Carlo Petrini, écrivain et gastronome italien, qui présentait ce samedi 12 septembre 2020 au Vatican les
Communautés « Laudato si' », vient d’écrire un livre sur l’écologie intégrale du pape François.
Comme le pape François, il est originaire du Piémont, la famille du pape Bergoglio, 83 ans, venant de la région d’Asti et Carlo Petrini, 71 ans, de Cuneo.
Leur livre s’intitule: « Terra futura. Conversations avec le Pape François sur l’écologie intégrale » (éd. Giunti-Slow Food). Il a été présenté à la presse mardi dernier, 8 septembre à Rome, la veille de sa publication.
Le livre constitue une invitation urgente à « renouer » avec la planète et avec ses peuples, comme le demande Laudato si’.
Du Slow food à l’écologie intégrale
Carlo Petrini est connu en Italie pour avoir lancé le mouvement mondial «Slow Food» (Restauration lente), dans les années 80, dans le dessein de sauvegarder les traditions culinaires régionales face au « Fast food ». Ce mouvement a ensuite évolué, adoptant une approche globale de l’alimentation et du mode de vie, les comportements, la production et la consommation alimentaires, l’économie et la planète étant liés, fait observer Radio Vatican.
Carlo Petrini a donc lancé « Terra Madre », un réseau écologique international.
Et avec l’évêque de Rieti, Mgr Domenico Pompili – qui signe la préface -, il a ensuite créé les Communautés Laudato si’.
L’auteur, souligne la radio du pape, a eu trois conversations personnelles « franches et amicales » avec le pape François, à plusieurs années d’intervalle, à des moments significatifs. Elles ont porté sur « l’écologie intégrale » et leur engagement commun à « cultiver et préserver » les biens de la planète, avec respect et attention pour la vie et les moyens de subsistance de tous ses habitants, dans une atmosphère de solidarité mutuelle.
Le livre aborde cinq thèmes dans une perspective « concrète et spirituelle »: la biodiversité, l’économie, les migrations, l’éducation et la communauté.
La « conversion écologique » du pape
La première conversation entre Petrini et le pape a eu lieu le 30 mai 2018, après un tremblement de terre désastreux dans le centre de l’Italie.
Le pape raconte – comme il l’a fait avec une délégation française le 3 septembre dernier – comment il en est venu à l’écologie humaine intégrale, ce qu’il appelle sa « conversion écologique » qui l’a fait passer de son manque de compréhension, à Aparecida 2007, devant l’insistance des évêques brésiliens à défendre l’Amazonie, jusqu’à la préparation de son encyclique «Laudato si’», de 2015.
Le pape François évoque aussi la genèse de Laudato si’, fruit du travail de nombreuses personnes, scientifiques, théologiens et philosophes, qui, dit-il, « m’ont beaucoup aidé à clarifier », et ont travaillé « sur la composition finale du texte ».
Et il explique avoir compris pour la première fois l’importance du document fin novembre 2014, lors de sa rencontre avec la ministre française de l’Environnement de l’époque, Mme Ségolène Royal, à l’occasion de sa visite au Parlement européen à Strasbourg. La ministre, se souvient le pape, a manifesté « beaucoup d’intérêt » pour le texte, dont seule la référence « aux thèmes de la maison commune et de la justice sociale » était connue. « C’est très important », a déclaré la ministre au pape, entrevoyant que le document aurait « un grand impact »: elle souhaitait même que le texte puisse être publié avant la Cop21 de Paris: « Là je me suis rendu compte, confie le pape, que l’attente grandissait et qu’une voix forte était attendue dans ce sens. Puis ça s’est bien passé: après sa sortie, j’ai vu que la plupart des gens, de ceux qui se soucient du bien de l’humanité, l’ont lu et apprécié, utilisé, commenté, cité. Je pense qu’il a été presque universellement accepté. »
Benoît XVI, « révolutionnaire »
A la fin de la première conversation, Carlo Petrini salue l’engagement des soeurs Missionnaires de la Consolata et leur témoignage de l’Évangile dans un hôpital pour les Indiens Yanomani, en Amazonie brésilienne, sans prosélytisme. De son côté, le pape François rappelle comment Benoît XVI a affirmé lors de son voyage pour la Conférence du CELAM à Aparecida, que « l’Église grandit non par prosélytisme mais par attraction, c’est-à-dire par le témoignage », condamnant ainsi le prosélytisme: « Alors je me fâche quand on dit que Benoît est un conservateur, Benoît était un révolutionnaire! Dans tant de choses qu’il a faites, dans tant de choses qu’il a dites, il était un révolutionnaire. »
Participation au synode
La deuxième rencontre a eu lieu le 2 juillet 2019, à trois mois du synode des évêques pour l’Amazonie. Le père du « Slow Food », qui à cette occasion recevra une invitation à participer à l’assemblée en tant qu’auditeur, demande au pape ce qu’il attend, et François répond: « Puisse-t-il avoir un impact important. Car » il faut déclencher des discussions fertiles et fructueuses » , « pour faire circuler les énergies et les idées. » Il nie avoir organisé le synode pour « permettre aux prêtres amazoniens de se marier ». Evêques et experts du monde entier, et représentants de l’Amazonie, explique-t-il, discuteront « des grands enjeux de notre jour « : » l’environnement, la biodiversité, l’inculturation, les relations sociales, la migration, l’équité et l’égalité. » Le pape révèle qu’il souhaitait des évêques aux opinions variées: « s’il n’y a pas d’opinions différentes, le débat est stérile et on court le risque de ne pas faire de progrès: « on a besoin de la réflexion et des ressources de tous ».
La troisième conversation a eu lieu le 9 juillet 2020, en pleine pandémie. Petrini parle de sa participation à l’assemblée des évêques comme d’ « une expérience extraordinaire »: « J’ai vu une Eglise différente de celle que j’imaginais: une Eglise les pieds sur terre, très vivante. » Le pape rappelle que l’humanité est « piétinée par ce virus et par tant de virus que nous avons fait croître », « des virus injustes: une économie de marché sauvage, une violente injustice sociale ».
L’éducation et l’alternative à proposer
Le pape appelle de ses voeux « une politique qui dise non à une économie de marché sauvage, non à la mystique de la finance qui est insaisissable parce qu’elle est aérienne » et « une nouvelle façon d’appréhender l’économie, un nouveau rôle pour le peuple ».
Le pape souhaite que soit proposée une « alternative »: « Il faut préparer autre chose! L’alternative! Et gagner grâce à cette alternative. (…) Oui, car beaucoup de gens se préparent à dire après trois coups de peinture: « Ah, tout a changé! », Mais rien n’aura changé. »
Enfin, à propos de l’éducation des jeunes, le pape explique son insistance sur le « dialogue entre les vieux et les jeunes » par le fait que « la génération actuelle de parents », « avec cette culture du bien-être, a perdu la mémoire de ses racines, mais les vieux, ils l’ont toujours ». Si ces parents sont fragilisés par « le bien-être et la consommation », il appartient à l’école et à l’université de « revenir aux trois langues humaines: celle de l’esprit, celle du cœur et celle des mains ». Un des piliers de la pédagogie selon le pape François. Mais en « harmonie! » dit-il, sinon « on va former des techniciens qui, peut-être du fait du développement, seront remplacés par une intelligence artificielle qui n’a pas de cœur et ne peut pas caresser ».
Il cite l’un de ses « grands professeurs de philosophie » qui disait que « si un homme ne peut pas jouer avec des enfants, il n’est pas mûr ». Et que lui, en tant que confesseur, demandait toujours aux parents: « Mais jouez-vous avec vos enfants? »: « C’est la vraie poésie! Si un père n’est pas poète, il ne saura pas bien éduquer son fils, mais avec cette poésie de la gratuité, oui. »