anciens élèves du pré-séminaire. Le p. Primante, entre 1999 et 2007. Il est actuellement prêtre dans les Abruzzes. Ami du p. Gabriele Martinelli, il a admis avoir perçu des « attitudes homosexuelles » chez celui-ci quand il était jeune.

Le p. Pinton, prêtre dans le diocèse de L’Aquila, également dans les Abruzzes, a peu fréquenté le pré-séminaire, pour ses difficultés à supporter la vie communautaire, mais il y a été assistant des étudiants entre 1991 et 1997, et quelques mois entre 2012 et 2013. il a alors également été le confesseur de la victime présumée L. G.

Il a notamment évoqué une proposition faite par le supérieur de l’Oeuvre Don Folci, le p. Magistrelli, d’ouvrir l’institut non plus seulement à des jeunes entre 11 et 18 ans mais à des étudiants universitaires en discernement de vocation. Les pp. Pinton et Luigi Maria Epicoco y étaient favorables, mais le cardinal Angelo Comastri, qui avait le dernier mot, en tant qu’archiprêtre de la basilique vatican, y était contraire.

Un témoin à charge

L’ancien trésorier du San Pio X, le p. Ambrogio Marinoni, a été le cinquième à témoigner. Il faisait partie de l’équipe des éducateurs à l’époque visée par l’enquête. Il a déclaré ne pas avoir été « sur la même ligne que le recteur Radice » mais sans rien faire pour autant pour opposer les élèves et le recteur.

Il évoque L. G. comme un jeune timide et plus faible que Martinelli, dont le charisme et la capacité d’organisation était appréciées par le recteur: « il comptait plus que nous, les prêtres », fait-il observer, et il avait de l’ascendant sur ses compagnons qui « cherchaient à s’attirer ses bonnes grâces ».

Selon le p. Marinoni, « s’il n’avait pas eu le soutien de K. » (l’étudiant polonais qui a porté le cas d’abus présumés dans les médias), L. G. « n’aurait pas eu le courage de le dénoncer ». Il ajoute: « J’avais remarqué que pendant un temps il avait été mis à l’écart par le p. Radice, il n’effectuait plus certains services liturgiques, je ne sais pourquoi. »

A l’issue de cette onzième audience, le président du Tribunal de l’État de la Cité du Vatican, Giuseppe Pignatone, a annoncé le calendrier à venir. Le jeudi 15 juillet, trois derniers témoins seront entendus, puis viendront les plaidoiries. Le promoteur de justice interviendra en premier, puis l’avocat de la partie civile et le 16 juillet les avocats de la défense des deux accusés et de l’Oeuvre Don Folci, du diocèse de Côme, chargée de gérer l’institut.

Le tribunal étant ensuite en vacances jusqu’au 20 septembre: l’issue du procès sera connue à l’automne.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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