Marthe Robin: une héroïcité des vertus établie en tenant compte des avis critiques
Les éditions du Cerf publient ce jeudi 8 octobre, en France, un ouvrage intitulé La Fraude mystique de Marthe Robin. Il s’agit d’un ouvrage posthume du religieux carme Conrad de Meester, décédé le 5 décembre 2019, mais qui avait signé un contrat avec cette maison d’édition dès 2012 en vue de la publication de ce livre.
Il y remet en cause l’authenticité de la vie mystique de Marthe Robin (1902-1981), une figure spirituelle connue en France pour sa vie recluse, mais aussi pour son rayonnement qui a mené notamment à la fondation des Foyers de Charité en lien avec le père Georges Finet (1898-1990), lui-même récemment mis en cause, 30 ans après son décès, sur des allégations d’abus.
Qui était Marthe Robin?
Cette jeune fille à la santé très fragile, gravement malade au point de passer quelques jours dans le coma en 1918, développe une foi très intense, qui contraste avec la relative indifférence religieuse de ses parents, catholiques mais peu pratiquants. Sa vie mystique se développe à partir des années 1920, avec le soutien des prêtres qui lui rendent visite. Bien que souffrante, atteinte d’une maladie qui lui fera perdre sa vue et sa mobilité, Marthe Robin laissera à ceux qui l’ont rencontrée le souvenir d’une personnalité joyeuse et ouverte. Cette période sera celle de ses premières visions de Marie et de Jésus.
À partir de 1930, Marthe Robin ne se nourrit plus que de l’hostie consacrée et ne sortira quasiment plus jamais de sa chambre, à Châteauneuf-de-Galaure, sa commune natale où elle est restée toute sa vie. Elle vivra plus de 50 ans dans cette situation « d’inédie », le terme médical définissant l’absence d’alimentation. Ses cinq décennies de survie dans cette condition demeurent un mystère médical et un sujet de controverse.
1930 est aussi l’année des premiers stigmates, qu’elle recevra chaque vendredi à partir de 1931, en union avec la Passion du Christ. Sa fatigue et sa faiblesse physique ne l’empêchent pas de recevoir de nombreux visiteurs, parmi lesquels les cinq évêques successifs de Valence, qui croiront pleinement en sa sincérité et qui soutiendront son œuvre. Environ 100 000 personnes auraient personnellement rencontré Marthe Robin au long de ces cinquante années, recevant d’elle des conseils spirituels qui ont accompagné leur vocation, leur engagement dans une vie consacrée ou familiale, parfois aussi un chemin professionnel ou artistique. Elle a inspiré la création des Foyers de Charité en 1936, le premier étant situé à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, là où elle résidait. Elle a joué un rôle important également dans la création d’autres communautés nouvelles, notamment la Communauté de l’Emmanuel.
Sa vie s’achève en février 1981, dans un état d’épuisement extrême: selon des témoins, dans les jours précédant son décès, elle ne pesait plus qu’entre 25 et 30 kilos. Ses obsèques, le 12 février 1981, seront concélébrées par quatre évêques et 200 prêtres. Une aura de sainteté l’entoure alors dans la mémoire collective de nombreux catholiques français, et son procès en béatification s’ouvre dans le diocèse de Valence dès 1986, soit cinq ans plus tard, un délai exceptionnellement court.
Une enquête complexe et menée avec sérieux
Spécialiste reconnu des œuvres de Sainte Thérèse de Lisieux, sainte Élisabeth de la Trinité ou encore sainte Edith Stein, le père de Meester a fait partie des experts consultés dans le cadre de la cause de béatification de Marthe Robin. Dans la préface de son livre, il affirme que ses remarques n’ont pas été sérieusement prises en considération durant la phase romaine de la procédure, et qu’il n’a pas reçu de réponse à ses objections. Mais l’évolution de la procédure ne donne généralement pas lieu à des communications individuelles aux experts concernés, une fois leur contribution intégrée dans le dossier.
L’enquête diocésaine sur la vie et les vertus de la Vénérable Marthe Robin avait été instruite de 1988 à 1996 dans le diocèse de Valence, en France, sur le territoire duquel se situe Châteauneuf-de-Galaure. Le père de Meester avait alors été nommé censeur théologique, avec la charge d’évaluer les écrits de Marthe Robin. Il avait accompli cette mission en étant assermenté, et donc astreint au secret professionnel.
Dans son rapport, le théologien soulevait certains problèmes liés notamment à la dimension mystique de Marthe Robin, expliquant notamment qu’elle était certes handicapée mais non pas paralysée, ni aveugle comme elle l’affirmait, car elle avait rédigé certains écrits de sa propre main. Il soulignait par ailleurs que presque tous ses écrits ou récits d’expériences mystiques peuvent être attribués à d’autres auteurs spirituels, qui ne sont jamais cités.
L’ensemble des positions critiques du père de Meester, avec aussi d’autres éléments concernant notamment l’étude graphologique et l’évaluation médicale, avaient été intégrées dans la Positio super virtutibus, c’est-à-dire le rapport sur l’héroïcité des vertus établi par la Congrégation pour les Causes des Saints. Tous ces éléments ont donc été étudiés de façon très méthodique, d’abord par les consulteurs théologiques, et ensuite par les cardinaux et évêques membres du Dicastère, qui en sont arrivés à un jugement positif sur l’exercice héroïque des vertus de la part de Marthe Robin.
La publication du décret en ce sens avait été autorisée par le Pape François le 7 novembre 2014. Marthe Robin est donc considérée par l’Église comme Vénérable, et l’attribution d’un miracle dû à son intercession demeure le critère requis dans la perspective d’une éventuelle future béatification.
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