Cardinal Ouellet, 1er février 2016

© Zenit, Sergio Mora

Rapport McCarrick: ce que Rome avait demandé à Mgr Vigano’

Print Friendly, PDF & Email

Mgr Vigano’ n’aurait pas fait l’enquête demandée par le card. Ouellet

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Le « Rapport McCarrick » publié en anglais et en italien ce mardi 10 novembre 2020, par le Saint-Siège, à la demande du pape François, fait notamment état d’une enquête demandée par Rome au nonce apostolique Carlo Maria Vigano’ sur les actes de Theodor McCarrick. Une enquête qui, selon le document de 460 pages, n’a jamais été faite ou du moins n’a pas fait l’objet d’un rapport. Une synthèse en anglais et en italien a aussi été publiée par le Vatican.

Le Saint-Siège publie donc ce Rapport, qui couvre les années 1930-2017 et qui porte sur « la connaissance institutionnelle et le processus décisionnel du Saint-Siège » concernant l’ancien cardinal Theodore Edgar McCarrick. Il a été élaboré par la Secrétairerie d’Etat à la demande  du pape François.

Deux fois, ce rapport parle de Mgr Vigano’, et c’est important puisque l’ancien nonce a lui-même lancé des accusations contre le pape François et contre le Saint-Siège.

Rappelons que déjà, le 7 octobre 2018, une lettre du cardinal Marc Ouellet, préfet de la congrégation pour les évêques, avait démonté les accusations de l’ancien nonce à Washington Carlo Maria Vigano’ .

Deux passages du rapport sur Mgr Vigano’

Pour sa part, Andrea Tornielli évoque le rôle de Mgr Vigano’ à deux reprises dans le Rapport et dans son analyse du Rapport.

Tornielli est historien. Il a déjà affronté le dossier McCarrick dans son livre co-écrit avec Gianni Valente intitulé: « Le Jour du jugement. Conflits, guerres de pouvoir, abus et scandales, la contre-attaque du pape » (Michel Lafon).

Tout d’abord, alors que les rumeurs n’étaient pas prouvées, Tornielli écrit dans son article sur le Rapport McCarrick: « Il ressort du rapport que, durant cette période, Carlo Maria Viganò, en tant que délégué des Représentations pontificales, avait signalé à ses supérieurs de la Secrétairerie d’État les informations reçues de la nonciature, en en soulignant la gravité. Mais alors qu’il lançait l’alerte, lui aussi comprenait qu’il ne se trouvait pas en face d’accusations prouvées. »

Contrairement à ce que disait Mgr Vigano’ dans ses accusations contre le Saint-Siège, il n’y a pas eu de « sanctions » contre McCarrick pendant le pontificat de Benoît XVI. Tornielli précise: « Les documents et les témoignages publiés aujourd’hui dans le rapport montrent clairement qu’il n’a jamais été question de « sanctions ». Il s’agissait plutôt de recommandations, données oralement en 2006, puis par écrit en 2008, sans que l’imprimatur de la volonté papale ne soit explicitement mentionné. Il s’agissait donc de recommandations qui, pour être appliquées, présupposaient la bonne volonté de la personne concernée. Il est toléré de fait que le cardinal reste actif, qu’il continue à voyager et qu’il effectue, bien que sans mandat du Saint-Siège, différentes missions dans plusieurs pays, desquelles tirer souvent des informations utiles. »

Puis un nouvel élément entre en ligne de compte: « Face à une nouvelle plainte contre McCarrick qui lui a été communiquée en 2012, Carlo Maria Viganò, entre-temps nommé nonce aux États-Unis, reçoit du Préfet de la Congrégation pour les évêques des instructions pour mener une enquête. Cependant, d’après ce qui ressort du rapport, le nonce n’effectue pas toutes les vérifications demandées. Par ailleurs, continuant à suivre la même approche que celle utilisée jusqu’alors, il ne fait aucune démarche significative pour limiter les activités et les voyages, nationaux ou internationaux, de McCarrick. »

La mission de 2012

Pour que tout soit clair, nous traduisons le passage ne question du « Rapport »: en page 12, le « Rapport McCarrick » mentionne cette mission d’enquêter demandée par le cardinal Ouellet, sous le pontificat de Benoît XVI, au nonce Vigano’, à propos de la conduite de McCarrick: « Vers la fin du pontificat de Benoît XVI le « prêtre 3 », un autre prêtre de Metuchen, a informé le nonce Vigano’ de l’introduction de sa propre cause légale, affirmant qu’en 1991 il y a eu des rapports sexuels explicites entre lui et McCarrick. S.E. Mgr Vigano’ a écrit au cardinal Ouellet, nouveau Préfet de la Congrégation pour les évêques, en 2012, et Ouellet lui a donné des instructions spécifiques pour accomplir certaines démarches, y compris de faire une enquête avec des officials diocésains spécifiques et avec le « prêtre 3″, de façon à déterminer si les accusations étaient crédibles. »

La conclusion du rapport est accablante pour Vigano’: « S.E. Mgr Vigano’ n’a pas fait ces démarches et, en conséquence, il ne s’est jamais mis dans les conditions de vérifier la crédibilité de « prêtre 3″. McCarrick a continué à rester actif, voyageant au niveau national et international. »

Voici notre traduction du passage du « Rapport McCarrick » concernant cette mission demandée à Mgr Vigano (p. 13): « Pour la première fois en 2018, le nonce Vigano’ a affirmé avoir fait mention de la question de McCarrick dans les rencontres avec le Saint-Père de juin et d’octobre 2013, mais aucun document ne confirme le récit de Vigano’ et les preuves de ce qu’il a dit sont l’objet d’une ample discussion. Le pape François a rappelé une brève conversation à propos de McCarrick avec le Substitut Becciu et il n’a pas exclu la possibilité d’un échange tout aussi bref avec le cardinal Parolin. Avant 2018, le Saint-Père n’a jamais discuté de McCarrick avec le cardinal Ouellet qui était préfet de dicastère compétent en la matière ou avec le pape émérite Benoît XVI. »

Quant au pape François, le même passage du Rapport ajoute: « Jusqu’en 2017, personne – ni le cardinal Parolin, ni le cardinal Ouellet, ou l’archevêque Becciu ou l’archevêque Vigano’ – n’a fourni au pape François de documentation relative aux charges contre McCarrick, pas même les lettres anonymes remontant au début des années 90 ou des documents concernant le « prêtre 1 » ou le « prêtre 3″. Le pape François avait seulement entendu parler de charges ou de rumeurs relatives à une conduite immorale avec des adultes, advenue avant la nomination de McCarrick à Washington. Considérant que les accusations avaient déjà été examinées et rejetées par Jean-Paul II, bien que conscient que McCarrick avait été en activité durant le pontificat de Benoît XVI, François n’a pas vu la nécessité de modifier la ligne adoptée dans les années précédentes. »

Plainte d’un mineur et sanctions immédiates

Nouveau tournant de l’affaire, lorsqu’une plainte vient d’un mineur: « En juin 2017, l’archidiocèse de New-York a appris la première accusation connue d’un abus sexuel sur une victime d’un âge inférieur à 18 ans, (p. 14) commis par McCarrick au début des années 70. Peu après que l’accusation a été retenue comme crédible, le pape François a demandé la démission de McCarrick du Collège des cardinaux. Après une procédure pénale administrative menée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, McCarrick a été jugé coupable d’actes contraire au 6e commandement du Décalogue qui ont impliqué des mineurs et des adultes et sur cette base il a été renvoyé de l’état clérical. »

Plus précisément, accusé d’abus sexuels sur mineurs et sur des séminaristes adultes, McCarrick a été exclu du collège des cardinaux le 18 juillet 2018, puis de l’ordre des évêques, et il a été renvoyé de l’état clérical par le pape François le 15 février 2019.

Il lui est donc formellement interdit par le pape de procéder à aucun acte sacerdotal – qui serait ipso facto frappé de nullité -, sauf le cas d’absolution sacramentelle d’une personne en danger de mort imminente.

Selon le « Rapport McCarrick » si négligence il y a eu, elle est donc plutôt du côté de l’ancien nonce, dont le rapport aurait été utile quand il lui a été demandé, plutôt que du côté du pape François qui a au contraire sévi avec décision et de façon radicale.

 

 

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel