Synode des évêques, veillée avec les jeunes © Vatican Media

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Le synode, un « instrument privilégié d’écoute du Peuple de Dieu », par Agnès Desmazières

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La longue préparation du synode de 2023 sur «la synodalité»

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Le Synode doit « devenir toujours plus un instrument privilégié d’écoute du Peuple de Dieu », rappelle la théologienne française Agnès Desmazières.

Agnès Desmazières enseigne la théologie au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris. Elle a publié récemment chez Salvator : « Le dialogue pour surmonter la crise : Le pari réformateur du pape François » (2019) et « L’heure des laïcs : Proximité et coresponsabilité » (2021).

Elle a bien voulu revenir pour les lecteurs de Zenit sur la « révolution » que constitue la préparation du synode 2023 sur… « la synodalité », qui se propose de susciter une large participation du Peuple de Dieu. Ce qui implique d’en prendre le temps: le synode a été reporté à 2023.

Pour le pape François, rappelle la théologienne, la réalité est supérieure à l’idée: la mise en pratique de la synodalité à l’idée de synodalité.

Zenit – Qu’est-ce qu’il a de neuf dans la préparation du prochain synode, sur la « synodalité », par rapport à la préparation habituelle d’un synode, qui n’était pas dépourvue d’une large consultation des Eglises locales?

Agnès Desmazières – Le pape François a promulgué en 2018 une constitution apostolique Episcopalis communio qui réforme l’organisation du Synode des évêques en insistant sur la participation du Peuple de Dieu au processus synodal car le Synode doit « devenir toujours plus un instrument privilégié d’écoute du Peuple de Dieu ». La préparation du Synode en constitue un moment crucial.

La préparation du Synode sur la synodalité s’inscrit dans cette perspective. La grande nouveauté est constituée par la phase continentale de la préparation, qui suit la phase diocésaine. Sont ainsi prévues en 2023 des rencontres pré-synodales continentales. Cette possibilité était envisagée dans Episcopalis communio (art. 8 §2), mais elle va se concrétiser pour la première fois. Cela signale l’importance d’une réflexion continentale sur la synodalité, qui puisse également susciter un vécu synodal à l’échelle continentale. Nombre de questions sont en effet communes à l’ensemble des Eglises européennes.

Et l’on est encore en attente des « critères de participation des évêques résidentiels et des autres membres du Peuple de Dieu » à ces rencontres pré-synodales. Espérons qu’ils permettent une grande diversité et représentativité de l’ensemble du Peuple de Dieu.

Est-ce que cette façon de faire n’a pas été en partie inspirée par la préparation du synode pour les jeunes ?

Cette façon de faire a été en fait préparée par les différents Synodes réalisés sous le pape François – dès avant Episcopalis communio. L’impulsion avait déjà été donnée lors du Synode sur la famille avec une consultation préparatoire et le choix de prendre le temps de la réflexion en réunissant deux assemblées successives à Rome. De fait, le Synode sur les jeunes a joué un rôle important avec à nouveau une consultation préparatoire et surtout la rencontre pré-synodale à Rome.

Cette fois-ci, comme je le signalais un peu plus tôt, il y a un souci de décentralisation plus net à comprendre dans une perspective de subsidiarité : il s’agit de prendre en main localement le processus impulsé par le pape. L’on peut d’ailleurs se demander si la crise sanitaire n’a pas contribué à penser davantage la synodalité selon une logique de proximité. De plus, la phase diocésaine est spécialement soignée. Elle appelle un engagement fort des diocèses marqué notamment par une réunion pré-synodale diocésaine du processus diocésain, et par la nomination d’un responsable ou d’une équipe référente auprès de la Conférence épiscopale. L’on peut augurer des initiatives créatrices, génératrices de synodalité : comment ce processus peut permettre à ma paroisse, mon diocèse d’être davantage synodal.

Cela est exigeant, tout particulièrement dans un contexte où nous sommes confrontés à diverses urgences : crise sanitaire, crise des abus sexuels. Ces crises ne pourront toutefois être surmontées sans dialogue : dialogue social et dialogue ecclésial ou synodal. Ce processus synodal peut être justement l’occasion de prendre le temps, prendre le temps de la rencontre.

Le dialogue prend du temps, mais il s’agit d’un temps fructueux. Comme le dit le pape François, « donner la priorité au temps, c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces » (Evangelii gaudium n. 223). Il s’agit de prendre l’initiative de la rencontre, de sortir d’une polarisation des débats pour avancer ensemble dans les vicissitudes de notre temps.

Peut-on dire que ce synode est plus qu’un synode, dans le sens où sa préparation même « installe » la synodalité dans le fonctionnement de l’Eglise?

Je dirais plutôt que le pape François invite à éprouver la synodalité aux différents niveaux de l’Eglise au travers de l’institution du Synode des évêques, institution synodale par excellence. Il y a ici une interaction profonde entre réflexion et agir. Je rattacherais cela à ce que dit le pape François de la supériorité de la réalité sur l’idée : il appelle ainsi à un dialogue entre les deux car « ce qui implique, c’est la réalité éclairée par le raisonnement » (Evangelii gaudium 232). Il s’agit donc que le processus de préparation du Synode soit authentiquement synodal.

La synodalité est  appelée à être vécue concrètement. Il y a là un véritable défi. Déjà, à propos du Synode sur la famille – surtout – mais aussi du Synode sur l’Amazonie, le pape François avait alerté sur les tentations de fermeture et de la manipulation pour faire prévaloir sa propre idée, mentionnant par exemple l’emploi de « méthodes pas du tout bienveillantes » (Discours du 24 octobre 2015).

La calomnie, le mensonge et la politique du fait accompli régissent malheureusement trop souvent les relations à l’intérieur de l’Eglise et défigurent son visage. Toutes ces manœuvres, contraires à l’esprit de l’Evangile, ne contribueront jamais à la préservation de l’institution, mais la mettent bien plutôt en péril car c’est la peur de l’autre et de sa diversité, conjugué à un orgueil qui me fait croire tout puissant, qui les suscitent. L’Esprit de Dieu y est étranger.

Le pape nous donne deux antidotes à ces tentations : « parler avec parrhésie », c’est-à-dire avec un courage suscité par l’Esprit, et « écouter avec humilité » (Discours du 5 octobre 2014). L’on peut y voir les marqueurs d’une authentique attitude synodale.

Comment comprendre la réforme du pape François avec ce synode et après l’institution de trois ministères pour les laïcs: acolyte, lecteur, catéchiste?

L’on saisit ici un trait marquant du pontificat du pape François – qui poursuit et approfondit les intuitions du concile Vatican II et de ses prédécesseurs : l’importance de l’écoute du Peuple de Dieu, peuple en chemin, « en sortie ». Le Peuple de Dieu est un Peuple de disciples-missionnaires, appelés à témoigner de la joie de l’Evangile. Si tous les baptisés sont invités à participer à la dynamique missionnaire de l’Eglise, ils sont également voués à s’exprimer sur sa vie qui ne peut se comprendre qu’en relation avec sa mission. Tous sont coresponsables de la vie et de la mission de l’Eglise.

Le pape le manifeste en mettant en lumière la ministérialité des laïcs : clercs, laïcs, religieux sont tous, de manière différentiée, au service de l’Eglise synodale. Le processus synodal est justement l’occasion de rendre grâce pour ce don de l’Eglise, de réfléchir et d’agir pour incarner davantage dans notre agir ecclésial les valeurs de l’Evangile. L’Eglise sera d’autant plus missionnaire qu’elle sera plus synodale. La participation accrue des laïcs revêt à cet égard une certaine urgence, mais est à bien comprendre dans une logique ministérielle, de service. C’est cela aussi que le pape François rappelle en ouvrant l’acolytat et le lectorat aux femmes, et en instituant le ministère de catéchiste. Disciples-missionnaires, nous sommes tous serviteurs les uns des autres, serviteurs de notre humanité, de notre monde.

Propos recueillis par Anita Bourdin

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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