Andrea Tornielli @ Catholic Center for Studies and Media, Jordanie

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Irak: « Repartir d’Abraham pour se reconnaître comme frères », par A. Tornielli

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« Le voyage raté de Jean-Paul II est resté une plaie ouverte »

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« Repartir d’Abraham pour se reconnaître comme frères », titre Andrea Tornielli, directeur éditorial du dicastère romain pour la communication, et historien de formation, à l’avant veille du voyage du pape François en Irak (5-8 mars 2021).

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François se prépare au voyage le plus difficile et le plus important de son pontificat, qui manifestera à la fois la proximité aux chrétiens, le soutien à la reconstruction du pays dévasté par les guerres et par le terrorisme, et une main tendue aux musulmans. Ainsi se réalise le rêve de Jean-Paul II.

Les chrétiens irakiens attendaient le Pape depuis 22 ans. C’est en 1999 que saint Jean-Paul II avait prévu un pèlerinage bref mais significatif à Ur des Chaldéens, première étape du voyage jubilaire vers les lieux du Salut. Il voulait partir d’Abraham, du père commun reconnu par les juifs, les chrétiens et les musulmans. Beaucoup l’ont déconseillé au vieux pontife polonais, lui demandant de ne pas faire un voyage qui risquerait de renforcer Saddam Hussein, encore au pouvoir après la première guerre du Golfe. Le Pape venu de Cracovie tenait à ce projet, malgré les tentatives de dissuasion, notamment de la part des États-Unis. Mais en fin de compte, ce voyage éclair d’une nature essentiellement religieuse n’a pas été fait à cause de la situation du président irakien.

En 1999, le pays était déjà à genoux en raison de la guerre sanglante contre l’Iran (1980-1988) et des sanctions internationales consécutives à l’invasion du Koweït et à la première guerre du Golfe, mais le nombre de chrétiens en Irak était alors plus de trois fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Le voyage raté de Jean-Paul II est resté une plaie ouverte. Le Pape Wojtyla a élevé la voix contre la deuxième expédition militaire occidentale dans le pays, la guerre éclair de 2003, qui s’est terminée par le renversement du gouvernement de Saddam Hussein.

Lors de l’Angélus du 16 mars 2003, il avait déclaré: «Je voudrais rappeler aux pays membres des Nations-Unies, et en particulier à ceux qui composent le Conseil de sécurité, que le recours à la force représente le dernier recours, après avoir épuisé toute autre solution pacifique, selon les principes bien connus de la Charte des Nations-Unies elle-même». Puis il a livré ce plaidoyer: «J’appartiens à cette génération qui a vécu la Seconde Guerre mondiale et qui a survécu. J’ai le devoir de dire à tous les jeunes, à ceux qui sont plus jeunes que moi, qui n’ont pas fait cette expérience: « Plus jamais la guerre », comme l’a dit Paul VI lors de sa première visite aux Nations unies. Nous devons faire tout ce qui est possible.»

Il n’a pas été entendu par ces «jeunes» qui faisaient la guerre et étaient incapables de construire la paix. L’Irak a été frappé par le terrorisme, avec des attaques, des bombes, des dévastations. Le tissu social s’est désintégré. Et en 2014, le pays a vu la montée de l’État islamique autoproclamé proclamé par Daech, accentuant la dévastation, la persécution, la violence, avec des puissances régionales et internationales engagées dans la lutte sur le sol irakien, avec la multiplication des milices hors de contrôle. La population sans défense, divisée en fonction de ses appartenances ethniques et religieuses, en paie le prix, avec un coût élevé en vies humaines.

En regardant la situation irakienne, on touche du doigt le caractère concret et réaliste des paroles que François a voulu graver dans sa dernière encyclique Fratelli Tutti«Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Plus jamais la guerre ! Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal.»

Au cours de ces années, des centaines de milliers de chrétiens ont été contraints d’abandonner leurs foyers et de chercher refuge à l’étranger. Dans une terre de première évangélisation, dont l’ancienne Église a des origines qui remontent à la prédication apostolique, les chrétiens attendent aujourd’hui la visite de François comme une bouffée d’air frais. Depuis quelque temps, le Pape avait annoncé sa volonté d’aller en Irak pour les réconforter, suivant la seule «géopolitique» qui l’émeut, c’est-à-dire celle de manifester la proximité avec ceux qui souffrent et de favoriser, par sa présence, les processus de réconciliation, de reconstruction et de paix.

C’est pourquoi, malgré les risques liés à la pandémie et à la sécurité, et malgré les récents attentats, François a jusqu’à présent maintenu ce rendez-vous à son agenda, déterminé à ne pas décevoir tous les Irakiens qui l’attendent. Le cœur du premier voyage international après 15 mois de blocus forcé dû aux conséquences du Covid-19, sera le rendez-vous à Ur, dans la ville d’où est parti le patriarche Abraham. Une occasion de prier avec les croyants d’autres religions, en particulier les musulmans, pour redécouvrir les raisons de la coexistence entre frères, afin de reconstruire un tissu social au-delà des factions et des groupes ethniques, et de lancer un message au Moyen-Orient et au monde entier.

Copyright – Radio Vatican 

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Rédaction

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