La lettre aux jeunes « Il vit, le Christ » « témoigne de la vérité – même au plan de la communication – du chemin synodal de l’Église », a affirmé Paolo Ruffini, préfet du Dicastère pour la communication : « Les jeunes, à qui l’exhortation s’adresse en premier, sont les enfants d’une société de la communication » et « la meilleure manière de communiquer la vérité de ce dont on témoigne, c’est d’être vrai ».
Le préfet est intervenu à la conférence de presse présentant l’exhortation apostolique post-synodale « Christus Vivit » (Le Christ vit) du pape François, ce mardi 2 avril 2019 à la Salle de presse du Vatican. Il a voulu souligner « surtout quelques points qui concernent la communication en général ». Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire du Secrétariat du synode des évêques, et Mgr Fabio Fabene, sous-secrétaire du Synode des évêques, sont également intervenus au cours de la conférence.
« La compassion est un passage obligé, un moment central pour vraiment communiquer », a déclaré le préfet.
Au sujet des abus commis au sein de l’Eglise, a-t-il noté, « l’exhortation nous invite à une communication transparente et vraie. Complète, non partielle ».
Paolo Ruffini a souligné aussi « l’insistance du pape, dans l’exhortation, sur la communication intergénérationnelle comme clé du renouveau de l’Église ». Si « les jeunes s’enracinent dans les rêves des personnes âgées, ils réussissent à voir l’avenir », a cité le préfet. Le pape François, a-t-il conclu, « invite les jeunes à en être conscients et à ne pas rester au balcon, à ne pas regarder passer la vie sous leurs fenêtres sans entrer dans la mêlée, à s’impliquer, à se salir les mains, à avoir foi et à rêver ».
Voici notre traduction de l’intervention de Paolo Ruffini.
MD
Intervention de Paolo Ruffini
Bonjour,
De l’exhortation apostolique post-synodale, je soulignerai surtout quelques points qui concernent la communication en général. Parce que c’est mon rôle, en tant que préfet.
Parce que c’est ce nous sommes appelés à faire, vous et moi : communiquer.
Parce que les jeunes, à qui l’exhortation s’adresse en premier, sont les enfants d’une société de la communication ; et les habitants d’une époque qui est souvent marquée, au contraire, par l’incommunicabilité.
Parce qu’en fin de compte, la compréhension du sens global de ce document, et de ce qu’il engage, est confiée à la communication, qui commence ici et maintenant.
La première chose que je voudrais dire, c’est que cette exhortation témoigne de la vérité – même au plan de la communication – du chemin synodal de l’Église. Un chemin qui ne se termine pas ici, mais qui continue ; qui ne s’arrête pas, mais qui avance précisément parce que les plus âgés peuvent passer le témoin aux plus jeunes. Il en a toujours été ainsi. C’est notre histoire.
Comme on peut le lire au numéro 37, l’Église peut toujours tomber dans la tentation de perdre son enthousiasme. Mais ce sont les jeunes qui peuvent l’aider à rester jeune, à ne pas tomber dans la corruption, à ne pas s’arrêter, à ne pas s’enorgueillir, à ne pas se transformer en secte, à être plus pauvre et capable de témoigner, d’être proche des plus petits et des rejetés, à se battre pour la justice et à se laisser interpeller humblement (ChV 37).
La meilleure manière de communiquer la vérité de ce dont on témoigne, c’est d’être vrai.
C’est la réaction aux difficultés d’une Église qui se maintient jeune, qui se laisser interroger et stimuler par la sensibilité des jeunes (ChV 42). D’une Église qui n’est pas élitiste, mais populaire. Qui ne réduit pas l’Évangile à une proposition insipide, incompréhensible et lointaine. Mais qui accepte d’être « populaire » (ChV 235-6) ; et qui enclenche ainsi un processus lent, respectueux, patient, confiant, inlassable, plein de compassion (ChV 236).
Les jeunes communiquent la vitalité de l’Église.
Le second point concerne la nécessité pour nous, communicateurs, ne pas remplacer la partie par le tout, en finissant par donner une fausse représentation de la réalité dans le cas présent, des jeunes et de l’Église. Sur cette question, il me semble que l’exhortation emploie des mots très clairs en adoptant le point de vue, le regard large des jeunes qui, d’un côté, ne veulent pas voir une Église silencieuse et timide, ni non plus une Église toujours en guerre à cause de deux ou trois questions qui l’obsèdent. (ChV 41) ; et de l’autre demandent à leur tour à être regardés, compris, dans toute leur complexité, qui est faite de rêves, d’idéaux, de drames et de souffrances.
« Nous ne pouvons pas être une Église qui ne pleure pas devant les drames de ses jeunes enfants. Nous ne devons jamais nous y habituer, parce que qui ne sait pas pleurer n’est pas mère » (ChV 75).
Pleurer veut dire souffrir avec. Pâtir avec. Éprouver de la compassion. La compassion est un passage obligé, un moment central pour vraiment communiquer. Pâtir avec est exactement le contraire de courir tout de suite à des conclusions qui nous séparent des autres.
Pleurer signifie accompagner.
Beaucoup se souviennent sûrement combien on a parlé pendant le Synode de la signification de cet accompagnement. De la manière dont on peut, ou plutôt on doit, accompagner aussi celui qui se trompe, non pas pour se tromper avec lui, mais pour éclairer son esprit.
Les pères synodaux et François ont résumé tout cela en une image : l’épisode évangélique des disciples d’Emmaüs. Ils allaient dans la mauvaise direction. Jésus choisit de marcher avec eux. D’écouter leurs discours erronés. D’attendre. Sans se presser. D’entrer dans leur nuit. Jésus n’a pas peur de se salir les mains, d’accompagner, de partager, de reconnecter le fil de la mémoire et de la connaissance, de faire grandir la conscience dans un dialogue patient. Et ce sont eux, les disciples d’Emmaüs qui, après l’avoir reconnu, après avoir compris, choisissent de reprendre aussitôt la route, mais dans la direction opposée, vers Jérusalem.
Dans cette page d’Évangile, il y a tout le mystère de l’Incarnation. Et il y a aussi le récit de notre époque ; fait d’affrontements dans lesquels personne n’écoute, de disputes où semble vainqueur celui qui crie le plus, de certitudes fragiles, de divisions artificielles, d’identités fondées sur la construction d’un ennemi, de réflexes rapides et de lentes réflexions.
Face à tout cela, « aujourd’hui, nous, les adultes », écrit le pape dans l’exhortation, « nous courons le risque de faire une liste de désastres, de défauts de la jeunesse de notre époque ». Nous devrions au contraire avoir la capacité « de distinguer des chemins là où les autres ne voient que des murs », de « savoir reconnaître des possibilités là où les autres ne voient que des dangers » (ChV 67).
D’où par exemple aussi l’exhortation : « Je demande en particulier aux jeunes de ne pas tomber dans les filets de ceux qui veulent les mettre contre d’autres jeunes qui arrivent dans leur pays, en les décrivant comme des sujets dangereux et comme s’ils n’avaient pas la même dignité inaliénable que tous les êtres humains » (ChV 94).
Le troisième point concerne l’environnement numérique qui caractérise la communication contemporaine. « Il ne s’agit plus seulement d’ “utiliser” des instruments de communication, mais de vivre dans une culture largement numérisée qui a des impacts très profonds sur les notions de temps et d’espace, sur la perception de soi, des autres et du monde, sur la manière de communiquer, d’apprendre, de s’informer et d’entrer en relation avec les autres » (ChV 86).
