Prière pour la paix avec les Chaldéens de Géorgie © L'Osservatore Romano

Prière pour la paix avec les Chaldéens de Géorgie © L'Osservatore Romano

Le pape encourage à « vivre au milieu du monde » pour y « faire grandir la paix »

La paix, ça s’apprend (Traduction intégrale)

Share this Entry

« La vocation laïque est avant tout la charité dans la famille et la charité sociale ou politique », écrit le pape François dans une préface : « C’est vivre au milieu du monde et de la société pour en évangéliser ses diverses instances, pour faire grandir la paix, la coexistence, la justice, les droits humains, la miséricorde. »

Le pape signe en effet la préface de l’ouvrage « Pour un savoir de la paix », publié par la Librairie éditrice du Vatican sous la direction de Gilfredo Marengo, vice-doyen et professeur d’anthropologie théologique à l’Institut théologique pontifical Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille.

« Celui qui entend devenir expert des sciences de la paix a besoin d’apprendre à être attentif aux signes des temps, estime le pape : le goût de la recherche scientifique et de l’étude doit être accompagné d’un cœur capable de partager les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, pour savoir faire un vrai discernement évangélique. »

Évoquant le cycle d’études en Sciences de la paix institué à l’Université pontificale du Latran, il appelle à « former vraiment de précieux ouvriers de paix, prêts à se mettre en jeu dans les milieux les plus divers de la vie de nos sociétés ».

Voici notre traduction de cette préface publiée par L’Osservatore Romano daté du 16 septembre 2020.

Préface du pape François

Le changement d’époque que connaît l’humanité est habité par ce que j’ai souvent appelé « une troisième guerre mondiale en morceaux ». Nous savons combien la crainte d’un conflit mondial, capable de détruire l’ensemble de l’humanité, a marqué notre passé récent. Saint Jean XXIII a consacré sa dernière encyclique, adressée à tous les hommes de bonne volonté, au thème de la paix. (1) Et comment ne pas rappeler l’appel vibrant de saint Paul VI à l’Assemblée des Nations unies : « Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais ! » (4 octobre 1965) ? Malheureusement, nous devons constater que le monde est encore aujourd’hui plongé dans un climat de guerre et de violence mutuelle : cette douloureuse réalité exige non seulement que nous maintenions vivant l’appel à la paix, mais nous oblige presque à nous poser des questions décisives. Pourquoi, dans un monde où la mondialisation a fait tomber tant de frontières, où nous sommes tous, dit-on, interconnectés, la violence continue-t-elle à être pratiquée dans les relations entre les individus et entre les communautés ? Pourquoi ceux qui sont différents de nous nous effrayent-ils souvent, au point que nous adoptons une attitude de défense et de suspicion qui se transforme trop souvent en agression hostile ? Pourquoi les gouvernements des États pensent-ils que le fait d’afficher leur force, même avec des actes de guerre, peut leur donner une plus grande crédibilité aux yeux de leurs citoyens et accroître le consensus dont ils bénéficient ?

Il n’est pas possible de répondre à ces questions et à d’autres de manière générale et hâtive. Il faut s’engager à étudier, il faut aussi investir dans la recherche scientifique et la formation des jeunes générations. Pour ces raisons, j’ai jugé nécessaire d’instituer à l’Université pontificale du Latran un cycle d’études en Sciences de la paix, en partant de la conviction que l’Eglise est appelée à s’engager à trouver la solution aux problèmes concernant la paix, l’harmonie, l’environnement, la défense de la vie, les droits de l’homme et les droits civils. Dans cet engagement, le monde universitaire a un rôle central, une place qui symbolise cet humanisme intégral qui a continuellement besoin d’être renouvelé et enrichi, afin de pouvoir produire un courageux renouveau culturel que le moment présent exige. Ce défi interpelle également l’Église qui, grâce à son réseau mondial d’universités ecclésiastiques, peut apporter la contribution décisive du levain, du sel et de la lumière de l’Évangile de Jésus-Christ et de la Tradition vivante de l’Église, toujours ouverte à de nouveaux scénarios et à de nouvelles propositions, comme je l’ai rappelé récemment lors de la réforme de l’organisation des études universitaires dans les institutions ecclésiastiques. Cela ne signifie certainement pas qu’il faille modifier le sens institutionnel et les traditions consolidées de nos réalités académiques, mais plutôt d’en orienter la fonction dans la perspective d’une Eglise plus sensiblement “en sortie” et missionnaire. En effet, il est possible d’affronter les défis du monde contemporain en répondant avec des contenus adaptés et un langage compatible, en s’adressant avant tout aux nouvelles générations.

Le présent volume offre un premier aperçu de centres d’intérêt de cette nouvelle entreprise académique. Celle-ci est nécessairement interdisciplinaire et exprime un dialogue fécond entre philosophie, théologie, droit et histoire. Je suis confiant qu’un approfondissement rigoureux de ces pistes de recherche, alimentées aussi par des contributions des sciences humaines, pourra favoriser la croissance d’un “savoir de la paix” afin de former vraiment de précieux ouvriers de paix, prêts à se mettre en jeu dans les milieux les plus divers de la vie de nos sociétés. J’ai à cœur de souligner qu’un bon ouvrier de paix doit être en mesure de faire mûrir un regard sur le monde et sur l’histoire qui ne tombe pas dans un “excès diagnostique”, qui n’est pas toujours accompagné de propositions de solutions réellement applicables.

Il s’agit, en effet, d’aller au-delà d’une approche purement sociologique qui a la prétention d’englober toute la réalité de façon neutre et aseptique. Celui qui entend devenir expert des sciences de la paix a besoin d’apprendre à être attentif aux signes des temps : le goût de la recherche scientifique et de l’étude doit être accompagné d’un cœur capable de partager les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, pour savoir faire un vrai discernement évangélique.

Nous avons vraiment besoin d’hommes et de femmes, bien préparés, dotés de tous les instruments nécessaires pour lire et interpréter les dynamiques sociales, économiques et politiques de notre temps. S’engager dans ces parcours de formation pourra aider efficacement tant de jeunes à découvrir que la vocation laïque est avant tout la charité dans la famille et la charité sociale ou politique : c’est un engagement concret à partir de la foi pour la construction d’une société nouvelle, c’est vivre au milieu du monde et de la société pour en évangéliser ses diverses instances, pour faire grandir la paix, la coexistence, la justice, les droits humains, la miséricorde, et ainsi étendre le Royaume de Dieu dans le monde.

Je suis reconnaissant au Prof. Marengo, qui a préparé ce volume, ainsi qu’aux intervenants dont les contributions ouvrent la voie à la maturation de ce domaine de recherche scientifique indispensable, destiné à nourrir des pratiques de paix et de concorde entre les hommes et les peuples.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat et Anne Kurian-Montabone

Share this Entry

Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel