« Najy a perdu la vie pour sauver la famille de son voisin musulman », témoigne Mme Rafah Hussein Baher, devant le pape François, lors de la rencontre interreligieuse à Ur (Irak), le 6 mars 2021. Les sabéens mandéens descendent des disciples de saint Jean-Baptiste que Mme Rafah a cité.
Le pape a cité ce témoignage ensuite dans son discours, dans lequel il invite à vivre la fraternité, en descendants d’Abraham: « C’est seulement avec les autres qu’on peut soigner les blessures du passé. Madame Rafah nous a raconté l’exemple héroïque de Najy, de la communauté sabéenne mandéenne, qui a perdu la vie en essayant de sauver la famille de son voisin musulman. Combien de personnes ici, dans le silence et dans le désintérêt du monde, ont entamé des chemins de fraternité ! Rafah nous a aussi raconté les souffrances indicibles de la guerre qui a contraint de nombreuses personnes à abandonner leur maison et leur patrie à la recherche d’un avenir pour leurs enfants. Merci, Rafah, d’avoir partagé avec nous ta ferme volonté de rester ici, sur la terre de tes pères. Que ceux qui n’y sont pas parvenus et ont dû fuir trouvent un accueil bienveillant, digne de personnes vulnérables et blessées. »
Rencontre interreligieuse, plaine de Ur
Témoignage de Mme Rafah Hussein Baher,
de religion sabéenne mandéenne
Votre Sainteté, je suis honorée de me trouver devant vous, devant la Ziggourat d’Ur et la maison d’Abraham. Je viens à vous pour rendre témoignage et demander à Votre Sainteté de bénir, de bénir tous les Irakiens par le pardon.
Je suis une Irakienne sabéenne-mandéenne, qui a vu ses enfants, frères et parents fuir avec de nombreuses destinations et motivations. En tant qu’individus dispersés, nous restons avec la peur de l’inconnu en nous.
Nous avions aussi nos passeports prêts, mais la gentillesse de nos voisins a été généreuse. Nous les aimons et ils nous aiment. Nous avons des amis partout en Irak qui nous aident comme si nous étions de leur famille.
À Bassorah, il y avait un homme sabéen-mandéen, qui s’appelait Najy. Il a perdu la vie pour sauver la famille de son voisin musulman.
Tous les Irakiens coexistent pacifiquement, il y a des familiarités et des histoires communes parmi nous, ensemble nous survivons à travers les ruines de la guerre sur le même terrain.
Notre sang s’est mélangé, ensemble nous avons connu l’amertume de l’embargo, nous avons la même identité.
L’injustice a frappé tous les Irakiens, Votre Sainteté. Je peux témoigner qu’il n’a exclu personne: du sang innocent a été versé par tous les Irakiens. Le terrorisme a violé notre dignité avec impudence.
De nombreux pays, sans conscience, ont classé nos passeports comme sans valeur, regardant nos blessures avec indifférence. La visite de Sa Sainteté en Irak signifie que la Mésopotamie est toujours respectée et appréciée. Votre visite signifie un triomphe de la vertu, c’est un symbole d’appréciation pour les Irakiens.
Béni soit celui qui élimine la peur des âmes. Heureux les artisans de paix.
Votre Sainteté, maintenant vous semez des graines d’amour et de bonheur. Par la force du thème de votre visite – Vous êtes tous frères – je déclare ici que je resterai au pays de mes ancêtres. Je serai inhumée à côté de mon père: c’est ma décision, par respect pour ces grandes paroles: nous sommes tous frères. J’aimerais que vous l’entendiez dans la langue de Jean-Baptiste: enyan bahdady ahe.
Nous sommes à jamais redevables à Sa Sainteté
Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin