« Les prêtres « surhommes » tournent mal, tous », affirme le pape François dans son allocution aux prêtres de Saint-Louis-des-Français de Rome, qu’il a reçus en audience ce lundi 7 juin 2021, dont Mgr Jean Landousies CM, qui quitte fin juin le service du Saint-Siège, et auquel le pape a rendu un hommage appuyé, et le nouveau recteur, depuis septembre 2020, Mgr Laurent Bréguet, originaire du diocèse d’Angers.
Le pape a en quelque sorte fait l’éloge de la fragilité chrétienne : « Les fragilités ne doivent pas être laissées de côté : elles sont un lieu théologique. Ma fragilité, celle de chacun de nous est le lieu théologique de la rencontre avec le Seigneur. Les prêtres « surhommes » tournent mal, tous. Le prêtre frêle, qui connaît ses faiblesses et en parle avec le Seigneur, ça ira. Avec Joseph, nous sommes appelés à revenir à l’expérience d’actes simples d’accueil, de tendresse, de don de soi. »
Le pape a aussi évoqué les écueils de la vie communautaire : « Dans la vie communautaire, il y a toujours la tentation de créer de petits groupes fermés, de s’isoler, de critiquer et de dire du mal des autres, de se croire supérieur, plus intelligent. Les cancans c’est une habitude des groupes fermés, aussi une habitude des prêtres qui deviennent des vieux garçons : ils vont, parlent, médisent : cela n’aide pas. Et cela nous menace tous, et ce n’est pas bon. »
Mais le pape indique aussi l’antidote : « Nous devons abandonner cette habitude et regarder la miséricorde de Dieu et y penser. Puissiez-vous toujours vous accueillir les uns les autres comme un don. Dans une fraternité vécue dans la vérité, dans la sincérité des relations et dans une vie de prière, nous pouvons former une communauté où vous pouvez respirer l’air de la joie et de la tendresse. »
Surtout, le pape recommande le service du peuple de Dieu : « On ne peut pas réfléchir sur le prêtre en dehors du saint peuple de Dieu. Le sacerdoce ministériel est une conséquence du sacerdoce baptismal du saint peuple fidèle de Dieu. Il ne faut pas l’oublier. Si vous pensez à un sacerdoce isolé du peuple de Dieu, ce n’est pas un sacerdoce catholique, non ; et même pas chrétien. Dépouillez-vous de vous-mêmes, de vos idées préconçues, de vos rêves de grandeur, de votre affirmation de soi, pour mettre Dieu et les personnes au centre de vos préoccupations quotidiennes. Pour mettre le saint peuple fidèle de Dieu au centre, il faut être des pasteurs. »
Une page précieuse sur l’enseignement du pape François sur le sacerdoce et la pastorale, avec saint Joseph pour modèle.
Voici notre traduction, rapide, de travail, de l’allocution du pape François prononcée en italien.
AB
Allocution du pape François
Chers frères,
Je suis très heureux de vous accueillir en tant que communauté sacerdotale de Saint-Louis-des-Français. Je remercie le recteur, Mgr Laurent Bréguet, pour ses aimables paroles.
Dans une société marquée par l’individualisme, l’affirmation de soi, l’indifférence, vous faites l’expérience du vivre ensemble avec ses défis quotidiens. Située au cœur de Rome, votre maison, avec son témoignage de vie, peut communiquer aux personnes qui la fréquentent les valeurs évangéliques d’une fraternité variée et solidaire, surtout quand quelqu’un traverse un moment difficile. En effet, votre vie fraternelle et vos divers engagements sont capables de vous faire ressentir la fidélité de l’amour de Dieu et sa proximité. Un signe, un signal.
En cette année dédiée à saint Joseph, je vous invite à redécouvrir le visage de cet homme de foi, de ce père tendre, modèle de fidélité et d’abandon confiant au dessein de Dieu. « La volonté de Dieu, son histoire, son projet, passent aussi à travers la préoccupation de Joseph. Joseph nous enseigne ainsi qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse » (Lettre apostolique Patris corde, 2). Les fragilités ne doivent pas être laissées de côté : elles sont un lieu théologique. Ma fragilité, celle de chacun de nous est le lieu théologique de la rencontre avec le Seigneur. Les prêtres « surhommes » tournent mal, tous. Le prêtre frêle, qui connaît ses faiblesses et en parle avec le Seigneur, ça ira. Avec Joseph, nous sommes appelés à revenir à l’expérience d’actes simples d’accueil, de tendresse, de don de soi.
Dans la vie communautaire, il y a toujours la tentation de créer de petits groupes fermés, de s’isoler, de critiquer et de dire du mal des autres, de se croire supérieur, plus intelligent. Les cancans c’est une habitude des groupes fermés, aussi une habitude des prêtres qui deviennent des vieux garçons : ils vont, parlent, médisent : cela n’aide pas. Et cela nous menace tous, et ce n’est pas bon. Nous devons abandonner cette habitude et regarder la miséricorde de Dieu et y penser. Puissiez-vous toujours vous accueillir les uns les autres comme un don. Dans une fraternité vécue dans la vérité, dans la sincérité des relations et dans une vie de prière, nous pouvons former une communauté où vous pouvez respirer l’air de la joie et de la tendresse.
Je vous encourage à vivre les précieux moments de partage et de prière communautaire dans une participation active et joyeuse. Même des moments de gratuité, de rencontre gratuite… Le prêtre est un homme qui, à la lumière de l’Évangile, répand autour de lui le goût de Dieu et transmet l’espérance aux cœurs inquiets : c’est ainsi qu’il doit en être.
Les études que vous faites dans les différentes universités romaines vous préparent à vos futures tâches de pasteurs, et elles vous permettent de mieux apprécier la réalité dans laquelle vous êtes appelés à annoncer l’Évangile de la joie. Cependant, vous ne vous rendez pas sur le terrain pour appliquer les théories sans prendre en considération l’environnement dans lequel vous vous trouvez, ainsi que les personnes qui vous sont confiées. Je vous souhaite d’être « des pasteurs avec « l’odeur des brebis » » (Homélie du 28 mars 2013), des personnes capables de vivre, de rire et de pleurer avec les vôtres, en un mot de communiquer avec eux.
Cela m’inquiète, quand on fait des réflexions, des pensées sur le sacerdoce, comme si c’était une chose de laboratoire : ce prêtre, cet autre prêtre… On ne peut pas réfléchir sur le prêtre en dehors du saint peuple de Dieu. Le sacerdoce ministériel est une conséquence du sacerdoce baptismal du saint peuple fidèle de Dieu. Il ne faut pas l’oublier. Si vous pensez à un sacerdoce isolé du peuple de Dieu, ce n’est pas un sacerdoce catholique, non ; et même pas chrétien. Dépouillez-vous de vous-mêmes, de vos idées préconçues, de vos rêves de grandeur, de votre affirmation de soi, pour mettre Dieu et les personnes au centre de vos préoccupations quotidiennes. Pour mettre le saint peuple fidèle de Dieu au centre, il faut être des pasteurs.
« Non, je voudrais être seulement un intellectuel, pas un pasteur » : mais, demande la réduction à l’état laïc, cela t’ira mieux, et sois un intellectuel. Mais si tu es prêtre, sois un pasteur. Tu seras un pasteur, de tant de façons, mais toujours au milieu du peuple de Dieu. Ce que Paul a rappelé à son disciple bien-aimé : « Souviens-toi de ta mère, ta grand-mère, du peuple qui t’ont enseigné ». Le Seigneur dit à David : « Je t’ai choisi de derrière le troupeau », de là.
Chers frères prêtres, je vous invite à avoir toujours de grands horizons, à rêver, à rêver d’une Église entièrement au service, d’un monde plus fraternel et solidaire. Et pour cela, en tant que protagonistes, vous avez votre contribution à offrir. N’ayez pas peur d’oser, de prendre des risques, d’aller de l’avant car vous pouvez tout avec le Christ qui vous donne la force (cf. Ph 4, 13).
Avec lui, vous pouvez être des apôtres de la joie, en cultivant en vous la gratitude d’être au service de vos frères et de l’Église. Et le sens de l’humour va de pair avec la joie. Un prêtre qui n’a pas le sens de l’humour, ne plaît pas, quelque chose ne va pas. Imitez ces grands prêtres qui rient des autres, d’eux-mêmes et même de leur propre ombre : le sens de l’humour c’est l’une des caractéristiques de la sainteté, comme je l’ai souligné dans l’Exhortation apostolique sur la sainteté, Gaudete et exultate.
Et cultivez en vous la gratitude d’être au service de vos frères et de l’Église. En tant que prêtres, vous avez été « oints de l’huile de la joie pour oindre de l’huile de joie » (Homélie du 17 avril 2014). Et ce n’est qu’en restant enraciné dans le Christ que vous pourrez éprouver une joie qui vous pousse à gagner les cœurs. La joie sacerdotale est la source de votre agir en missionnaires de votre temps.
Enfin, je vous invite à cultiver la gratitude. Gratitude envers le Seigneur pour ce que vous êtes les uns pour les autres. Avec vos limites, vos faiblesses, vos tribulations, il y a toujours un regard d’amour posé sur vous et qui vous donne confiance. La gratitude « est toujours « une arme puissante » » (Lettre aux prêtres à l’occasion du 160e anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney, 4 août 2019), qui permet de garder allumée la flamme de l’espérance dans les moments de découragement, de solitude et d’épreuve.
Je confie chacun de vous, les membres de vos familles, le personnel de votre maison, ainsi que les membres de la paroisse de Saint-Louis-des-Français à l’intercession de la Vierge Marie et à la protection de saint Louis. Je vous bénis de tout mon cœur et je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi, car j’en ai besoin. Cette tâche n’est pas facile.
Et dans les livres de spiritualité il y a un chapitre – dans certains livres, mais pensons à Saint Alfonse-Marie de Liguori et tant d’autres – un chapitre sur un thème puis un exemple, et certains disent : « Où l’on prouve ce qui a été dit par un exemple « , et ils donnent un exemple de vie.
Aujourd’hui, avant que vous n’entriez, le père Landousies m’a dit qu’à la fin du mois de juin il quittera ce bureau ici, à la curie : il a été mon traducteur français depuis longtemps.
Mais je voudrais faire un résumé de sa personne. C’est un exemple. J’ai trouvé en lui le témoignage d’un prêtre heureux, d’un prêtre conséquent, d’un prêtre qui a su vivre avec des martyrs déjà béatifiés – qu’il connaissait individuellement – et aussi de vivre avec une maladie dont on ne savait pas ce que c’était, avec la même paix, avec le même témoignage.
Et je profite publiquement, même devant L’Osservatore Romano, tout le monde, pour le remercier de son témoignage, qui m’a fait du bien à maintes reprises. Sa façon d’être m’a fait du bien. Il va s’en aller, mais il va exercer son ministère à Marseille, et il fera tant de bien avec cette capacité qu’il a d’accueillir tout le monde. Mais il laisse ici la bonne odeur du Christ, la bonne odeur d’un prêtre, d’un bon prêtre. Alors devant vous, je lui dis merci, merci pour tout ce que tu as fait.
Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin