Audience générale, 21 octobre 2020 © Vatican Media

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Le meilleur témoignage des chrétiens ? Le pape répond à un journal serbe

Crise, dialogue, jeunes, voyages

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Le meilleur témoignage que les chrétiens puissent donner ? Qu’ils sont « des hommes et des femmes que Jésus, la miséricorde du père, a rencontrés et pardonnés », affirme le pape François dans un entretien au journal serbe “Politika” publié le 1er novembre 2020 en espagnol.

Dans cet entretien accordé à l’occasion du centenaire des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Serbie, le pape invite les chrétiens à « rendre témoignage de (leur) espérance » : « Nous sommes appelés à nous faire les prochains de tous et de toutes les situations, au nom de la solidarité qui naît de la compassion du Seigneur ». « J’aime penser, confie-t-il, que le chrétien dans le monde est une personne réaliste, très réaliste… avec le réalisme de l’Evangile ».

« Le meilleur témoignage que nous puissions donner par notre vie », ajoute-t-il, est d’être « des hommes et des femmes que Jésus, la miséricorde du père, a rencontrés et pardonnés ».

Héros urbains ou profiteurs

« On ne sort pas indemne d’une crise. On peut en sortir meilleur ou pire, mais pas le même », affirme-t-il au plus ancien journal des balkans (1904). Pour le pape, la crise a la capacité « d’empirer les injustices existantes » ou de « renforcer les meilleurs pratiques et réactions ».

Dans la pandémie actuelle, il constate deux attitudes : celle des « authentiques “héros urbains” armés de la solidarité et de l’entraide silencieuse, concrète et quotidienne » ; et celles « des profiteurs » qui tirent parti de la situation « sans pitié », ou de ceux qui « ne pensent qu’à eux », s’opposant aux mesures de restriction imposées pour freiner la pandémie.

Le pape exhorte à un « changement » : « la pandémie met en crise notre modèle d’organisation et de développement », elle met à découvert « beaucoup d’inégalités, de graves silences et de lacunes sociales et sanitaires ». « La transformation a toujours un coût et nous devons nous demander qui est en train de le payer », insiste-t-il en épinglant « un monde qui s’organise autour du pouvoir, de la richesse et de l’avidité ».

« Il faut créer une nouvelle normalité », poursuit le pape François. Et de dénoncer les « fausses sécurités et protections », la « dictature de l’utilitarisme », et les propositions « qui semblent belles mais ne font que générer apathie et solitude ». Alors que la société produit des « orphelins », « des jeunes et des adultes sans référence, sans domicile, sans communauté », il invite à construire le « nous d’un peuple, d’une famille, d’une ville, d’un avenir rêvé et travaillé en commun ». « La dernière chose que nous devons faire, assure-t-il, est de nous barricader sur la défensive et de nous plaindre de la façon dont vont les choses. »

Le pape s’inquiète particulièrement pour les jeunes générations : « Beaucoup de jeunes se sentent les enfants de l’échec et de la désillusion », confrontés aux « violences de divers types » et à une croissance « exponentielle » qui réserve les bénéfices à quelques-uns et de « grandes privations » à beaucoup. Quand les jeunes ont des difficultés à trouver du travail, prévient-il, la culture devient « stérile ». « Exclure les jeunes du marché de l’emploi c’est les obliger à rester en marge des solutions de demain. »

La présence de Dieu dans le monde

Au fil de l’entretien, le pape met aussi en garde contre « la tentation de croire que la haine et la violence sont une façon rapide et efficace de résoudre les conflits » : « finalement la seule chose qu’ils peuvent engendrer est une spirale de violence plus grande », comme cela est visible « sur les réseaux sociaux, dans l’anonymat où beaucoup se cachent ». « L’injustice ne peut pas se résoudre avec des pratiques injustes », ajoute-t-il, en revanche dialoguer « est une manière consciente et humble d’assumer l’histoire, les injustices, les différences… Sans dialogue nous faisons naître une culture de guettos ».

Evoquant sa volonté de construire la fraternité, le pape plaide pour les relations de voisinage, « conditions basiques pour briser tout type de repli idéologique d’une culture ou d’une religion ». Chez ceux qui vivent la culture de la rencontre « dans leur entourage immédiat », il voit « la présence de Dieu dans le monde », le Seigneur qui « s’infiltre » dans l’histoire.

Il raconte par ailleurs comment il a décidé de son premier voyage apostolique, sur l’île de Lampedusa (8 juillet 2013) : à la lecture de la lettre d’un curé racontant l’histoire des survivants de la Méditerranée qui abordaient « dans des situations dramatiques », confie-t-il, « j’ai senti la présence du Seigneur qui m’indiquait le chemin ». Il s’agissait d’aller là-bas « pour m’unir au cri de ces frères ».

Lampedusa fut le « signe de ce que le Seigneur m’invitait à mettre en priorité », poursuit le pape : aller à la périphérie pour « mieux voir, pour mieux comprendre », « non seulement l’Evangile mais notre humanité. » Dans ses voyages, il a ainsi privilégié des régions où la présence de l’Eglise était moindre. « Nos frères qui sont en petit nombre ont-ils moins de valeur ? » répond-il aux objecteurs.

Depuis le début de pontificat, il se souvient d’avoir souvent braqué le projecteur sur les « exilés invisibles », porteurs de handicap, qui sont « traités comme des corps étrangers dans la société », les personnes âgées que l’on considère comme une « charge » parce qu’elles ne sont pas « utiles », les migrants qui sont « stigmatisés » et pris comme « boucs émissaires » pour justifier des politiques discriminatoires, ainsi que les détenus.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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