Contre le scandale des abus sexuels commis au sein de l’Eglise, il faut une lutte humaine – y compris juridique – et une lutte spirituelle : c’est ce qu’a affirmé en substance le pape François, lors de la conférence de presse qu’il a donnée en rentrant du Maroc, le 31 mars 2019.
Durant le vol de Rabat à Rome, devant les journalistes, le pape a évoqué les critiques qui lui ont été faites après le Sommet des présidents des Conférences épiscopales pour la protection des mineurs en février dernier : dans son discours de conclusion, il avait accusé le véritable auteur du mal, le diable, derrière ces crimes. On a dit que le pape « s’est lavé les mains et a donné la faute au diable », a-t-il résumé : « Un peu simpliste, non ? »
Citant le polytechnicien français Philippe Roqueplo, le pape a souligné que « pour comprendre une situation, il faut donner toutes les explications et puis chercher les significations » : « Qu’est-ce que cela signifie socialement ? Qu’est-ce que cela signifie personnellement ou religieusement ? Et moi, je cherche à donner toutes les explications et aussi la mesure des explications. »
Or, le « grave » fléau mondial des abus sexuels « ne se comprend pas sans le mystère du mal », a-t-il affirmé. Il faut agir concrètement, mais nommer « l’esprit du mal » sous-jacent. Le pape a donné l’exemple de la pédopornographie virtuelle et de la responsabilité des autorités à cet égard : « comment est-il possible que cela soit devenu une chose quotidienne ?… Je me demande : les responsables de l’ordre public ne peuvent rien faire ? »
« Nous, dans l’Eglise, nous ferons tout pour en finir avec cette plaie, nous ferons tout », a assuré le pape François. Pour approfondir « la partie humaine et aussi la partie de la lutte spirituelle », il a renvoyé à deux textes : un article du journaliste italien Gianni Valente sur Vatican Insider, à propos du donatisme ; et sa publication des Lettres de la tribulation de 1986.
L’Eglise, en effet, a-t-il expliqué, court aujourd’hui le danger « de devenir donatiste en faisant toutes les prescriptions humaines qui doivent se faire mais… en oubliant les autres dimensions spirituelles : la prière, la pénitence, l’accusation de soi-même ». Chercher à « vaincre l’esprit du mal, s’est défendu le pape, ce n’est pas se laver les mains » du problème, car « nous devons lutter contre le diable, de la même façon que nous devons lutter contre les choses humaines ».
Les Lettres de la tribulation (« Las cartas de la tribulación »), ont été présentées par la revue jésuite La Civiltà cattolica en mai 2018 : le père Jorge Mario Bergoglio, qui était alors procurateur jésuite, y médite sur le discernement en temps de tribulation. Sa préface à ce recueil de 8 lettres de deux préposés Généraux jésuites, le père Lorenzo Ricci au XVIIIe siècle, et le père Jan Roothaan (1831), écrites au moment de la suppression de la Compagnie de Jésus par le bref apostolique « Dominus ac Redemptor » (21 juillet 1773) du pape Clément XIV, est aujourd’hui un guide de compréhension de son pontificat face à la crise des abus.