Vague sur l'océan, Wikimedia commons, Jon Sullivan, domaine public

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Fonds marins : les exigences du Saint-Siège sur le projet de réglementation

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Vigilance par rapport aux conflits d’intérêts

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Le Saint-Siège suit « avec une grande attention » les travaux actuels de l’Autorité internationale des fonds marins pour « mettre en place une architecture institutionnelle solide et un cadre réglementaire » afin de « régir l’accès aux ressources minérales et leur utilisation ainsi que la protection du milieu marin dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale ».

Mgr Fredrik Hansen, chef de la délégation du Saint-Siège, est intervenu à la première partie de la vingt-sixième session du Conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), à Kingston, en Jamaïque, le 20 février 2020.

Concernant le projet de réglementation, il a attiré l’attention sur 5 points particuliers : la nécessité d’assurer « des négociations exhaustives », « la cohérence et la clarté de la terminologie », « l’identification et la précision des principes clés », ainsi que de s’appuyer sur des « normes de bonne gouvernance d’entreprise » et « des normes environnementales élevées ».

Le porte-parole du Saint-Siège a également demandé avec insistance que « toute forme de conflit d’intérêts dans l’approbation et le suivi des demandes et de l’exploitation soit évitée, notamment en désignant divers organismes chargés d’effectuer une surveillance ultérieure ». À cet égard, a-t-il souligné, « le rôle des États promoteurs est essentiel pour garantir la véracité et l’exactitude de toutes les informations et exercer les contrôles nécessaires ».

Voici notre traduction du discours de Mgr Hansen.

HG

Discours de Mgr Fredrik Hansen

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège vous félicite pour votre élection à la présidence de cette session du Conseil, vous assurant du soutien total et de l’engagement constructif de cette délégation.

Ma délégation saisit également cette occasion pour exprimer sa reconnaissance pour le travail entrepris par le Conseil et l’Assemblée au cours de la 25ème session, ainsi que pour remercier le Secrétaire général et le Secrétariat pour son assistance continue aux organes de l’Autorité, en particulier pendant les périodes d’intersessions.

À cet égard, permettez-moi de me faire l’écho des propos du secrétaire général de l’Autorité internationale des fonds marins qui, dans sa déclaration à la 74e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a noté que les 25 ans d’existence de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer s’accompagnaient des travaux en cours de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) pour « mettre en place une architecture institutionnelle solide et un cadre réglementaire sans cesse croissant pour la surveillance des activités menées dans la Zone, et qui constitue actuellement le régime le plus complet et le plus équitable pour régir l’accès aux ressources minérales et leur utilisation ainsi que la protection du milieu marin dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale ». (1)

Le Saint-Siège continue de suivre ces travaux avec une grande attention et encourage les membres du Conseil de l’AIFM, les États membres et les observateurs à faire tous les efforts possibles pour assurer des progrès significatifs et axés sur les résultats au cours de cette 26e session.

Sur des questions plus spécifiques liées aux négociations en cours sur le projet de réglementationation relatif à l’exploitation des ressources minérales dans la Zone, le Saint-Siège souhaite faire les cinq remarques suivantes :

Assurer des négociations exhaustives plutôt que des délais artificiels – Les progrès réalisés au cours de la 25e session sur le projet de réglementation ont confirmé que l’objectif d’adoption de la réglementation se rapproche de plus en plus. S’il est important de mener à bien les négociations, le Saint-Siège souligne que l’objectif premier ne peut être de le faire dans un délai déterminé. L’importance du sujet et les conséquences concrètes que le réglementation aura – pour nous et les générations futures – exigent que le texte fasse l’objet d’un examen et de discussions exhaustifs.

Cohérence et clarté de la terminologie – Comme d’autres délégations, le Saint-Siège estime qu’il est très important que les travaux sur le texte au cours de cette session soient particulièrement consacrés à assurer la clarté et la cohérence de la terminologie du règlementation. Cela vaut tant pour ce que l’on peut appeler la cohérence externe, avec la Convention et avec les travaux en cours de la Conférence intergouvernementale sur un instrument international juridiquement contraignant pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale (BBNJ), que pour la cohérence interne, en veillant à ce que le projet de réglementation et ses différentes parties soient cohérents et uniformes sur le plan interne.

Principes généraux – Lors de précédentes réunions du Conseil et de l’Assemblée, le Saint-Siège a souligné l’importance d’un certain nombre de principes généraux inclus dans le projet.

Il s’agit notamment du fait que « les ressources de la Zone sont dévolues à l’humanité tout entière » (Règlementation 2, a), du « développement du patrimoine commun dans l’intérêt de l’humanité tout entière » (2, b, ix), de la « protection de la vie et de la sécurité humaines » (2, d), de la « protection efficace du milieu marin » (2, e), de « l’application de l’approche – ou principe – de précaution » (2, e, ii), de l’ « application de l’approche écosystémique » (2, e, iii), du « principe du pollueur-payeur » (2, e, iv), de « l’accès aux données et informations relatives à la protection du milieu marin » (2, e, v), de « l’obligation de rendre compte et de la transparence dans le processus décisionnel » (2, e, vi) et de la « prévention, réduction et maîtrise de la pollution et des autres risques pour le milieu marin » (2, f).

Ma délégation continue de penser que, pour garantir que le projet de réglementation aura un impact concret, substantiel et durable, l’identification et la précision des principes clés restent cruciales. Sans les restrictions et la clarté nécessaires, les mécanismes qui cherchent à assurer la gouvernance des océans et la mise en œuvre des conventions internationales finissent souvent par être fragmentés et sans grand effet, comme l’a noté le pape François dans sa lettre encyclique Laudato si’ (2). La clarté de la terminologie devient particulièrement importante compte tenu du rôle majeur qu’auront dans la réglementation le processus de demande, les demandes elles-mêmes et leur examen, et de la nécessité de fournir au secteur privé et aux gouvernements une compréhension commune et vérifiable de la mise en œuvre de la réglementation, y compris de leur base juridique et de leurs obligations.

Obligation de rendre compte, conformité et surveillance – Le projet de réglementation, tout en faisant progresser ces principes généraux, doit également être fondé sur des principes plus pratiques et plus orientés vers les entreprises, notamment l’obligation de rendre compte, la conformité et la surveillance, et les soutenir. Si l’exploitation des minéraux dans la zone n’est pas soumise à de telles normes de bonne gouvernance d’entreprise, le projet de réglementation risque de devenir plus exhortant que percutant. Ma délégation continue de demander instamment que toute forme de conflit d’intérêts dans l’approbation et le suivi des demandes et de l’exploitation soit évitée, notamment en désignant divers organismes chargés d’effectuer une surveillance ultérieure. À cet égard, le rôle des États promoteurs est essentiel pour garantir la véracité et l’exactitude de toutes les informations et exercer les contrôles nécessaires.

Les normes environnementales les plus élevées possibles – Le Saint-Siège est heureux de constater qu’un grand nombre de propositions et de suggestions présentées sur les projets de règlementation préconisent l’inclusion de normes environnementales les plus élevées possibles – dans tous les aspects et dans toutes les phases de l’exploitation des ressources minérales. Ma délégation espère que les travaux sur ces normes et leur inclusion concrète dans le projet progresseront au cours de cette session. Cela s’appuierait sur l’approche « fondée sur les responsabilités » qui devrait caractériser le travail de l’Autorité, qui commence par son objectif le plus important : la conservation de nos précieux océans avec toute leur diversité biologique et leur intégrité écologique et l’utilisation des ressources de manière durable au profit de l’humanité tout entière.

En conclusion, permettez-moi de garantir une fois de plus à tous les participants à cette réunion du Conseil le soutien et l’engagement constructif du Saint-Siège.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

________________

1. M. Michael W. Lodge, secrétaire général de l’Autorité internationale des fonds marins, Déclaration à la 74e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, Siège des Nations Unies, New York, 10 décembre 2019.

2. Pape François, lettre encyclique Laudato si’ sur le soin de notre maison commune, 25 mai 2015, n. 174.

 

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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