En Europe, le dialogue est nécessaire contre le « virus des divisions », estime le cardinal Ayuso Guixot qui est intervenu à un séminaire en ligne du Conseil des Conférences épiscopales européennes (CCCEE) , rapporte L’Osservatore Romano en italien du samedi 7 novembre 2020.
Il a notamment souligné qu’une « une société fraternelle promeut l’éducation au dialogue ».
AB
Synthèse de l’intervention du card. Ayuso, par L’Osservatore Romano
« L’Europe a connu, et connaît, le vieux virus des divisions et de l’égoïsme qu’elle est parvenue à dépasser par le vaccin toujours efficace de la solidarité, à côté duquel le pape François nous invite aujourd’hui à employer celui de la « fraternité humaine » ». C’est ce qu’a souligné le card. Miguel Ángel Ayuso Guixot, dans son intervention au séminaire en ligne qui s’est tenu jeudi 5 novembre, à l’initiative du CCEE, section pour le dialogue.
« Les religions au service de la fraternité dans le monde », le thème de la rencontre, au cours de laquelle le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a apporté une relecture de l’encyclique du pape François, Fratelli tutti, dans un contexte marqué par le débat ravivé par les récentes attaques terroristes à Nice et à Vienne. « Les responsables des différentes traditions religieuses et les communautés qu’ils guident, en cheminant ensemble sur la voie du dialogue, peuvent vraiment apporter leur contribution à la fraternité universelle dans les sociétés où ils vivent », a exhorté le cardinal. En effet, comme le réaffirme le document signé par le pape sur la tombe du Poverello à Assise, « il n’est pas acceptable que, dans le débat public, seuls les puissants et les savants aient droit à la parole.
Au contraire, « il doit y avoir un espace pour la réflexion qui procède d’un fond religieux recueillant des siècles d’expérience et de sagesse », étant donné que « le croyant est témoin et porteur de valeurs » comme « la rectitude, la fidélité, l’amour du bien commun, l’attention envers les autres, surtout ceux qui se trouvent dans le besoin, la bienveillance et la miséricorde » : tous « ces éléments que nous pouvons partager avec les différentes religions », a fait observer le conférencier. C’est pourquoi, « dans le monde d’aujourd’hui, tragiquement marqué par l’oubli de Dieu et par l’abus qui est fait de son nom, les personnes appartenant aux différentes religions sont appelées, à travers un engagement solidaire, à défendre et promouvoir la paix et la justice, la dignité humaine et la protection de l’environnement ».
Dans la pratique, a expliqué le président du dicastère du Vatican, les croyants doivent « offrir leur collaboration aux sociétés » dont ils sont citoyens, mettant à disposition « leurs convictions les plus profondes qui concernent le caractère sacré et inviolable de la vie et de la personne humaine » ; et en conséquence, « le dialogue interreligieux a une fonction essentielle pour construire la cohabitation civile, , une société qui inclue et qui ne soit pas édifiée sur la culture du déchet, et c’et une condition nécessaire pour la paix » dans ce « « monde déshumanisé », marqué par l’indifférence et l’avidité. Donc, « une société fraternelle sera celle qui promeut l’éducation au dialogue pour vaincre le virus de l’individualisme radical ».
Le cardinal a ensuite analysé les demandes concrètes contenues dans l’encyclique du pape Bergoglio : telle la réforme de l’Onu, où même les nations plus pauvres comptent autant que les autres ; une remise de la dette extérieure des pays les plus pauvres ; un renforcement de la destination universelle de la propriété privée ; la fin du commerce des armes, surtout nucléaires. Et en ce sens, a-t-il ajouté, « la fraternité peut exercer un rôle irrésistible sur les relations internationales à l’intérieur d’un monde multipolaire et multireligieux ».
Par la suite, le cardinal Ayuso Guixot a approfondi les neuf points du Document sur la Fraternité humaine repris dans Fratelli tutti. La fameuse déclaration d’Abou Dhabi, signé le 4 février 2019 par le pape et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed El-Tayyeb, représente une occasion historique « pour les croyants des différentes religions et pour toutes les personnes de bonne volonté » ; et bien qu’ayant vue le jour dans un environnement musulman et catholique, « elle ne contient rien qui ne puisse être partagé avec les autres », puisque toute la « famille humaine » est « interpelée et impliquée ». En substance, il s’agit de passer de la « globalisation de l’indifférence » à la « globalisation de la fraternité », comme le souhaitent le pape François et le chef de la principale institution académique de l’islam sunnite. Ils « se sont découverts frères dans la promotion de la justice et de la paix » et, « à travers la culture du dialogue, la collaboration commune et la connaissance mutuelle », ils ont condamné « les plaies du terrorisme et de la violence, spécialement celle qui se pare de motivations religieuses », invoquant le droit à la liberté de religion, parce qu’on ne peut pas contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou culture, et encore moins imposer des styles de vie « que d’autres n’acceptent pas ». En revanche il faut « reconnaître l’égalité des droits de citoyenneté aux musulmans et aux chrétiens dans leur pays, en renonçant à l’usage discriminatoire du terme de minorité qui porte en soi les germes » de l’isolement « et de l’infériorité et qui prépare le terrain aux hostilités et à la discorde » en retirant « les conquêtes et les droits religieux et civils ».
Le cardinal Ayuso Guixot exhorte donc à un « dépassement des nationalismes et des populismes » parce que, souligne-t-il, « une culture saine est accueillante et sait s’ouvrir à l’autre, sans renoncer à elle-même ».
En revanche, « la violence ne trouve aucun fondement dans les convictions religieuses, mais plutôt dans leurs déformations. Des actes « exécrables » comme les actes terroristes, sont dus à des interprétations erronées des textes religieux » ou « à des politiques s’appuyant sur la faim, la pauvreté, les injustice ou l’oppression », a-t-il dénoncé.
Enfin, le président du Conseil pontifical a relancé l’appel de l’évêque de Rome afin qu’ « au nom de la fraternité humaine, soient adoptés le dialogue comme chemin, la collaboration comme conduite et la connaissance réciproque comme méthode et critère », mettant « de côté les préjugés, les retards et les difficultés ». Sans renoncer en aucune façon à notre identité, a-t-il conclu, avec force et courage, il faut affirmer la nécessité de la fraternité humaine et de l’amitié sociale » comme conditions incontournables de la paix.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat