Mgr Ivan Jurkovic © RV

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Migrations : le Saint-Siège plaide pour un accès aux soins de santé non discriminatoire

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Intervention à l’Organisation internationale des migrations

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« La santé est un bien public et ne devrait jamais être instrumentalisée politiquement ou idéologiquement », déclare Mgr Ivan Jurkovič. Les soins de santé devant être « accessibles et abordables pour tous, mais plus particulièrement pour les personnes les plus vulnérables, y compris les personnes en déplacement », leur accès doit être « réglementé par des lois, des politiques et des pratiques non discriminatoires et globales ».

Mgr Ivan Jurkovič, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, est intervenu à l’occasion de la 111ème session du Conseil de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à Genève, le 26 novembre 2020.

Il a abordé les questions suivantes : les enfants non accompagnés en déplacement, l’accès à la santé et les déplacements internes.

Au vu de l’augmentation du nombre d’enfants en déplacement, le Saint-Siège demande également que la priorité soit donnée « à leur intérêt supérieur à tout moment et à toutes les étapes ». Enfin, en matière de déplacement interne, il souhaite « une véritable coopération au sein de la communauté internationale » et invite les États à « concevoir un système de responsabilité plus clair pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ».

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Ivan Jurkovič prononcée en anglais.

HG

Intervention de Mgr Ivan Jurkovič

Monsieur le Président,

Tout d’abord, la délégation du Saint-Siège vous adresse ses félicitations pour votre élection et souhaite chaleureusement la bienvenue à la Fédération de Russie en tant qu’État membre ainsi qu’à la Malaisie en tant qu’État observateur auprès de la famille de l’OIM.

Permettez-moi également de remercier le directeur général pour la présentation de son rapport annuel sur la situation et le directeur général adjoint pour ses efforts dans l’élaboration du cadre de gouvernance interne. Il est particulièrement apprécié que l’OIM ait également pris des mesures pour traiter le lien entre les migrations, l’environnement et le changement climatique.

En effet, 2019 a été une année extraordinaire pour l’OIM. La croissance du budget, du personnel et des projets de l’OIM démontre une fois de plus que la migration est un phénomène naturel et une réalité humaine depuis des temps immémoriaux. Une telle « expansion » est un autre indicateur de l’importance accrue d’une approche plus déterminée pour améliorer la gouvernance des migrations. À cet égard, la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées peut véritablement offrir aux États une précieuse occasion « d’améliorer leurs politiques migratoires respectives et, ensemble, la gestion internationale des migrations ».

Monsieur le Président,

Il est regrettable que, si la main-d’œuvre des migrants est très demandée et bienvenue pour compenser les pénuries de main-d’œuvre, ils sont aussi souvent rejetés et sujets à des attitudes hostiles et utilitaires de la part de nombreux citoyens des sociétés d’accueil. Cette triste réalité est une contradiction flagrante qui découle du fait que les intérêts économiques sont placés au-dessus des intérêts de la personne humaine. Cette tendance est devenue particulièrement évidente pendant les périodes de confinement dus à la Covid-19, où un grand nombre des travailleurs « essentiels » les plus touchés étaient des migrants.

Dans sa dernière lettre encyclique intitulée Fratelli tutti, publiée le 3 octobre de cette année, le pape François dénonce le fait que « les migrants ne sont pas considérés comme ayant droit, comme les autres, à participer à la vie de la société, et l’on oublie qu’ils possèdent la même dignité intrinsèque que toute personne ». Le pape suggère au contraire que les migrants peuvent être un cadeau et nous invite à changer notre façon de percevoir les migrations, en reconnaissant que « les migrants apportent une opportunité d’enrichissement et de développement humain intégral pour tous ».

Monsieur le Président,

La délégation du Saint-Siège souhaite aborder avec ce Conseil les questions suivantes : les enfants non accompagnés en déplacement, l’accès à la santé et les déplacements internes.

1) Les enfants en déplacement. Au cours des derniers mois, on a constaté une augmentation du nombre d’enfants en déplacement, dont beaucoup sont non accompagnés ou qui finissent par être séparés de leur famille.

Cette situation est particulièrement préoccupante pour le Saint-Siège et devrait être un signal d’alarme pour l’ensemble de la communauté internationale. Les enfants migrants, en particulier ceux qui ne sont pas accompagnés de leurs parents ou de leurs tuteurs, sont souvent « invisibles et sans voix […] ». Ils risquent d’être victimes de fléaux pervers tels que le trafic, l’exploitation et les abus d’enfants. Peu importe où ils se trouvent et d’où ils viennent, tous les enfants ont des besoins et des droits individuels, même lorsqu’ils traversent les frontières. À cet égard, le Saint-Siège demande instamment que toutes les politiques connexes donnent la priorité à leur intérêt supérieur à tout moment et à toutes les étapes.

2) L’accès aux soins de santé, y compris la santé mentale, constitue un pilier fondamental du développement humain intégral. Il est regrettable qu’à cause de la pandémie, de nombreux migrants soient devenus encore plus vulnérables qu’auparavant – une situation qui s’est compliquée en raison de l’inégalité d’accès à des soins médicaux adéquats. Plus inquiétant encore, ceux qui se trouvent en situation irrégulière hésitent souvent à se faire soigner, par peur d’être détenus ou expulsés.

La santé est un bien public et ne devrait jamais être instrumentalisée politiquement ou idéologiquement. Au contraire, plutôt qu’un privilège, les soins de santé doivent être accessibles et abordables pour tous, mais plus particulièrement pour les personnes les plus vulnérables, y compris les personnes en déplacement. L’accès aux soins de santé doit être réglementé par des lois, des politiques et des pratiques non discriminatoires et globales, fermement ancrées dans la dignité inhérente à la vie humaine à chaque étape, c’est-à-dire dès son commencement, tout au long de son développement et à sa fin naturelle.

3) Déplacement interne. Cette année, le pape François a consacré son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés au « drame des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, une tragédie qui passe souvent inaperçue et que la crise mondiale causée par la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’exacerber ».

Tout en respectant la souveraineté nationale, il est urgent d’instaurer une véritable coopération au sein de la communauté internationale en matière de déplacement interne. A cet égard, le Saint-Siège souhaite encourager les États à concevoir un système de responsabilité plus clair pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, un système qui assurera une protection efficace, permettra de trouver des solutions durables et, en fin de compte, de sauver des vies.

Le Saint-Siège espère que le travail du Groupe de haut niveau sur les déplacements internes du Secrétaire général des Nations Unies attirera l’attention et le soutien du monde entier pour les personnes déplacées. Il est essentiel de concevoir des mécanismes concrets de coordination fondés sur les principes selon lesquels toutes les personnes, quel que soit leur statut migratoire, devraient pouvoir rester chez elles en paix et en sécurité sans risquer d’être déplacées de force à l’intérieur ou au-delà des frontières. À cet égard, les partenariats avec les organisations religieuses et les communautés de foi sont essentiels.

Monsieur le Président,

Comme l’a dit le pape François, le monde sortira soit meilleur soit pire après la pandémie. Ce qui est certain, c’est que les migrations joueront un rôle de plus en plus important dans nos sociétés. Il est donc temps de repenser les paramètres de la coexistence humaine à travers le prisme de la fraternité et de la solidarité humaines. À cet égard, une intégration réussie des migrants est essentielle si l’on veut qu’ils apportent une contribution significative à nos sociétés, à nos cultures et à notre économie. Dans le même temps, l’intégration est un processus à double sens et suppose que ceux qui arrivent soient également ouverts à l’intégration, en respectant la culture et les valeurs de leur nouveau foyer, de leurs voisins et de leur pays.

En conclusion, le Saint-Siège désire souligner l’affirmation du pape François selon laquelle le débat sur la migration ne concerne pas seulement les migrants. Il s’agit plutôt de nous tous, ainsi que du présent et de l’avenir de nos sociétés.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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