Le contexte numérique est un contexte de participation socio-politique et de citoyenneté active, un lieu incontournable pour rejoindre et impliquer les jeunes, y compris dans des initiatives et des activités pastorales » (ChV 87), mais c’est aussi un territoire de solitude, de manipulation, d’exploitation et de violence, jusqu’au cas extrême du “dark web” » (ChV 88).
Ces circuits fermés facilitent la diffusion de fausses informations et nouvelles, fomentant les préjugés et la haine. La prolifération des « fake news » est l’expression d’une culture qui a perdu le sens de la vérité et qui utilise les faits pour des intérêts particuliers. La réputation des personnes est mise en danger à travers des procès sommaires en ligne. Ce phénomène concerne aussi l’Église et ses pasteurs » (ChV 89).
Le pape oppose à tout cela une façon différente de vivre non seulement les réseaux, mais tous les langages. Y compris celui du silence, de la contemplation. L’art, la musique et le sport. La charité et l’engagement social. La politique. En renversant la perspective. En reconnectant le réel et le virtuel. En privilégiant « le langage de la proximité, le langage de l’amour désintéressé, relationnel, existentiel, qui touche le cœur » (ChV 211).
Jusqu’à un véritable appel : Chers jeunes, vous n’avez pas de prix ! Vous n’êtes pas des pièces à vendre aux enchères ! S’il vous plaît, ne vous laissez pas acheter, ne vous laissez pas séduire, ne vous laissez pas réduire en esclavage par les colonisations idéologiques… il faut que vous vous le répétiez toujours : je ne suis pas aux enchères, je n’ai pas de prix. Je suis libre ! Soyez amoureux de cette liberté, qui est celle qu’offre Jésus (ChV 122).
La liberté par rapport aux stéréotypes est essentielle pour bien communiquer le christianisme, qui n’est pas – écrit le pape en citant Oscar Romero, évêque, saint et martyr – un ensemble de vérités auxquelles il faut croire, de lois à observer, d’interdits. Cela semble repoussant. Le christianisme est une Personne qui m’a tellement aimé qu’il réclame mon amour. Le christianisme est le Christ ». Et le Christ est vivant.
Pour ce qui est des abus (le quatrième point dont j’aimerais parler), l’exhortation nous invite à une communication transparente et vraie. Complète, non partielle. Elle nous demande de la gratitude envers ceux qui ont eu et qui ont le courage de dénoncer le mal subit, en aidant l’Église à prendre conscience et à réagir avec détermination. Elle ne se cache pas derrière les fautes des autres, parce que l’universalité du fléau ne diminue pas la monstruosité à l’intérieur de l’Église. Elle redit l’engagement pour l’adoption de mesures de prévention rigoureuses qui empêchent que ces crimes inacceptables ne se reproduisent. Elle demande aux jeunes de mettre en jeu leur capacité de renouveler, de revendiquer, d’exiger une cohérence et un témoignage. Elle rappelle tous ceux qui, dans l’Église, se dépensent tous les jours avec honnêteté et dévouement au service des jeunes. Leur œuvre est une forêt qui grandit sans faire de bruit. Un silence qui communique autrement.
La dernière chose que je voudrais souligner est l’insistance du pape, dans l’exhortation, sur la communication intergénérationnelle comme clé du renouveau de l’Église. Si « les jeunes s’enracinent dans les rêves des personnes âgées, ils réussissent à voir l’avenir » (ChV 193). François invite les jeunes à en être conscients et à ne pas rester au balcon, à ne pas regarder passer la vie sous leurs fenêtres sans entrer dans la mêlée, à s’impliquer, à se salir les mains, à avoir foi et à rêver ; non pas pour s’abstraire de la réalité, mais pour la changer y compris à travers leur capacité à communiquer, à devenir des leaders populaires. « Ne laissez pas les autres être les protagonistes du changement ! » (ChV 174).
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Paolo Ruffini © Vatican News
"La compassion est centrale dans la communication" : Paolo Ruffini présente "Christus vivit"
« La meilleure manière de communiquer »