Messe du 8 juillet 2020 pour les migrants © Vatican Media

Messe du 8 juillet 2020 pour les migrants © Vatican Media

Messe pour les migrants : « Chaque fois que vous l’avez fait »… en bien ou mal

Lampedusa, sept ans après (homélie intégrale)

Share this Entry

« Chaque fois que vous l’avez fait… de bien ou de mal ! Cet avertissement est aujourd’hui d’une brûlante actualité », a affirmé le pape François lors d’une messe ce 8 juin 2020. Il célébrait spécialement pour les migrants, à l’occasion du 7e anniversaire de sa visite à l’île de Lampedusa (8 juin 2013).

« Nous devrions tous l’utiliser comme un point fondamental de notre examen de conscience quotidien », a insisté le pape dans son homélie : « Chaque fois que vous l’avez fait … c’est à moi que vous l’avez fait. »

Depuis la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican, le pape a mis en garde contre « la prospérité et l’abondante richesse », la « culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence ».

Il a encouragé à rechercher le visage de Dieu, « garantie du succès de notre voyage en ce monde… notre but et aussi notre étoile polaire, qui nous permet de ne pas perdre le chemin ». Il faut pour cela « le reconnaître dans le visage des pauvres, des malades, des abandonnés et des étrangers que Dieu met sur notre chemin ».

Il a conclu par une invocation à la Vierge Marie, Solacium migrantium (Réconfort des migrants), qu’il a souhaitée ajouter aux traditionnelles Litanies de Lorette.

Homélie du pape François

Chers frères et sœurs,

Le psaume responsorial d’aujourd’hui nous invite à une recherche constante du visage du Seigneur : « Cherchez le Seigneur et sa puissance, recherchez sans trêve sa face » (Ps 104). Cette recherche constitue une attitude fondamentale de la vie du croyant, qui a compris que la fin ultime de son existence est la rencontre avec Dieu.

La recherche du visage de Dieu est la garantie du succès de notre voyage en ce monde, qui est un exode vers la vraie Terre Promise, la Patrie céleste. Le visage de Dieu est notre but et aussi notre étoile polaire, qui nous permet de ne pas perdre le chemin.

Le peuple d’Israël, décrit par le prophète Osée dans la première lecture (cf. 10, 1-3.7-8.12), était à l’époque un peuple égaré, qui avait perdu de vue la Terre Promise et qui errait dans le désert de l’iniquité. La prospérité et l’abondante richesse avaient éloigné du Seigneur le cœur des Israélites et l’avaient rempli de fausseté et d’injustice. Il s’agit d’un péché dont, nous chrétiens d’aujourd’hui, nous ne sommes pas immunisés. « La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence » (Homélie à Lampedusa, 8 juillet 2013).

L’appel d’Osée nous rejoint aujourd’hui comme une invitation renouvelée à la conversion, à tourner nos regards vers le Seigneur pour apercevoir sa face. Le prophète dit : « Faites des semailles de justice, récoltez une moisson de fidélité, défrichez vos terres en friche. Il est temps de chercher le Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne répandre sur vous une pluie de justice » (10, 12).

La recherche du visage de Dieu est motivée par un désir de rencontre personnelle avec le Seigneur, une rencontre avec son immense amour et sa puissance salvifique. Les douze Apôtres, dont nous parle l’Evangile de ce jour (cf. Mt 10 1-7), ont eu la grâce de le rencontrer physiquement en Jésus Christ, Fils de Dieu incarné. Il les a appelés par leur nom, un à un – nous l’avons entendu – en les regardant dans les yeux ; et eux, ils ont fixé son visage, ils ont écouté sa voix, ils ont vu ses prodiges. La rencontre personnelle avec le Seigneur, temps de grâce et de salut, comporte la mission : « Sur votre route,– les exhorte Jésus – proclamez que le royaume des Cieux est tout proche » (v.7). Rencontre et mission ne doivent pas être séparés.

Cette rencontre personnelle avec Jésus Christ est aussi possible pour nous, disciples du troisième millénaire. Dans notre recherche du visage du Seigneur, nous pouvons le reconnaître dans le visage des pauvres, des malades, des abandonnés et des étrangers que Dieu met sur notre chemin. Et cette rencontre devient aussi pour nous un temps de grâce et de salut, en nous investissant de la même mission confiée aux Apôtres.

Aujourd’hui, c’est le septième anniversaire de ma visite à Lampedusa. A la lumière de la Parole de Dieu, je voudrais répéter ce que je disais aux participants à la rencontre « Libérés de la peur » en février de l’année dernière : « La rencontre avec l’autre est aussi une rencontre avec le Christ. Il l’a dit Lui-même. C’est Lui qui frappe à notre porte affamé, assoiffé, étranger, nu, malade et prisonnier, en demandant qu’on le rencontre et qu’on l’assiste. Et si nous avions encore quelque doute, voici sa parole claire: « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40) ».

« Chaque fois que vous l’avez fait… », de bien ou de mal ! Cet avertissement est aujourd’hui d’une brûlante actualité. Nous devrions tous l’utiliser comme un point fondamental de notre examen de conscience quotidien, celui que nous faisons tous les jours. Je pense à la Libye, aux camps de détentions, aux abus et aux violences dont sont victimes les migrants, aux voyages d’espérance, aux sauvetages et aux refoulements. « Chaque fois que vous l’avez fait … c’est à moi que vous l’avez fait ».

Je me souviens, ce jour-là, il y a 7 ans, sur cette île au Sud de l’Europe, certains m’ont raconté leurs histoires, combien ils avaient souffert pour arriver là. Il y avait des interprètes, et l’un d’eux racontait des choses terribles dans sa langue, et l’interprète semblait bien traduire, mais le premier parlait longuement, et la traduction était courte. Je pensais que cette langue avait des formulations plus longue pour s’exprimer. Quand je suis retourné chez moi dans l’après-midi, à la réception il y avait une femme – paix à son âme, elle nous a quittés – qui était fille d’Ethiopiens. Elle comprenait la langue et elle avait regardé la rencontre à la télévision. Et elle m’a dit ceci : « Ecoutez, ce que le traducteur éthiopien vous a dit, ce n’est pas le quart des tortures et des souffrances qu’ils ont vécu. » On m’a donné la version édulcorée. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la Libye : on nous donne la version allégée. La guerre, oui, nous savons qu’elle est dure, mais vous n’imaginez pas l’enfer que l’on vit là-bas, dans ces camps de détention. Et ces gens venaient seulement avec l’espérance de traverser la mer.

Que la Vierge Marie, Solacium migrantium (Réconfort des migrants), nous aide à découvrir le visage de son Fils dans tous les frères et sœurs contraints à fuir leur terre à cause de tant d’injustices dont notre monde est encore affligé.

© Librairie éditrice du Vatican et Zenit pour les passages improvisés

Share this Entry

Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel