Mgr Ivan Jurkovic déplore le « regrettable manque de protection sociale » offerte aux personnes employées dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, « ainsi qu’aux travailleurs migrants » pendant la pandémie. Il est « crucial », souligne-t-il, de « que les sociétés fournissent protection et stabilité à leurs travailleurs souvent marginalisés ». Il s’inquiète également des « pressions » exercées sur les peuples autochtones pour qu’ils quittent leurs terres.
L’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres Organisations internationales à Genève, est intervenu à la 46ème session du Conseil des Droits de l’Homme, sur le point 3 de l’ordre du jour, concernant le rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, le 2 mars 2021, à Genève.
Le Saint-Siège dénonce par ailleurs « l’incohérence » des réponses nationales et internationales à la pandémie. Il appelle de ses vœux « une approche coordonnée » et « un dialogue sincère » en vue « d’adopter des politiques aux niveaux local, national et international qui garantissent le droit à l’alimentation pour tous », et en particulier aux personnes vulnérables.
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Ivan Jurkovic prononcée en anglais.
Hélène Ginabat
Déclaration de Mgr Ivan Jurkovic
Madame la Présidente,
La délégation du Saint-Siège prend note du Rapport du rapporteur spécial qui examine, en particulier, l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le droit à l’alimentation et qui met l’accent sur une approche des droits de l’homme qui garantisse un accès à une nutrition adéquate et saine.
Comme le rappellent divers instruments juridiques sur les droits de l’homme, le droit à l’alimentation est compris comme l’ensemble des conditions qui permettent à chaque personne d’avoir accès, à tout moment, à une nutrition adéquate et sure ou d’utiliser les ressources nécessaires à sa subsistance. Cette sécurité doit être assurée par des moyens respectueux de la dignité humaine et des différentes cultures et traditions.
Le Saint-Siège note le regrettable manque de protection sociale offerte aux travailleurs dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, ainsi qu’aux travailleurs migrants pendant la pandémie. La dignité humaine inhérente de ces travailleurs doit être au premier plan des discussions sur le développement agricole et sur la promotion de conditions de vie durables. A ce titre, il est crucial que les sociétés fournissent protection et stabilité à leurs travailleurs souvent marginalisés qui représentent « près de la moitié des 3,3 milliards de travailleurs dans le monde ».[1]
De plus, ma délégation désire souligner les défis auxquels sont confrontés de nombreux peuples autochtones. Le rapport indique explicitement que « les gouvernements et les entreprises, par le biais de nouvelles lois ou par la coercition, poussent à la réalisation de mégaprojets agroindustriels, miniers ou d’infrastructures sur des terres ancestrales et agricoles ».[2] Nous partageons la préoccupation du rapporteur spécial qui affirme que « des pressions sont exercées sur eux pour qu’ils abandonnent leur terre afin de faire place à des projets agricoles ou miniers qui sont entrepris sans tenir compte de la dégradation de la nature et de la culture ».[3]
Madame la Présidente,
« Les réponses nationales et internationales à la pandémie ont été incohérentes ».[4] L’impact économique mondial de la pandémie a largement contribué à cette incohérence.[5] Comme l’a fait observer le pape François dans sa dernière lettre encyclique, Fratelli tutti, au cœur des crises actuelles, nous avons été témoins d’ « une fragmentation qui rend plus difficile la résolution des problèmes qui nous affectent tous ».[6]
Maintenant, plus que jamais, il est nécessaire d’adopter une approche coordonnée, fortifiée par un dialogue sincère, d’adopter des politiques aux niveaux local, national et international qui garantissent le droit à l’alimentation pour tous, portant une attention particulière aux personnes en situations de vulnérabilité. En effet, « personne n’est sauvé tout seul ; nous ne pouvons être sauvés qu’ensemble ».[7] C’est seulement en « mettant les personnes au centre des réponses politiques »[8] qu’une authentique approche des droits de l’homme pourra promouvoir la nécessaire collaboration mondiale entre les Etats afin de rechercher un développement durable et intégral à la fois au niveau régional et au niveau local.
A l’avenir, puissions-nous répondre à la « crise des soins »9 en comprenant que « l’homme est la source, le centre et le but de toute vie économique et sociale »[9]. Ce faisant, nous jetterons les bases, comme le dit le pape François, d’une « culture des soins »[10] et créerons une voie pour favoriser la solidarité internationale dans le but d’assurer la sécurité alimentaire.
Je vous remercie, Madame la Présidente.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
NOTES
[1] Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, A/HRC/46/33, 12.
[2] Ibid, 27.
[3] Pape Francis, Lettre encyclique Laudato Si, 146.
[4] Ibid, 29.
[5] Ibid, 20.
[6] Pape Francis, Lettre encyclique, Fratelli tutti, 7.
[7] Ibid, 32.
[8] Ibid, 33.
9 Ibid, 18.
[9] Concile œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde moderne Gaudium et spes, 63.
[10] Pape Francis, Lettre encyclique Laudato Si, 231.