« Les véritables acteurs religieux sont des hommes et des femmes de paix. Ils s’engagent à faire fructifier le don de la paix », a déclaré Mgr Auza. Ceci doit « se traduire par des actes concrets », a-t-il poursuivi.
Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu au cours de la Table ronde de haut niveau sur la culture de la paix : Mobiliser la capacité des acteurs religieux à construire des sociétés justes, pacifiques et inclusives en renforçant le dialogue interculturel et interreligieux, à New York, le 13 septembre 2019.
Sans fraternité, a souligné le représentant du Saint-Siège, « la paix mondiale et la coexistence harmonieuse seraient impossibles ». C’est pourquoi, a-t-il dit, les acteurs religieux doivent favoriser « la communion au sein des communautés, permettant aux membres de se voir non pas comme des ennemis ou des rivaux, mais comme des frères et sœurs », tout en les aidant à se tourner vers d’autres communautés « avec respect et amitié ».
Parfois, en veillant à protéger « une paix fragile », parfois en cultivant « le dialogue et les relations amicales entre les individus et les sociétés », et parfois encore en tranchant « de manière plus déterminée et plus vigoureuse tout ce qui fait obstacle à la paix ».
Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Auza, prononcée en anglais.
HG
Intervention de Mgr Bernardito Auza
Madame la Présidente, Chers collègues, chers amis,
C’est pour moi un grand plaisir de partager avec vous quelques réflexions alors que nous continuons à réfléchir sur la culture de la paix, qui renforce et transforme l’humanité.
Le thème spécifique de notre table ronde reconnaît, de manière très positive, l’importance des acteurs religieux, de ces hommes et de ces femmes, de toutes origines et de tous horizons, que leur foi ou leur conviction religieuse inspire, leur permettant de faire toute la différence dans le monde qui les entoure en renforçant une culture de la paix par la parole et par l’exemple.
Les véritables acteurs religieux sont des hommes et des femmes de paix. Ils s’engagent à faire fructifier le don de la paix. La paix imprègne les enseignements des textes sacrés et des traditions et répond aux aspirations les plus profondes du cœur humain. Le mot hébreu familier pour la paix, ‘Shalom’, semblable à son équivalent dans d’autres langues sémitiques, comme l’arabe ‘Salaam’, implique aussi des notions d’harmonie, de plénitude, de réalisation, de prospérité et de bien-être. Il n’est pas surprenant que ce mot soit devenu un salut simple et quotidien : quel meilleur souhait les personnes de bonne volonté souhaiteraient-elles pour ceux qu’elles rencontrent ? Les acteurs religieux sont ceux qui prononcent des paroles de paix ; ils annoncent un message de paix.
L’engagement en faveur de la paix doit se traduire par des actes concrets ; ainsi, les acteurs religieux doivent nécessairement être des bâtisseurs de paix, non seulement dans les limites de leurs lieux de culte mais aussi dans le monde entier. Les actes sont plus éloquents que les paroles et sont un témoignage puissant de nos convictions les plus profondes. Parfois, le travail des bâtisseurs de la paix consiste à faire très attention à ce qu’une paix fragile ne soit pas éradiquée, écrasée par ceux qui recourent à des moyens violents ou étouffée par des vents contraires de négativité. Parfois, il s’agit d’un travail patient et ardu pour cultiver le dialogue et les relations amicales entre les individus et les sociétés. D’autres fois, cela exige de trancher de manière plus déterminée et plus vigoureuse tout ce qui fait obstacle à la paix, comme les injustices et toutes les formes de discrimination et d’exclusion injustes.
En tant que bâtisseurs de paix, les acteurs religieux encouragent des communautés de paix. Conscients de l’irrépressible aspiration à la fraternité dans le cœur de tous, ils favorisent la communion au sein des communautés, permettant aux membres de se voir non pas comme des ennemis ou des rivaux, mais comme des frères et sœurs. Les bâtisseurs de la paix travaillent pour que leurs communautés ne restent pas repliées sur elles-mêmes ; au lieu de cela, ils se tournent vers d’autres communautés comme méritant leur plein respect et leur amitié. La fraternité est le ciment qui nous unit ; sans elle, la paix mondiale et la coexistence harmonieuse seraient impossibles. Les acteurs religieux, conscients de leurs responsabilités, sont appelés à conduire les autres à découvrir, aimer, expérimenter, partager et apprécier les communautés vivant dans la fraternité.
Les acteurs religieux, dans leur rôle de personnes de paix, de bâtisseurs de paix et de promoteurs de communautés de paix, ne peuvent que promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel. Pour beaucoup trop de personnes aujourd’hui, vivant au milieu de conflits insensés, du terrorisme et des persécutions, la paix reste un rêve lointain. En réponse à leur désespoir, nos paroles d’espérance pour mettre fin à leurs souffrances doivent s’accompagner de chemins concrets vers la réalisation de cette espérance. Parfois, lorsque les chefs religieux dénoncent des injustices ou des souffrances concrètes que subit leur peuple, certains dirigeants politiques et d’autres commentateurs publics peuvent considérer cela comme une ingérence malvenue dans les affaires politiques. De tels commentaires, cependant, peuvent être un service important pour le bien commun et, à ce titre, ils mériteraient d’être bien accueillis.
Une application spécifique de ce type de contribution est le témoignage conjoint de chefs religieux et de leurs communautés, qui s’unissent pour condamner toutes les formes de violence et de persécution. Le dialogue interreligieux et le dialogue interculturel, dans lesquels les chefs religieux jouent un rôle majeur, fournissent un contexte dans lequel il est possible de discuter des différences, de développer une appréciation mutuelle de la perspective des autres, de panser les blessures du passé et de cheminer ensemble vers la paix et d’autres objectifs communs. Les hommes et les femmes motivés religieusement, poussés par l’appel au respect de la dignité que Dieu a donnée à l’autre, ont la responsabilité particulière de montrer à chacun comment dialoguer sur les questions les plus importantes et les plus profondes de l’existence humaine et de travailler dans le respect de ce qui peut diviser. Nous reconnaissons honnêtement que les chefs religieux et les croyants n’ont pas toujours été à la hauteur de leur rôle de pacificateurs. Il faut aussi nous rappeler sans cesse cette grave responsabilité !
Madame la Présidente, chers collègues, chers amis,
C’est dans ce sens que les sociétés justes, pacifiques et inclusives d’une part et le dialogue interculturel et interreligieux d’autre part sont profondément liés. Ils grandissent ensemble : plus nos sociétés sont justes, pacifiques et inclusives, plus il y a de place pour les échanges culturels et plus la foi religieuse est respectée et reçoit la place qui lui revient. Comme le pape François et le grand imam El-Tayeb l’ont déclaré conjointement en février dernier dans le document sur la Fraternité humaine pour la paix mondiale et le vivre ensemble, « la compréhension et la promotion généralisée d’une culture de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et du vivre ensemble pacifiquement contribueraient considérablement à réduire de nombreux problèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui pèsent si lourdement sur une grande partie de l’humanité ».
Espérons que les réflexions que nous mènerons au cours de ces événements entourant le Forum de haut niveau sur la culture de la paix pourront effectivement nous conduire à des actions concrètes en vue de l’édification de sociétés plus justes et plus pacifiques.
Je vous remercie de votre aimable attention.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat