Rencontre pour la paix au Capitole 20 octobre 2020 © Vatican Media

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Pour le patriarche Bartholomée, « finies les « modes » écologiques. Il faut agir » (traduction complète)

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Rencontre des religions et des non-croyants pour la paix 

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La crise sanitaire et économique actuelle montre que « le temps est fini de la mode écologique, de son idéalisation ou, pire, de son idéologisation. Le temps est venu d’agir », a affirmé le patriarche œcuménique Bartholomée. Les grandes religions du monde, souligne-t-il, placent l’homme au centre de la création : il « fait partie de la création avec tout ce qu’elle contient ».

Au cours de la rencontre organisée par la communauté de Sant’Egidio dans l’esprit d’Assise et intitulée « Personne ne se sauve seul. Paix et fraternité », le mardi 20 octobre 2020, au Capitole, à Rome, le patriarche œcuménique Bartholomée a adressé un message intitulé « Écologie, salut de l’humanité et de toute la création ».

Il faut « renverser » l’ordre anthropologique selon lequel l’être humain peut exercer une « domination absolue » sur le reste de l’univers au lieu de partager « cette “âme vivante“ présente dans l’action créatrice tout entière de Dieu », a déclaré le patriarche. Pour lui, l’écologie doit être refondée « comme un signe de la présence du divin dans la création ».

Voici notre traduction du message du patriarche œcuménique Bartholomée.

HG

Message du patriarche œcuménique Bartholomée

Sainteté,

Éminences, Excellences,

Représentants des grandes religions du monde

Toutes les Autorités,

Frères et sœurs,

La possibilité nous est de nouveau offerte de nous rencontrer en cette période difficile pour l’humanité entière, mais en même temps propice pour nous interroger, méditer, prier et agir afin de construire une société meilleure, capable de relever les grands défis du moment, qui ne concernent pas seulement certains peuples ou nations, mais toute la vie dans notre merveilleuse maison commune, le monde, don de la miséricorde de Dieu.

Pour construire une fraternité qui conduise à la paix et à la justice, au respect et à la compréhension, pour nous sentir membres de la même famille comme au sein d’un foyer domestique, nous devons commencer par prendre soin de notre maison commune, à l’intérieur de laquelle nous nous trouvons tous, fils de cette humanité et de toutes les choses créées par Dieu. Le temps est fini de la mode écologique, de son idéalisation ou, pire, de son idéologisation. Le temps est venu d’agir.

Certes, depuis très longtemps de nombreuses nations, de nombreux mouvement, courants de pensée, scientifiques ou simples citoyens du monde, ont travaillé et travaillent encore pour soigner notre planète malade ; notre patriarcat œcuménique a identifié depuis plus de trente ans les racines spirituelles de la crise écologique, organisé des congrès, rencontres, séminaires et chartes écologiques, mais tout cela a été rapidement supplanté par la crise sanitaire et économique mondiale causée par la pandémie actuelle qui, à son tour, a soulevé de nouvelles questions.

C’est pourquoi l’action pour notre maison commune doit entreprendre un nouveau parcours, se développer dans une lumière différente. Nous devons renverser un ordre socio-culturel séculaire et percevoir la parcelle divine qui y est présente.

Au VIè siècle avant Jésus-Christ, le philosophe grec Anaximène de Milet a introduit la théorie des quatre éléments, théorie qui a traversé toute notre histoire pour parvenir jusqu’à nous. Depuis les origines, philosophes, mathématiciens et alchimistes ont cherché à connaître et ont étudié les quatre éléments naturels et fondamentaux qui composent la planète : l’air, l’eau, le feu et la terre. Tous, également importants, s’alternent constamment, permettant le développement harmonieux de la vie et la transformation régulière du monde. Le temps est venu de comprendre que leur rapport avec la vie n’est tel que s’il contient en lui le paradigme de notre maison commune. Sans la sauvegarde de l’environnement naturel, sans notre maison commune, les quatre éléments appartiennent à l’espace cosmique, mais pas à la vie créée par Dieu. D’où la nécessité de mettre au même niveau notre maison commune et les quatre éléments, dans la mesure où c’est seulement avec elle qu’il est possible de sauver le genre humain et toute la création.

En même temps, les grandes religions du monde et leurs textes sacrés nous offrent un cadre très semblable de l’action créatrice de Dieu, au centre duquel se trouve l’homme. L’homme fait partie de la création avec tout ce qu’elle contient. Dans la tradition chrétienne, l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu et cela a souvent été interprété par une certaine théologie comme une sorte de suprématie de l’homme sur le reste de la création. Non pas un partage de cette « âme vivante » présente dans l’action créatrice tout entière de Dieu, mais une domination absolue de l’être humain sur tout l’univers. Nous devons renverser également cet ordre anthropologique et comprendre que notre Maison commune est comme la maison des miroirs. Un miroir dans lequel nous voyons se refléter notre image, comme celle de chacun de nos frères et avec nous, tous les éléments de la création. Créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous voyons en nous l’image de notre frère et en tout être humain une parcelle divine. En regardant ce qui nous entoure, nous voyons l’œuvre divine qui y est contenue.

Le retournement socio-culturel et anthropologique qui en découle, par conséquent, nous pousse à voir l’écologie comme un signe de la présence du divin dans la création. Nous ne devrons alors pas parler de l’écologie comme d’un des grands phénomènes ou sujets du moment, mais comme si c’était l’air même que nous respirons. L’humanité peut reprendre son rôle de gardienne et de trésorière de la création : il n’y a plus de place pour les fondamentalismes, les injustices sociales et économiques, l’hédonisme, l’égoïsme, le besoin de dominer et toute la création participera à nouveau au bien mondial. Dans notre maison commune – εν τῷ οίκῳ – la fraternité et la paix ne sont pas des éléments d’intégrisme religieux ou culturel, mais la vraie liberté qui nous fait comprendre, en cette heure sombre de la terre, que « personne ne se sauve tout seul ».

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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