Le Forum économique mondial a apporté « un espace où la volonté politique et la coopération mutuelle peuvent être guidées et renforcées afin de surmonter l’isolationnisme, l’individualisme et la colonisation idéologique qui caractérisent malheureusement trop de débats contemporains ». C’est ce qu’a affirmé le pape François qui dénonce des « visions matérialistes ou utilitaristes, parfois cachées, parfois affichées, (conduisant) à des pratiques et des structures motivées en grande partie, voire uniquement par l’intérêt personnel ».
Le pape François a adressé un Message au professeur Klaus Schwab, président exécutif du « Forum économique mondial » (FEM), à l’occasion de la rencontre annuelle qui se déroule à Davos-Klosters (Suisse) du 21 au 24 janvier 2020. Le texte, daté du 15 janvier, a été remis au cardinal Peter Turkson, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, en qualité de représentant du Saint-Siège.
Rappelant que « nous sommes tous membres d’une seule et même famille humaine », le pape a également souligné « l’obligation morale », également pour les entreprises et les gouvernements, « de prendre soin les uns des autres » et de mettre la personne « au centre de l’action publique ». Il faut, a-t-il insisté, « dépasser les approches technologiques ou économiques à court-terme » et « prendre pleinement en considération la dimension éthique dans la recherche de solutions aux problèmes actuels ou dans la proposition d’initiatives pour l’avenir ».
Voici notre traduction du Message en anglais du pape François
HG
Message du pape François
Au Professeur Klaus Schwab, Président exécutif du Forum économique mondial
Alors que le Forum économique mondial célèbre son cinquantième anniversaire, j’adresse mes salutations et mes meilleurs vœux dans la prière à toutes les personnes qui prennent part au rassemblement de cette année. Je vous remercie pour votre invitation à y participer et j’ai demandé au cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, de se faire le représentant du Saint-Siège.
Au cours de ces années, le Forum économique mondial a offert à diverses parties prenantes l’occasion de s’engager à explorer des moyens novateurs et efficaces de construire un monde meilleur. Il a également fourni un espace où la volonté politique et la coopération mutuelle peuvent être guidées et renforcées afin de surmonter l’isolationnisme, l’individualisme et la colonisation idéologique qui caractérisent malheureusement trop de débats contemporains.
À la lumière des défis toujours plus nombreux et interdépendants qui touchent notre monde (cf. Laudato si’, 138 et suivants), le thème que vous avez choisi d’examiner cette année – Parties prenantes pour un monde cohésif et durable – souligne la nécessité d’un engagement plus important à tous les niveaux pour traiter plus efficacement les différents problèmes auxquels l’humanité est confrontée. Au cours des cinq dernières décennies, nous avons été témoins de transformations géopolitiques et de changements importants, de l’économie et des marchés du travail à la technologie numérique et à l’environnement. Nombre de ces évolutions ont été bénéfiques pour l’humanité, tandis que d’autres ont eu des effets négatifs et ont créé des lacunes importantes en matière de développement. Bien que les défis d’aujourd’hui ne soient pas les mêmes que ceux d’il y a un-demi siècle, un certain nombre de caractéristiques restent d’actualité alors que nous entamons une nouvelle décennie.
La considération primordiale, à ne jamais oublier, est que nous sommes tous membres d’une seule et même famille humaine. L’obligation morale de prendre soin les uns des autres découle de ce fait, tout comme le principe corrélatif qui consiste à mettre la personne humaine, plutôt que la simple poursuite du pouvoir ou du profit, au centre même de l’action publique. Ce devoir, qui incombe en outre aux entreprises et aux gouvernements, est indispensable dans la recherche de solutions équitables aux défis auxquels nous sommes confrontés. Il est donc nécessaire de dépasser les approches technologiques ou économiques à court-terme et de prendre pleinement en considération la dimension éthique dans la recherche de solutions aux problèmes actuels ou dans la proposition d’initiatives pour l’avenir.
Trop souvent, des visions matérialistes ou utilitaristes, parfois cachées, parfois affichées, conduisent à des pratiques et des structures motivées en grande partie, voire uniquement par l’intérêt personnel. Cette vision considère généralement les autres comme un moyen d’arriver à une fin et entraîne un manque de solidarité et de charité qui, à son tour, engendre une réelle injustice, tandis qu’un développement humain vraiment intégral ne peut vraiment s’épanouir que si tous les membres de la famille humaine sont inclus dans la poursuite du bien commun et y contribuent. En cherchant le véritable progrès, n’oublions pas que piétiner la dignité d’une autre personne, c’est en fait affaiblir sa propre valeur.
Dans ma lettre encyclique Laudato si’, j’ai attiré l’attention sur l’importance d’une « écologie intégrale » qui prenne en compte toutes les implications de la complexité et de l’interconnexion de notre maison commune. Une telle approche éthique renouvelée et intégrée appelle à « un humanisme capable de mettre ensemble les différents domaines de la connaissance, notamment l’économie, au service d’une vision plus intégrale et intégrante » (ibid., 141).
Reconnaissant les réalisations de ces cinquante dernières années, j’espère que les participants au Forum de ce jour, et à ceux qui se tiendront à l’avenir, garderont à l’esprit la haute responsabilité morale qui incombe à chacun de nous de rechercher le développement intégral de tous nos frères et sœurs, y compris ceux des générations futures. Puissent vos délibérations conduire à un accroissement de la solidarité, en particulier avec les plus démunis, qui subissent l’injustice sociale et économique et dont l’existence même est menacée.
Je renouvelle mes vœux et ma prière à l’égard de ceux qui participent au Forum, afin que cette réunion porte du fruit et j’invoque sur vous tous les bienfaits de la sagesse de Dieu.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat