« La famille exilée dans le magistère du pape François »: le p. Fabio Baggio, sous-secrétaire de la Section Migrants et réfugiés du Vatican, rassemble les grandes lignes de l’enseignement du pape François dans cet article publié par L’Osservatore Romano en italien du 20 juin 2020.
Au moment où le pape encourage à honorer la Vierge Marie comme « Réconfort des migrants », le p. Biaggio rappelle et explique « les quatre verbes autour desquels le pape François a voulu articuler le ministère parmi les migrants et les réfugiés : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ».
AB
La famille exilée dans le magistère du pape François
Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées et victimes de la traite doivent être comptés parmi les habitants des « périphéries existentielles » que le pape François a dénoncées plus d’une fois. Depuis le début de son pontificat, le Saint-Père a accordé une attention particulière à leurs besoins et a voulu les rencontrer personnellement pour manifester sa proximité à l’égard de leurs souffrances. Il l’a fait à Lampédouse, à Lesbos, à Rabat et dans de nombreux autres lieux, symboles des exodes contemporains.
Le pape François a encouragé maintes fois les communautés chrétiennes du monde entier à œuvrer dans l’accueil, la protection, la promotion et l’intégration de tous ces frère et sœurs qui frappent à la porte en quête d’une vie digne et d’un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leur famille. Le Saint-Père a offert à tous ses inlassables conseils, sa prédication, ses enseignements et ses gestes d’espérance.
Dans ses différentes interventions, le pape François a souvent fait référence au magistère de ses prédécesseurs, soulignant sa valeur et sa clairvoyance. Et la référence à la constitution apostolique Exsul familia (de Pie XII, ndlr) ne pouvait en être absente… : « Le premier document officiel du Saint-Siège qui aborde de manière mondiale et systématique, d’un point de vue d’une part historique et d’autre part pastoral et canonique, l’aide spirituelle à apporter aux migrants » (Card. F. Hamao, L’étreinte maternelle de l’Eglise pour tous les hommes, sans distinctions, « People on the Move »).
La constitution Exsul familia est divisée en deux parties (titres) ; la première est consacrée à une revue historique des actions pastorales les plus importantes, réalisées par l’Eglise dans le cadre de la protection des migrants. La seconde présente un résumé systématique de principes doctrinaux et d’indications pastorales. Dans cette publication, nous avons décidé de nous limiter à la première.
Le magistère de François sur les migrants et réfugiés est particulièrement riche ; nombreux sont les messages, homélies et discours que le Saint-Père a voulu consacrer à la protection des migrants. Des références claires à ce thème sont également présentes dans des documents plus denses comme les exhortations apostoliques Evangelii gaudium (2013), Amoris laetitia (2016), Gaudete et exsultate (2018), Christus vivit (2019), e l’enciclica Laudato si’ (2015).
Les enseignements du pape François reprennent et revisitent certains thèmes déjà présents dans Exsul familia. Il s’agit d’éléments importants de la pastorale migratoire que le Saint-Père réinterprète et contextualise dans le monde d’aujourd’hui, dans l’esprit de l’« aggiornamento » souhaité par le concile Vatican II.
Je suis heureux de souligner une coïncidence entre les contextes historiques des deux pontifes, facile à déduire d’Exsul familia, au numéro 99, qui explique la raison de l’excursus historique du premier titre ; cela semblait d’autant plus nécessaire de nos jours où l’activité providentielle/prévoyante de notre mère l’Eglise est si mensongèrement critiquée, méconnue et contestée par ses adversaires, précisément sur ce terrain de la charité ; un terrain qu’elle a été la première à défricher et qu’elle fut fréquemment laissée seule à cultiver…
Parmi les actions importantes de l’Eglise en faveur des migrants, Pie XII n’a pas omis les activités promues par les évêques et les prêtres pour faciliter le processus d’adaptation et les constructions de sociétés conviviales… Tirant profit des résultats des plus récentes sciences humaines et sociales, François préfère parler d’intégration, « qui n’est ni assimilation ni incorporation, mais un processus bidirectionnel, qui se fonde essentiellement sur la reconnaissance mutuelle de la richesse culturelle de l’autre » (Discours aux participants au Forum international Migrations et paix, 21 février 2017). Dans une perspective ecclésiologique, le pape considère l’intégration entre migrants et autochtones comme un élément fondamental pour la construction de communautés vraiment catholiques…
Les éléments évoqués sont suffisants pour mettre en lumière une claire continuité dans le magistère des deux papes. C’est particulièrement visible dans les préoccupations pastorales exposées, dans les recommandations directes adressées aux différents acteurs et dans les réponses opérationnelles ébauchées. Une fois encore se révèle l’extrême utilité de se référer à la tradition de l’Eglise pour interpréter les défis actuels dans le cadre des migrations. Celle-ci constitue une véritable mine de réflexions et d’intuitions opérationnelles qu’il faudrait considérer attentivement afin d’élaborer des réponses pastorales adéquates et efficaces.
Le phénomène migratoire a en soi un caractère extrêmement variable, imprévisible et complexe. De telles connotations imposent une continuelle révision des lectures en vue de repérer les défis pastoraux et les réponses que l’Eglise est appelée à donner. Pie XII comme le pape François se sont profondément engagés dans cet exercice de mise en contexte et d’actualisation, nécessaire pour rendre plus prophétique, adéquate et efficace l’action missionnaire de l’Eglise pour, parmi et avec les migrants.
Même s’ils ne sont jamais explicitement formulés dans Exsul familia, il n’est pas difficile de lire entre les lignes les quatre verbes autour desquels le pape François a voulu articuler le ministère parmi les migrants et les réfugiés : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.
Ce qui est affirmé dans le point intitulé L’attention à l’hospitalité peut bien être compris comme l’explicitation du premier verbe. Les points Préserver des embûches et Engagement contre l’esclavage peuvent correspondre au verbe « protéger ». Le verbe « promouvoir » peut ensuite faire référence au point Action de sensibilisation. Enfin ce qui est exprimé comme Engagement pour l’intégration peut facilement être compris comme la réalisation du dernier verbe.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat