Etudiants du lycée public “Ennio Quirino Visconti” de Rome © Vatican Media

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Education : "Libérez-vous de la dépendance au portable !" lance le pape à des lycéens

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Il recommande « l’imagination de l’amour » (Traduction intégrale)

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« Libérez-vous de la dépendance au portable, s’il vous plaît ! » : sous les applaudissements, le pape a lancé cet encouragement à des lycéens italiens qu’il a rencontrés ce 13 avril 2019. « Lorsque le téléphone est une drogue, a-t-il mis en garde, la communication se (réduit) à de simples “contacts”. Mais la vie ce n’est pas “se contacter”, c’est communiquer ! » Le pape a aussi loué « l’imagination de l’amour » qui « va au-delà, au-delà des murs, au-delà des différences, au-delà des obstacles ».
Dans la Salle Paul VI du Vatican, le pape a reçu les élèves du lycée Visconti de Rome, à l’occasion de l’année jubilaire de saint Louis de Gonzague, patron de l’établissement. « N’ayez pas peur du silence », a-t-il insisté dans son discours, durant lequel il a encouragé les jeunes à cultiver leur « intériorité », à écouter leur « conscience » : « Plus qu’une science, il s’agit d’une sagesse, pour ne pas devenir une girouette qui suit le vent d’un côté et de l’autre… Dans l’intériorité habite la vérité. »
Improvisant largement devant les 5000 personnes présentes, le pape a exhorté à vivre une « passion pour la connaissance et pour la culture » et à éduquer « à l’inclusion, au respect des diversités et à la collaboration ».
Il a plaidé pour la liberté, la vérité et la justice : « Quand il n’y a pas de liberté il n’y a pas d’éducation, il n’y a pas d’avenir. Quand il n’y a pas de recherche honnête de la vérité mais une vérité imposée, qui t’ôte la capacité de chercher la vérité, il n’y a pas d’avenir… Et quand il n’y a pas de promotion de la justice, nous finirons assurément dans un pays pusillanime, égoïste. »
Evoquant la vie affective, le pape a souligné « deux dimensions sont essentielles » : « la pudeur et la fidélité. Aimer avec pudeur, non pas impudemment. Et rester fidèle dans l’amour ».
Voici notre traduction du discours prononcé par le pape.
Discours du pape François
Chers jeunes gens et jeunes filles, et moins jeunes !
Je suis content de vous accueillir avec vos professeurs, vos familles et tant d’amis impliqués dans les initiatives de solidarité qui rendent compte de votre parcours éducatif. Je vous salue tous avec affection et je remercie Madame le proviseur pour ses paroles : elle n’a pas économisé les mots ni les images, dans la description réelle, concrète, de la situation du monde actuel et des attitudes que nous devons avoir. Merci, Madame, et continuez ainsi : sans économiser les mots ! Continuez !
Votre communauté scolaire cherche à unir, par l’instruction, la formation globale du citoyen et du chrétien. Et si vous marchez sur cette voie, dans votre institution, dans votre lycée, ce qui malheureusement est vrai ailleurs sera démenti : que le pacte éducatif s’est rompu. Je vois que le pacte éducatif entre les éducateurs, les familles, vous les jeunes, et les volontaires, est unit et cela élève. Au cours de son histoire, votre lycée a eu parmi ses élèves – comme le disait Madame le proviseur – Eugenio Pacelli, futur pape Pie XII, et Franco Modigliani, futur Nobel d’économie. L’histoire éducative du célèbre Collège Romain se poursuit dans votre Institut scolaire, situé au sein de l’édifice voulu par saint Ignace de Loyola et inauguré par le pape Grégoire XIII en 1583. De ce Collège, sont sortis des personnages importants qui ont contribué au progrès de la science et à la croissance de la société, en favorisant un dialogue constructif entre foi et raison. Les valeurs de l’Evangile, qui ont animé la culture de générations et générations d’Italiens, peuvent encore aujourd’hui éclairer les consciences, les familles, les communautés, pour que l’on oeuvre dans tous les domaines avec le respect des valeurs morales et pour le bien de l’homme.
Dans ces classes, qui aujourd’hui sont les vôtres, de grands scientifiques comme les pères Clavio, Kircher et Secchi ont enseigné, et de nombreux jeunes qui ont marqué l’histoire de l’Eglise moderne se sont préparés à partir en mission. Je pense en particulier au père Matteo Ricci, parmi les premiers à établir un pont d’amitié entre la Chine et l’Occident, en réalisant un modèle encore valide d’inculturation du message chrétien dans le monde chinois. A vous revient le devoir de prendre cette flamme et de poursuivre, dans les conditions historiques et sociales qui ont changé, cette passion pour la connaissance et pour la culture qui a caractérisé ceux qui vous ont précédé. J’ai dit passion. Malheureusement si souvent, on éprouve de l’indifférence devant la culture, devant la science. Non : passion.
L’école comme telle est un bien de tous et elle doit rester une pépinière dans laquelle on éduque à l’inclusion, au respect des diversités et à la collaboration.  Inclusion, respect des diversités pour collaborer. S’il vous plaît, n’ayez pas peur des diversités. Le dialogue entre les différentes cultures, les différentes personnes, enrichit un pays, enrichit la patrie et nous fait progresser dans le respect réciproque, nous fait avancer en portant le regard sur une terre pour tous, pas seulement pour certain quelque-uns. C’est un laboratoire qui anticipe ce que devrait être la collectivité dans l’avenir. Et en cela l’expérience religieuse joue un rôle important, car elle concerne tout ce qui est authentiquement humain. L’Eglise est engagée, dans le sillon tracé par le Concile Vatican II, à promouvoir la valeur universelle de la fraternité qui se fonde sur la liberté, sur la recherche honnête de la vérité, sur la promotion de la justice et de la solidarité, spécialement à l’égard des personnes les plus faibles. Quand il n’y a pas de liberté il n’y a pas d’éducation, il n’y a pas d’avenir. Quand il n’y a pas de recherche honnête de la vérité mais une vérité imposée, qui t’ôte la capacité de chercher la vérité, il n’y a pas d’avenir : cela t’anéantit comme personne. Et quand il n’y a pas de promotion de la justice, nous finirons assurément dans un pays pusillanime, égoïste, qui travaille seulement pour quelques-uns. Sans l’attention à ces valeurs et sans leur recherche, il ne peut y avoir de véritable coexistence pacifique. Lorsqu’il y a de l’injustice, la haine commence à grandir, l’affrontement et cela finira… nous savons tous comment cela finit. Je suis satisfait que les paroles du proviseur aient confirmé que votre école, avec une culture classique, promeuve ces valeurs sous différentes formes. Continuez avec courage sur cette voie ! Ce n’est pas facile, mais c’est l’unique chemin capable de donner des fruits, de donner de grands fruits, pour chacun de vous et pour la patrie.
Dans l’édifice de votre Ecole, se trouve la monumentale église de San Ignazio, dans laquelle repose la dépouille de saint Louis de Gonzague, dont c’est l’année jubilaire des 450 ans de la naissance. Comme étudiant, il a fréquenté le milieu que vous fréquentez. Saint Louis est patron de la jeunesse ; c’est pourquoi j’aimerais rappeler certains thèmes que l’on peut tirer de l’histoire de ce grand saint et qui me semblent très actuels.
Je veux d’abord rappeler que Louis de Gonzague fut capable d’accomplir des choix importants pour sa vie, sans se laisser entraîner par le carriérisme et par le dieu argent. Il y a tant besoin de jeunes qui sachent agir ainsi, en faisant passer le bien commun avant leurs intérêts personnels ! Pour parvenir à faire cela il faut prendre soin de son intériorité, par l’étude, la recherche, le dialogue éducatif, la prière et l’écoute de sa conscience. Je vous le dis à vous, ici, jeunes, étudiants de l’Institut : avez-vous appris à écouter votre conscience ? Savez-vous ce qui se passe en vous ? Avez-vous appris cette introspection saine – pas cette introspection malade des névrotiques – l’introspection saine : que se passe-t-il en moi, qu’est-il en train de se passer en moi ? Plus qu’une science, il s’agit d’une sagesse, pour ne pas devenir une girouette qui suit le vent d’un côté et de l’autre. Pensez bien à ceci. Et il serait beau que parmi vous, en groupe, avec les dirigeants de l’Institut, vous fassiez une belle réflexion sur ce qu’est la conscience, ce qui arrive dans la conscience, comment trouver ce qui m’arrive, comment dans la conscience grandissent les bonnes attitudes et celles qui ne sont pas bonnes… Faites cette expérience : elle sera de grande utilité. Et cela présuppose la capacité de se faire des espaces de silence. N’ayez pas peur du silence, de rester seuls – pas toujours, non, parce que ça ne fait pas du bien – mais de prendre un peu de temps seuls, de se ménager des espaces de silence. N’ayez pas peur du silence, d’écrire votre journal, par exemple, dans le silence. N’ayez pas peur de l’inconfort et de l’aridité que le silence peut comporter. “Ah, pas moi, le silence m’ennuie !”. Au début peut-être, mais ensuite, au fur et à mesure que tu entres en toi-même, dans le silence, il ne t’ennuie plus. Libérez-vous de la dépendance au portable, s’il vous plaît ! Vous avez certainement entendu parler du drame des dépendances. “Bien sûr, Père”. Les dépendances au bruit : s’il n’y a pas de bruit je ne me sens pas bien…; et tant d’autres dépendances. Mais celle du portable est très subtile, très subtile. Le portable est d’une grande aide, c’est un grand progrès ; il doit être utilisé, il est beau que tout le monde sache l’utiliser. Mais quand tu deviens esclave du portable, tu perds ta liberté. Le portable sert à communiquer, pour la communication : il est si beau de communiquer entre nous. Mais attention, il y a le risque que si le téléphone est une drogue, la communication se réduise à de simples “contacts”. Mais la vie ce n’est pas “se contacter”, c’est communiquer ! Souvenons-nous de ce qu’écrivait saint Augustin : «in interiore homine habitat veritas» (De vera rel., 39, 72). Dans l’intériorité de la personne habite la vérité. Il faut la chercher. Cela vaut pour tout le monde, pour celui qui croit et pour celui qui ne croit pas. L’intériorité, nous l’avons tous. C’est seulement dans le silence intérieur que l’on peut entendre la voix de la conscience et la distinguer des voix de l’égoïsme et de l’hédonisme, qui sont des voix différentes.
La capacité de saint Louis à aimer avec un cœur pur et libre est connue. Seul celui qui aime parvient à connaître Dieu. Dans la vie affective, deux dimensions sont essentielles : la pudeur et la fidélité. Aimer avec pudeur, non pas impudemment. Et rester fidèle dans l’amour. L’amour n’est pas un jeu : l’amour est la plus belle chose que Dieu nous a donnée, la capacité d’aimer. “Dieu est amour”, dit la Bible, et Dieu nous a donné cette capacité. Ne la salissez pas avec l’insolence de l’impudeur et avec l’infidélité. Aimer sainement, mais grandement ! Aimer avec un cœur plus grand chaque jour : cette sagesse d’élargir son cœur, de ne pas le rendre tout petit, dur comme la pierre. L’élargir. Et Dieu disait à son peuple, comme grande promesse, qu’il lui enlèverait son cœur de pierre et lui donnerait un cœur de chair. Élargir son cœur de chair : c’est cela aimer. Avec fidélité et avec pudeur. Le sens de la pudeur renvoie à la conscience vigilante qui défende la dignité de la personne et de l’amour authentique, afin de ne pas banaliser le langage le langage du corps. La fidélité, ensuite, avec le respect de l’autre, est une dimension incontournable de toute vraie relation d’amour, puisqu’on ne peut pas jouer avec les sentiments. Mais aimer ce n’est pas seulement une expression d’un lien affectif de couple ou d’amitié forte, belle et fraternelle. Une forme concrète de l’amour est donnée aussi dans l’engagement solidaire envers le prochain, spécialement les plus pauvres. L’amour du prochain se nourrit de créativité et va toujours au-delà : l’on invente des choses pour aider, pour continuer… L’imagination de l’amour. N’ayez pas peur de cela. L’amour va au-delà, au-delà des murs, au-delà des différences, au-delà des obstacles. En cela aussi, saint Louis est un modèle, parce qu’il est mort en se consumant au service des malades de peste, c’est-à-dire de personnes qui étaient aux marges de la société et rejetées par tout le monde. L’amour l’a conduit au-delà, au-delà… L’imagination de l’amour. N’oubliez pas ce mot : l’imagination de l’amour. L’amour est créatif et il va de l’avant.
Je me réjouis de voir que sont présents aujourd’hui également les amis que vous accueillez comme communauté scolaire, en vous mettant à leur service avec la cantine populaire du samedi. L’engagement d’un grand nombre d’entre vous dans le volontariat est un signal d’espérance. Le volontariat est l’une des choses les plus belles et les plus fortes de l’Italie : s’il vous plaît, conservez-le bien. Grandissez dans le volontariat. Ne vous laissez pas vaincre dans votre générosité : le bénévolat va toujours au-delà, en générosité, il ne se laisse pas vaincre ! Les relations familiales, sociales, de vie de couple, s’enrichissent quand la dimension du service dans la gratuité est présente. A ce sujet, j’aime citer Mgr Tonino Bello, un homme d’Eglise exemplaire et témoin de charité. Il aimait répéter : « Celui qui ne vit pas pour servir, ne sert pas pour vivre ».
Chers jeunes étudiants, n’arrêtez pas de rêver en grand – c’est une si belle chose des jeunes : rêver en grand – et de désirer un monde meilleur pour tous. Ne vous contentez pas de la médiocrité dans les relations entre vous, dans le soin de votre intériorité, dans vos projet de futur, dans votre engagement pour un monde plus juste et plus beau. Demain, dimanche des Rameaux, commence la Semaine Sainte qui culminera au jour de Pâques, quand nous célébrerons la résurrection du Christ, fondement de l’espérance chrétienne. J’adresse à chacun de vous mes vœux de saintes fêtes pascales. Pâques est le temps du renouveau des promesses du Baptême, c’est aussi un temps de renouveau de l’âme : il est temps de fleurir ! Je vous invite à le faire avec conviction et confiance dans l’amour du Seigneur. C’est Lui qui vous donne et vous donnera toujours force et courage dans les difficultés que vous rencontrez sur votre chemin. Et puis je voudrais ajouter une chose qui m’est venu à l’esprit en écoutant votre procureur. Dans votre institut, qu’il n’y ait pas de guerres ni d’agressions. Cela me fait tant souffrir de voir qu’il y a du harcèlement dans une école. Luttez contre cette agressivité qui est vraiment semence de guerre, luttez. Qu’il y ait la paix, sans agression envers quiconque, sans harcèlement. Pas d’harcèlement dans votre Institut !
Je vous remercie de cette rencontre. Je vous bénis, ici présents, je bénis vos amis et les personnes qui vous sont chères. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Merci et bonne Pâques !
Et à présent je vous donne à tous la bénédiction, à tous vos amis, à toutes les personnes qui étudient, travaillent dans l’Institut à différents niveaux, aux familles.
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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