Prof. Carlos Nobre, Prix Nobel de la Paix 2007 @ Vatican Media

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Querida Amazonia et la science, par Carlos Nobre (traduction complète)

« Des messages éthiques et spirituels éclairés par la science »

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« Je suis convaincu que cet important appel du pape François encouragera l’ensemble de l’Église catholique à jouer un rôle important et prophétique en Amazonie et au-delà », déclare le Prix Nobel de la Paix 2007 Carlos Nobre, à l’occasion de la présentation de l’exhortation apostolique du pape François « Querida Amazonia », le 12 février 2020 au Vatican.

Le scientifique brésilien souligne la dimension scientifique du document du pape sur l’Amazonie: « L’encyclique et ses enfants sont des messages éthiques et spirituels éclairés par la science, mais pas par n’importe quelle science. Ils sont tous compatibles avec la meilleure recherche scientifique disponible aujourd’hui.  »

AB

Intervention du prof. Carlos Nobre

  1. Introduction

En tant que scientifique qui travaille sur les questions écologiques depuis plus de 35 ans, en particulier sur les défis écologiques de la région amazonienne, je salue l’exhortation du Pape François « Querida Amazonia » (QAm). Il est clair que l’exhortation et le document final du Synode, auquel l’exhortation fait référence (cf. QAm, 2, 3), s’inspirent de l’encyclique Laudato si’ : sur le soin de notre maison commune (2015). Certains évêques, comme le cardinal Pedro Barreto, du Pérou, ont appelé le Synode le fils de Laudato si’. L’exhortation apostolique pourrait bien être la fille de Laudato si’.

  1. Cohérence scientifique et approbation

L’encyclique et ses enfants sont des messages éthiques et spirituels éclairés par la science, mais pas par n’importe quelle science. Ils sont tous compatibles avec la meilleure recherche scientifique disponible aujourd’hui. Au nom de la communauté scientifique, je voudrais souscrire pleinement aux propositions socio-écologiques de la « Querida Amazonia » et de sa petite sœur, le document final du Synode amazonien : Amazonie : Nouvelles voies pour l’Église et pour l’écologie intégrale.

  1. Commentaires sur des points scientifiques connexes

Permettez-moi de commenter brièvement certains points de l’Exhortation relatifs à mon expertise scientifique.

L’agriculture durable

Le pape François nous exhorte tous à rechercher une production agricole durable, car les agro-entreprises actuelles dans la région ne sont pas viables (cf. QAm, 17). Il nous exhorte également à rechercher des énergies non polluantes, car les énergies basées sur les combustibles fossiles polluent l’Amazonie – et la planète entière (ibid.). Le Pape veut également que nous fournissions des emplois décents qui ne compromettent pas la dignité des travailleurs, ni la vie culturelle et les écosystèmes (ibid.). François nous exhorte à construire un modèle de développement en Amazonie – et dans le monde – dans lequel personne n’est laissé pour compte (ibid.), et dans lequel la nature est préservée.

Participation et sagesse indigènes

Cela nécessite bien sûr la participation des communautés indigènes (cf. QAm, 26), qui sont les meilleurs gardiens des forêts et qui peuvent nous apprendre à travailler avec l’Amazonie, à en prendre soin et à l’aimer (cf. QAm, 55). Par exemple, depuis des milliers d’années, les populations indigènes pratiquent une agriculture durable de type mosaïque qui préserve la biodiversité, en prenant soin des espèces actuellement menacées – comme la baie d’Açaí – et qui permet la restauration de la forêt, par exemple par la rotation de petites terres de culture dans les zones déboisées.

Intégrer l’ancienne sagesse indigène aux nouvelles technologies

On peut affirmer que l’ancienne sagesse indigène ne suffit pas pour cultiver les richesses de l’Amazonie sans les déraciner ou les affaiblir (cf. QAm, 28). C’est pourquoi je suis d’accord avec le pape François lorsqu’il explique que pour prendre soin de l’Amazonie, nous devons combiner la sagesse indigène ancienne avec les nouvelles technologies (cf. QAm, 51). En fait, comme l’ont écrit les évêques du Synode dans le document final du Synode, la combinaison de la science et des technologies avancées avec les connaissances locales traditionnelles peut générer une bio-économie innovante de forêts sur pied et de rivières en mouvement (cf. Doc final, 11) qui peut remplacer le modèle de production actuel, axé sur la déforestation. Il s’agirait d’une « écologie intégrale » en action qui peut favoriser « le plein développement de l’humanité » (LS, 62).

Pendant de nombreuses décennies, le débat sur l’Amazonie a été divisé entre deux points de vue opposés : l’un de pure conservation, au point d’ignorer les besoins des communautés locales ; l’autre de développement intensif des ressources, basé sur l’extraction de minéraux, de pétrole et de gaz, la déforestation, l’énergie hydraulique et les produits agricoles. Ironiquement, toute cette exploitation est faite pour alimenter les marchés extérieurs – et loin de l’Amazonie. Ce modèle d’extraction dominant a eu des résultats catastrophiques, faisant des ravages en Amazonie et parmi ses habitants. Afin d’avancer et de renverser le modèle extractif-destructeur, nous devons de toute urgence adopter une troisième voie, celle qui permet de cultiver l’Amazonie sans la détruire, celle qui permet de travailler avec sa population sans la coloniser (cf. QAm, 28), celle qui permet d’intégrer les anciennes cultures indigènes aux nouvelles technologies.

  1. Conclusion

Pour conclure, en tant que scientifique, je suis conscient que la forêt amazonienne est comme le « cœur biologique » de la terre. Comme nous, les humains, ne pouvons pas vivre sans cœur, la planète (du moins la planète que nous connaissons), ne peut pas vivre sans Amazonie. Mais l’Amazonie se débat, elle crie, au point que nous sommes proches d’atteindre certains points de basculement et de passer de la plus grande forêt tropicale du monde à une savane. Cela aura des conséquences terribles pour le territoire amazonien, ses habitants et pour le reste du monde.

Pour éviter que cela ne se produise, pour répondre au cri de l’Amazonie et pour maintenir le cœur de la Terre en bonne santé, nous devons immédiatement abandonner le modèle actuel qui détruit la forêt, pollue son fleuve et n’apporte pas de bien-être à la population.

Je suis convaincu que cet important appel du pape François encouragera l’ensemble de l’Église catholique à jouer un rôle important et prophétique en Amazonie et au-delà. La communauté scientifique attend avec impatience de voir les rêves sociaux, culturels, pastoraux et écologiques du pape François se réaliser. Si les populations d’origine sont les protagonistes des nouvelles voies, si la richesse de la diversité culturelle et biologique de la région est mise en valeur et si les catholiques sont mobilisés pour promouvoir l’intégration et la durabilité, alors de nouveaux modèles de production soucieux de l’Amazonie pourront voir le jour et les rêves du pape François deviendront réalité. Merci au pape François pour cette exhortation inspirante.

Copyright – Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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