« Où se situe la restauration du climat dans l’effort global de lutte contre le changement climatique » ? interroge Mgr Auza. En effet, affirme-t-il, non seulement elle « représente en soi une approche valable dans la lutte contre le changement climatique », mais également elle pourrait apporter une « innovation » susceptible de « rendre plus efficaces les mesures d’atténuation et d’adaptation ».
Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies, est intervenu lors du premier Forum annuel sur la restauration du climat mondial, à New York, le 17 septembre 2019.
Déplorant l’absence de référence à la restauration du climat dans l’Accord de Paris, le représentant du Saint-Siège a souligné « l’insuffisance manifeste des engagements nationaux actuels pour atteindre les objectifs fixés » par ce même accord. S’il est « encore possible de limiter le réchauffement de la planète », a-t-il fait observer, « il faudra faire preuve d’une plus grande ambition ». Et de conclure : « Nous savons ce que nous pouvons faire. Maintenant, nous devons le faire. Les solutions sont nombreuses et à notre portée. »
Voici notre traduction du discours de Mgr Auza.
HG
Discours de Mgr Auza
Chers amis,
Dans la lutte contre le changement climatique, on parle beaucoup d’atténuation et d’adaptation, mais pas de restauration du climat. J’ai appris que la restauration du climat vise à rétablir le climat de la Terre, en une ou deux générations, tel qu’il était avant le début de la révolution industrielle. C’est un objectif beaucoup plus ambitieux que l’atténuation et l’adaptation, dont l’objectif commun « est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (CCNUCC, article 2).
Pourtant, en dépit de ses grandes promesses, l’expression « restauration du climat » ne se trouve ni dans la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique ni dans l’Accord de Paris.
Cette absence de référence à la restauration du climat dans les documents les plus importants sur le changement climatique nous amène à nous demander où se situe la restauration du climat dans l’effort global de lutte contre le changement climatique. Je crois que c’est la tâche principale de nos experts et panélistes cet après-midi. Ils chercheront à nous aider à comprendre, et à convaincre les sceptiques, pourquoi la restauration du climat devrait être considérée comme un élément important dans la lutte contre le changement climatique, ou pourquoi, en effet, nous devons restaurer les conditions du climat terrestre aux niveaux préindustriels.
La restauration du climat est un défi majeur pour la technologie. Outre la promesse qu’elle représente en soi une approche valable dans la lutte contre le changement climatique, l’innovation qu’elle pourrait apporter peut également contribuer à rendre plus efficaces les mesures d’atténuation et d’adaptation. Mais sa poursuite a aussi ses détracteurs. Certains, par exemple, pensent que cela détournerait des ressources des mesures urgentes d’atténuation et d’adaptation, affaiblirait les objectifs climatiques ambitieux, découragerait la décarbonisation et l’utilisation de l’énergie renouvelable. Il y a aussi ceux qui mettent en garde contre le fait que certaines méthodes d’extraction des émissions de gaz à effet de serre de l’atmosphère pourraient être plus nocives que bénéfiques.
Je crois que la pertinence de ce premier Forum annuel des Nations Unies sur la restauration du climat mondial réside dans le fait qu’il nous aidera à mieux comprendre ce qu’est la restauration du climat.
Tout en essayant d’en apprendre davantage sur les approches de restauration du climat qui visent à compléter les efforts d’atténuation et d’adaptation, tournons notre attention vers le plus grand mécanisme décarbonisant et oxygénant de tous qu’est la nature. Tous les documents relatifs au climat reconnaissent l’importance des forêts dans la réduction du carbone et la production d’oxygène. La science à l’école primaire nous enseigne que les forêts et les bois réduisent le dioxyde de carbone. Ils sont un excellent stabilisateur du climat. C’est pourquoi la dégradation continue des forêts du monde est une menace à laquelle nous devons faire face sans délai, car cette dégradation menace l’écosystème tout entier.
Les menaces qui pèsent sur l’environnement et la nécessité de trouver des solutions sont amplifiées par la grande nécessité d’agir d’urgence, comme l’a souligné le rapport spécial d’octobre 2018 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les conclusions du rapport sont d’autant plus inquiétantes qu’elles s’ajoutent à l’insuffisance manifeste des engagements nationaux actuels pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Le rapport indique qu’il est encore possible de limiter le réchauffement de la planète, mais que pour ce faire, il faudra faire preuve d’une plus grande ambition et prendre des mesures dès maintenant pour limiter et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tel est l’objectif primordial du prochain sommet des Nations Unies sur l’action pour le climat.
Je suis heureux d’annoncer qu’en réponse à la demande du secrétaire général des Nations Unies, le pape François s’adressera au Sommet sur le climat par un message vidéo. C’est là, je crois, une assurance supplémentaire que la protection de l’environnement figure en bonne place parmi les priorités du pape François. Lorsqu’il s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2015, l’un des principaux thèmes de son allocution portait sur le soin de notre maison commune, sur le soin de nos frères et sœurs dans cette maison et sur les liens qui existent entre les deux. Nuire à l’environnement, a-t-il dit, c’est nuire aux êtres humains et nous le voyons dans la façon dont l’abus et la mauvaise utilisation de l’environnement sont « accompagnés d’un processus implacable d’exclusion… des personnes faibles et défavorisées ». En réponse à cela, les engagements solennels, a-t-il dit, ne suffisent pas, il faut une volonté politique « efficace, pratique et constante » qui conduira à « des mesures concrètes et immédiates pour préserver et améliorer l’environnement naturel et ainsi mettre fin le plus rapidement possible au phénomène d’exclusion économique et sociale ».
Le Saint-Siège et l’Église catholique militent activement en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Pape François a souligné à maintes reprises que la transition vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas seulement un problème dans le domaine de la technologie ; c’est aussi, et surtout, une question de comportement humain, comme les modes de consommation et les styles de vie qui, à leur tour, orientent les modes de production. Il convient donc d’encourager la recherche de moyens novateurs de promouvoir la production et la consommation durables et d’encourager des modes de vie qui laissent une empreinte carbone aussi réduite que possible. À cet égard, les acteurs non étatiques font beaucoup pour aider les décideurs à prendre des décisions respectueuses de l’environnement.
Pour l’Église catholique, la protection de l’environnement est avant tout un impératif éthique et religieux : c’est l’intendance de la création de Dieu. De ce point de vue, introduire de plus en plus dans le débat climatique l’amour authentique et le souci de l’environnement pourrait inspirer et persuader beaucoup plus de personnes, en particulier les sceptiques du climat, que les visions de catastrophes apocalyptiques. Si la science est fondamentale pour nous dire l’état de notre environnement, c’est la conviction qu’il faut l’aimer et en prendre soin qui touche le cœur.
Mes amis,
Nous savons ce que nous pouvons faire. Maintenant, nous devons le faire. Les solutions sont nombreuses et à notre portée.
Je vous remercie de votre aimable attention.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat