Nature, champ de blé © Pixabay CC0 - Kamelia

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Journée du tourisme : « Rencontrer la sagesse des zones rurales » (traduction complète)

Message du card. Turkson

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Le cardinal Peter Turkson invite le secteur du tourisme à mettre en valeur « les zones rurales et marginales en les rencontrant » : « Cela nous permettra de ralentir et d’éviter les risques de la frénésie », affirme-t-il dans son message pour la Journée mondiale du tourisme, célébrée ce 27 septembre 2020.

Le préfet pour le Dicastère du développement humain intégral estime que « la sagesse de celui qui cultive la terre, faite d’observation et d’attente, peut certainement aider notre monde frénétique moderne à harmoniser le temps de la vie quotidienne avec celui de la nature ».

S’inquiétant de la « réduction drastique de la mobilité humaine et du tourisme, aussi bien international que national », à cause de la pandémie de Covid-19, le cardinal prône cependant le tourisme des zones plus reculées et préservées, « pour soutenir l’économie rurale, qui est faite d’agriculture et, souvent, d’entreprises familiales ».

Les petits agriculteurs, assure-t-il, « sont les premiers gardiens de la création à travers leur travail patient et pénible de la terre ». Et les touristes « peuvent devenir des soutiens d’un écosystème, s’ils voyagent de façon consciente et sobre ».

En effet, ajoute le cardinal, « le tourisme qui sait regarder et partager les dons de la terre dans le domaine rural devient aussi une façon d’apprendre de nouveaux styles de vie, concrètement ». Il s’agit de « respecter les pratiques agricoles, les rythmes de vie des populations rurales, en appréciant l’authenticité conservée par des régions entières, en se laissant surprendre par mille petites choses qui peuvent se voir, en choisissant des produits agricoles locaux ».

Voici notre traduction de son message publié ce 7 août 2020.

AKM

Message du cardinal Turkson

Tourisme et développement rural

La 41e Journée mondiale du tourisme est célébrée cette année dans le contexte incertain marqué par les développements de la pandémie de COVID-19, dont on ne voit pas encore la fin. Il en dérive une réduction drastique de la mobilité humaine et du tourisme, aussi bien international que national, qui atteint des chiffres historiquement bas. La suspension des vols internationaux, la fermeture des aéroports et des frontières, l’adoption de restrictions sévères pour les voyages, même internes, est en train de causer une crise sans précédent dans de nombreux secteurs liés à l’industrie touristique. L’on craint que dans la pire des hypothèses, l’on assistera fin 2020 à une diminution de presque un milliard de touristes internationaux, avec une perte économique globale d’environ 1.200 milliards de dollars. Il s’en suivrait une perte énorme de postes de travail dans tout le secteur touristique. Selon le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme, Zurab Pololikashvili, « parmi tous les secteurs, le tourisme a été le plus majoritairement touché par le lockdown global, avec des millions de postes de travail à risque dans un des secteurs les plus intensifs pour l’économie ».

Ce scénario inquiétant, impensable encore il y a quelques mois, ne doit pas nous paralyser et nous priver d’une vision positive de l’avenir. En ce sens, le pape François a affirmé : « Le pire de cette crise, c’est seulement le drame de la gâcher[…] Actuellement, dans le grand effort de recommencer, combien le pessimisme est nocif, le fait de voir tout en noir, le fait de répéter que rien ne sera plus comme avant ! »

Tourisme et développement rural – le thème choisi pour cette Journée par l’OMT avant la crise du COVID-19 – indique providentiellement une des voies vers une possible reprise du secteur touristique. Elle commence avec l’invitation à prendre au sérieux et à mettre en pratique le développement durable qui, dans le domaine du tourisme, signifie un plus grand intérêt pour les destinations touristiques extra-urbaines, petits villages, bourgs, routes et lieux peu connus et moins fréquentés : ces lieux les plus cachés à découvrir ou redécouvrir puisqu’ils sont les plus enchanteurs et les plus préservés. La ruralité vit en ces lieux, loin des chemins du tourisme des foules. Il s’agit donc de la promotion du tourisme durable et responsable qui, mis en pratique selon des principes de justice sociale et économique et dans le plein respect de l’environnement et des cultures, reconnaît la centralité de la communauté locale qui accueille et son droit à être protagoniste dans le développement durable et socialement responsable de son territoire ; un tourisme qui favorise donc l’interaction positive entre l’industrie touristique, la communauté locale et les voyageurs.

Ce genre de tourisme peut devenir un moteur pour soutenir l’économie rurale, qui est faite d’agriculture et, souvent, d’entreprises familiales, de petites dimensions, dans des lieux en marge, percevant de faibles revenus dans la filière alimentaire. Tourisme et agriculture rurale peuvent ainsi devenir deux composantes essentielles du monde nouveau que l’on souhaite construire. Un tourisme réalisé par des personnes et à travers les personnes. Les petits agriculteurs, du reste, sont les premiers gardiens de la création à travers leur travail patient et pénible de la terre. Les touristes sont les visiteurs qui peuvent devenir des soutiens d’un écosystème, s’ils voyagent de façon consciente et sobre. Voyager vers des destinations rurales, alors, peut vouloir dire, concrètement, soutenir les productions locales, de petites réalités d’entreprises agricoles, réalisées de façon compatible avec les lois de la nature. Ainsi, un voyage pourra avoir la saveur de l’histoire et ouvrir le cœur vers le large horion de la fraternité et de la solidarité.

Le tourisme qui sait regarder et partager les dons de la terre dans le domaine rural devient aussi une façon d’apprendre de nouveaux styles de vie, concrètement. La sagesse de celui qui cultive la terre, faite d’observation et d’attente, peut certainement aider notre monde frénétique moderne à harmoniser le temps de la vie quotidienne avec celui de la nature. Rapprocher tourisme et développement rural est une bonne façon d’apprendre de nouvelles cultures, de se laisser contaminer par les valeurs de la protection de la création qui, aujourd’hui, représentent non seulement un devoir moral mais une urgence d’action collective.

Le “tourisme rural” devient ainsi le lieu où apprendre une nouvelle façon d’entrer en relation avec l’autre et avec la nature. Et chaque changement personnel doit commencer par des comportements vraiment transformés ; pour faire cela il faut se mettre en chemin ; et pour se mettre en chemin il faut une destination : le monde rural peut être tout cela. Le tourisme rencontre le développement qui se réalise de façon attentive et tranquille, durable ; cela signifie respecter les pratiques agricoles, les rythmes de vie des populations rurales, en appréciant l’authenticité conservée par des régions entières, en se laissant surprendre par mille petites choses qui peuvent se voir, en choisissant des produits agricoles locaux. De cette façon on peut accueillir les différences, qu’elles soient petites ou grandes, entre traditions, lieux et communautés rencontrées. Alors pourquoi ne pas se tourner vers un tourisme qui valorise les zones rurales et marginales en les rencontrant ? Cela nous permettra de ralentir et d’éviter les risques de la frénésie.

Le tourisme peut devenir, justement en ce moment, un instrument de proximité. Oui, notre monde postmoderne a besoin de proximité, c’est-à-dire de proximité dans les relations, et donc de proximité des cœurs. Et le tourisme, qui prévoit dans tous les cas le mouvement de personnes et de biens, doit désormais montrer son visage transformateur, comme activité récréative qui fait grandir l’esprit de fraternité entre les peuples.

Dans une période d’incertitude sur les mouvements des personnes, où le tourisme subit les pires conséquences de façon immédiate et directe, nous pensons qu’il faut agir pour soutenir les revenus des travailleurs de ce secteur, ainsi que pour le soin et la défense des communautés rurales les plus fragiles dans chaque territoire. En faisant ainsi, l’économie touristique pourra reprendre son cours, quand bien même à des niveaux de circulation plus réduits ; la circulation des personnes, des biens et de la monnaie sera le signe tangible d’une proximité qui a commencé dans les cœurs. Le tourisme responsable et durable, en valorisant les ressources et les activités locales, est souhaitable comme l’un des facteurs de tournant dans la lutte contre la pauvreté, que la pandémie du COVID-19 a fait augmenter de façon exponentielle.

En conclusion, nous voulons assurer notre proximité et notre soutien à tous ceux qui sont engagés pour combattre l’impact de la pandémie sur la vie des individus et des sociétés qui vivent du tourisme.

Nous lançons un appel aux dirigeants et aux responsables des politiques économiques nationales, afin qu’ils promeuvent et qu’ils encouragent le tourisme responsable, mis en oeuvre selon des principes de justice sociale et d’économie et dans le plein respect de l’environnement et des cultures. Que les gouvernants tournent leur regard vers les zones marginales, en donnant à ces territoires des occasions de développement, en valorisant les vocations particulières, la participation des communautés locales aux processus décisionnels, l’amélioration du revenu de celui qui travaille la terre.

Nous nous adressons particulièrement aux mouvements écologistes et à tous ceux qui sont engagés dans la défense de l’environnement afin qu’ils contribuent par leurs actions à la conversion des cœurs vers une écologie intégrale saine et correcte, où la valeur de la personne humaine se conjugue avec la protection des conditions de vie des communautés rurales établies dans les zones marginales. Que la planification économique aie comme référence la défense des pauvres et des sujets les plus faibles dans le cycle économique : que les travailleurs de l’agriculture des zones rurales soient considérés comme des destinataires directs d’aides économiques et financières significatives et de projets de valorisation et de promotion de l’agriculture rurale familiale.

Aux évêques et aux responsables de la pastorale du tourisme, nous demandons un engagement unanime, pour que chacun, dans son territoire, assume des initiatives concrètes d’aide aux activités touristiques. Que les fidèles et les paroisses répondent avec sollicitude et avec générosité aux exigences et aux besoins des travailleurs du tourisme, aujourd’hui en difficulté, et qu’ils développent ensemble des réseaux de proximité dans les relations et dans le soutien des revenus perdus. Que l’on construise de nouveaux parcours de jouissance touristique des zones rurales, où conjuguer le respect de l’environnement et les occasions de soutien des opérateurs touristiques locaux.

Enfin, nous exprimons nos remerciements les plus cordiaux à tous ceux qui, en ce temps d’épreuve, ont montré de la solidarité et du soutien à ceux qui vivent du tourisme, en particulier dans les zones rurales. Avec l’aide de Dieu, mettons-nous tous en marche vers un avenir meilleur.

Du Vatican, 6 août 2020, en la fête de la Transfiguration du Seigneur

Cardinal Peter K. A. Turkson
Préfet

Traduction de Zenit, Anne Kurian-Montabone

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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