En demandant de prier « pour qu’en vertu du baptême, les fidèles laïcs, en particulier les femmes, participent plus aux instances de responsabilité dans l’Église », le pape avec des mots mesurés touche à des questions difficiles et douloureuses pour bien des femmes qui se forment et s’engagent de tout leur cœur et de toute leur intelligence au service de l’Église, mais sont tenues à l’écart de certaines responsabilités en vertu de leur sexe. La situation d’un laïc homme est semblable, mais elle semble moins mal vécue. Peut-être est-ce parce qu’il n’est pas discriminé par le sexe.
Les laïcs engagés, hommes et femmes, assument de grandes responsabilités dans l’Église : l’enseignement de la théologie, la catéchèse, la préparation aux sacrements, la présidence d’œuvres de charité, l’animation et l’accompagnement spirituels, etc. Sans eux l’Église serait un désert. Ce dont ils sont exclus, ce sont les prérogatives que le clergé s’est arrogé au cours des siècles ; clergé qui s’est en partie constitué sur le modèle des prêtres de l’Ancien Testament. Saint Paul organise les communautés chrétiennes. Elles sont dirigées et animées par des anciens. Il n’institue pas un clergé. S’il affirme qu’il n’y a plus « ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme », il n’a pas mis de femme à la tête d’une communauté. L’organisation des communautés est nécessaire. À travers les signes des temps, l’Esprit Saint parle à l’Église pour qu’elle avance dans une fidélité qui se reçoit chaque jour. Dans sa Lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018*, le Pape fustige le cléricalisme qui ne veut rien lâcher de son pouvoir ni des habitudes acquises. Il provient autant des clercs que des laïcs qui dans la mise à part des prêtres se confortent dans l’idée qu’ils se font du sacré.
Les conciles sont des étapes précieuses pour permettre au peuple de Dieu de cheminer en assumant son histoire. Dans la fidélité, ils prennent des décisions courageuses. Un bel exemple est celui du concile de Jérusalem qui décide de ne pas demander la circoncision aux chrétiens venus du paganisme, ni l’observance de la multiplicité des prescriptions de la loi de Moïse. La fidélité ne signifie pas l’immobilisme, mais la traduction pour une époque donnée du trésor que le Christ donne à son Église. Vatican II a remis en valeur la notion de peuple de Dieu, l’ensemble des baptisés, comme aux premiers temps de l’Église, et appelle à poursuivre dans ce sens.
La prière est indispensable car elle permet de nous mettre dans les dispositions intérieures de docilité à l’Esprit, sans revendication ni crispation et sans pusillanimité ni imprudence qui font le jeu de l’Ennemi. Le Christ ressuscité donne l’Esprit à l’Église pour qu’elle avance en confiance. Celle-ci naît de la déchirure du côté ouvert du Christ. Cette déchirure fait aussi partie de la vie du chrétien. C’est dans le Christ qu’elle porte un fruit de vie plus fort que la mort, un fruit qui demeure.
P. Daniel Régent sj, directeur national
*Extrait : « Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » Pour lire la Lettre au Peuple de Dieu en intégralité http://www.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2018/documents/papa-francesco_20180820_lettera-popolo-didio.html