Chrétienne maronite, combattante de la guerre du Liban à 19 ans, devenue non-violente, fondatrice d’associations, Jocelyne Khoueiry (1955-2020) s’est éteinte ce vendredi 31 juillet, à l’âge de 64 ans, des suites d’une longue maladie, à l’hôpital Notre-Dame de Secours à Jbeil (Liban), rapportent les médias locaux
Nathalie Duplan et Valérie Raulin ont raconté son parcours dans ce livre d’aventures qu’est « Jocelyne Khoueiry, l’Indomptable » (Le Passeur, 2015). Nous les avions rencontrées pour la parution de leur premier livre, en 2005.
L’Orient-Le Jour rappelle notamment qu’en 1980, « Bachir Gemayel lui demande de former 500 filles au port des armes, les fameuses « combattantes » du parti. Elle aura jusqu’à 1000 combattants sous ses ordres, avant de déposer les armes en 1986″.
« Après la guerre, souligne le quotidien libanais, elle fonde plusieurs associations, dont « La Libanaise-Femme du 31 mai » en 1988, un mouvement marial qui vise à développer la vie spirituelle et sociale des femmes, et à accompagner les familles en difficulté, « Oui à la vie » en 1995, basé sur l’importance de la vie humaine, et le centre Jean-Paul II en 2000 qui aide les couples et les familles en difficulté. »
En 2010 elle participe au synode sur le Moyen-Orient (10-24 octobre). Et en 2014, elle participe au premier synode sur les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation et elle est nommée au Conseil pontifical pour les laïcs.
Nous l’avions rencontrée à Rome, à l’occasion du synode de 2010. Pour Jocelyne Khoueiry, auditrice au synode, la conversion des catholiques du Moyen-Orient doit encore venir pour ce qui est de dire « Oui à la vie », nom du mouvement libanais pour la Vie.
Mme Khoueiry s’est en effet exprimée lors de l’assemblée générale du synode vendredi matin, 15 octobre.
Elle avance cette proposition pour le synode d’« intégrer la préparation lointaine au mariage et aux valeurs familiales » dans les « priorités » des programmes éducatifs et pastoraux pour « contribuer à affronter avec conscience et responsabilité les dérives de la société de consommation qui nous envahis ».
Et pour cela, elle propose une consécration du Moyen-Orient à la Vierge Marie : « Qu’est-ce qui empêche de lui confier ou même de lui consacrer tout le Moyen-Orient menacé par tant de dangers fatals ? »
Jocelyne Khoueiry a confié à Zenit que la lecture d’« Evangelium Vitae » a été décisive, le début d’une nouvelle lutte.
Membre fondateur et présidente du mouvement marial « La Libanaise-Femme du 31 Mai », Jocelyne Khoueiry n’hésite pas à parler de « génocide » : les lois ni la foi ne protègent le Moyen-Orient des offenses à la vie humaine qui frappent l’Occident, comme l’avortement.
La femme du Moyen-Orient subit souvent des pressions très fortes de son clan familial, et des médecins. Beaucoup lui ont confié que lorsqu’elles ont eu recours à l’avortement, elles ne se rendaient pas compte qu’elles demandait la mort de leur enfant, sous couvert d’un acte « thérapeutique ».
La confusion vient aussi, précise Mme Khoueiry, du fait que chez les musulmans, les choses ne sont pas toujours aussi précises que dans l’enseignement de l’Eglise catholique : l’avortement est parfois admis dans les 40 premiers jours de la grossesse, comme si l’enfant n’était pas encore considéré comme un être humain.
Aujourd’hui, les catholiques du Liban ont la possibilité de se former non seulement par exemple grâce au Mouvement « Oui à la vie », mais aussi au Centre Jean-Paul II, qui accompagne les femmes et les couples, ou le Centre d’Etudes Jean-Paul II pour le mariage et la famille, petit frère du grand institut de Rome, qui se trouve à l’université de la Sagesse de Beyrouth.
Cependant, elle constate que la « conversion à la vie » doit encore advenir, les catholiques ne sont pas encore suffisamment « sensibilisés » : ils doivent réviser leur « échelle des valeurs » et « incarner l’Evangile » dans toute leur vie.
Elle s’est exprimée au synode « en tant que femme chrétienne appartenant à l’Église dans le monde arabe et moyen-oriental » et elle considère que « de la qualité de la présence » des chrétiens « en tant que chrétiens » dépend en grande partie « la pérennité de leur existence devant le Seigneur notre Sauveur et devant leurs frères dans cette région », notamment « la valeur sacrée de sa vie ».
Elle recommande une proposition éthique qui manque encore au synode : « Nous devons offrir la chance à la femme, aux jeunes, aux couples, aux familles, et surtout aux personnes atteintes de handicap dans notre Eglise de pouvoir faire des choix de vie en cohérence avec l’Évangile et découvrir leur propre mission au sein de l’Église et de la société arabe et moyen-orientale ».
Jocelyne Khoueiry insiste en effet sur la mission du synode de souligner les questions morales, sociales, et la bioéthique notamment, dans une société qui « n’est plus à l’abri des agissements qui portent atteinte à la dignité du mariage, de la procréation et de l’embryon humain ».
Cette exigence aura des conséquences sur le dialogue interreligieux, car la femme chrétienne doit pouvoir « s’exprimer et témoigner de la beauté de la foi et du vrai sens de la dignité et de la liberté » : c’est un « témoignage urgent qui interpelle la femme musulmane et ouvre des pistes nouvelles au dialogue ».
Les familles ont besoin, souligne-t-elle, d’être « soutenues et accompagnées par leur Eglise, mère et éducatrice, afin qu’elles soient concrètement et délibérément des sanctuaires ouverts au don de la vie surtout quand cette dernière est blessée par le handicap ou les difficultés socio-économiques ».
Voilà le cri d’alarme : ce n’est pas une « chose secondaire face à la menace continue de l’émigration ».
Et voilà l’appel à la conversion : « Une conversion, au niveau de notre échelle de valeurs et de notre façon d’être, s’avère très urgente ».
Voilà la mission, le témoignage dont parle le thème du synode : « Nous sommes appelés à devenir avec Marie les serviteurs de l’Espérance dans cette région meurtrie et victime de tant d’injustice ».