Benoît XVI et le pape François, 27/06/2017 © Vatican Media

Benoît XVI et le pape François, 27/06/2017 © Vatican Media

Mgr Gänswein dément toute «pression» de la part du pape François

Mais la question du « zèle apostolique » à la fin du synode

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Mgr Georg Gänswein, préfet de la Maison pontificale et secrétaire du pape émérite Benoît XVI, monte au créneau une seconde fois en une semaine pour démentir des commentaires faisant état de « pressions » du pape François sur son prédécesseur. En fait, si le pape François a bien mis la « pression », c’est publiquement, à la fin du synode, dans son discours du 26 octobre 2019, à propos de la formation au « zèle apostolique ».

Pas de pressions papales

Dans le quotidien catholique « Tagespost » de ce 17 janvier 2020, que l’on peut consulter en ligne, en allemand, Mgr Gänswein confie à Guido Horst, en substance, ce qu’il avait déclaré mardi dernier à propos du livre sur le célibat sacerdotal, mais il ajoute qu’il n’y a pas eu de pression du pape François.

Il avait expliqué, dès mardi dernier, 14 janvier, que le texte du pape émérite a été rédigé il y a des mois (donc pas après le synode sur l’Amazonie). Que le pape Benoît n’a pas vu la couverture du livre avant lundi, 13 janvier (« Er habe vor Montag nie das Cover des Buchs gesehen »), qu’il n’y a pas de contrat entre lui et l’éditeur français, et qu’il n’a pas co-écrit ni l’introduction ni la conclusion (« Auch habe Benedikt nicht die Einleitung und die Zusammenfassung am Ende des Buchs mitverfasst »). D’où la demande de Benoît XVI de ne pas le citer comme auteur de celles-ci ni comme co-auteur.

On pourra regretter que la question du célibat sacerdotal ait été, du fait de la polémique, douloureuse pour les personnes impliquées, réduite à une discussion sur la genèse d’un livre et un contrat d’édition, et qu’elle ait été l’occasion de fomenter des divisions. Les enjeux théologiques, spirituels et pastoraux, la fraternité sacerdotale et les théologiens en présence méritaient beaucoup mieux. Un autre oubli dans les controverses, un témoin: le pape François vient de fêter ses 50 ans de célibat sacerdotal.

Rester catholique en Amazonie

On a du coup aussi perdu de vue, peut-être chez nous autres Européens comblés de communions eucharistiques parfois quotidiennes, que la question des « viri probati » s’est imposée aux évêques du synode pour l’Amazonie, étant donné que, dans ces régions, des baptisés ne peuvent communier au Corps du Christ qu’une fois par an, quand un prêtre « passe » : une pastorale de « passage » alors qu’il faudrait une pastorale à « demeure ». La moitié de l’année les routes sont impraticables, le reste de l’année ne suffit pas à passer plusieurs fois dans les communautés. Imaginons-nous, dans nos communautés rassasiées un tel « jeûne » ? Peut-être aussi l’enseignement catholique sur la présence eucharistique aurait-il besoin d’être fortifié par la « Présence réelle »… D’autres communautés évangélisent l’Amazonie : quelle différence finalement si l’Eucharistie n’est pas au centre de la communauté catholique ? C’est parfois héroïque de « rester » catholique. Sait-on d’ailleurs que du fait de l’humidité, l’hostie ne peut pas être conservée comme dans les régions tempérées? Un évêque confiait à Zenit pendant le synode que même le papier de la photocopieuse doit être conservé sous une lampe pour le maintenir suffisamment sec pour qu’il soit utilisable.

Une alternative apostolique

Mais il y aurait une solution autre que les « viri probati ». Elle a été prônée par le pape François à la fin du synode, appelant à former les futurs prêtres à la générosité apostolique, le 26 octobre 2019 . Là, oui, le pape exerce certainement des « pressions » : « Dans certains pays, j’ai entendu dire dans un groupe ou ici une fois – j’ai entendu cela une fois – qu’on observait un certain manque de zèle apostolique parmi les prêtres de la zone non-amazonienne à l’égard de la zone amazonienne. Avec le cardinal Filoni, nous avons des difficultés, quand une congrégation religieuse quitte un vicariat, à trouver des prêtres de ce pays pour prendre sa place : « Non, je ne suis pas adapté pour cela ». Eh bien, il faut réformer cela. La formation sacerdotale dans le pays est universelle, avec la responsabilité de prendre sur soi tous les problèmes des pays géographiques, disons, de cette Conférence épiscopale. Pour réformer, il faut qu’il n’y ait pas ce manque de zèle. Je me souviens aussi que deux personnes ont dit qu’on ne voit peut-être pas un manque de zèle aussi fort ; excusez-moi, il y a un manque de zèle, fort ou moins fort, mais… chez les jeunes religieux et c’est quelque chose dont il faut tenir compte. Les jeunes religieux ont une très grande vocation et il faut les former au zèle apostolique pour aller dans les territoires de frontière. »

N’était-ce pas, mutatis mutandis, comme un écho à la lettre de saint François Xavier à saint Ignace (1544) que le bréviaire propose chaque année au 3 décembre ? On lit, dans le style du XVIe siècle espagnol : « Dans ce pays, quantité de gens ne sont pas chrétiens uniquement parce qu’il n’y a personne aujourd’hui pour en faire des chrétiens. J’ai très souvent eu l’idée de parcourir toutes les universités d’Europe, et d’abord celle de Paris, pour hurler partout d’une manière folle et pousser ceux qui ont plus de doctrine que de charité, en leur disant : « Hélas, quel nombre énorme d’âmes, exclu du ciel par votre faute, s’engouffre dans l’enfer ! » De même qu’ils se consacrent aux belles-lettres, s’ils pouvaient seulement se consacrer aussi à cet apostolat, afin de pouvoir rendre compte à Dieu de leur doctrine et des talents qui leur ont été confiés ! Beaucoup d’entre eux, bouleversés par cette pensée, aidés par la méditation des choses divines, s’entraîneraient à écouter ce que le Seigneur dit en eux et, en rejetant leurs ambitions et leurs affaires humaines, ils se soumettraient tout entiers, définitivement, à la volonté et au décret de Dieu. Oui, ils crieraient du fond du cœur : « Seigneur, me voici ; que veux-tu que je fasse ? Envoie-moi n’importe où tu voudras, même jusque dans les Indes ». »

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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