Le card. Parolin en Irak © Vatican Media

Le card. Parolin en Irak © Vatican Media

Irak : «Des experts en pardon», déclare le card. Parolin à Qaraqosh (traduction complète)

Homélie dans la cathédrale syro-catholique Al Tahira

Share this Entry

Grâce au pardon, « nous sommes vainqueurs du mal par le bien, nous transformons la haine en amour et nous rendons ainsi le monde plus propre », a expliqué le secrétaire d’État avant de lancer aux fidèles irakiens : « Vous êtes des experts en pardon ».
Le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin a prononcé l’homélie au cours de la messe qu’il a célébrée dans la cathédrale syro-catholique Al Tahira de Qaraqosh, ville symbole des chrétiens, dans la plaine de Ninive martyrisée. C’était la plus grande ville syriaque-catholique du monde avant l’offensive de Daech et la fuite de ses habitants dans la nuit du 6 au 7 août 2014.
Le cardinal Parolin était entouré du patriarche syro-catholique Ignace Joseph III Younan et de Mgr Yohanna Petros Mouche, archevêque syro-catholique de Mossoul, ce vendredi 28 décembre 2018, à l’occasion de sa visite en Irak pour les célébrations de Noël, du 24 au 28 décembre. Il a été « accueilli avec ferveur » dans la plaine de Ninive souligne aujourd’hui Vatican News.
« La contemplation de cet amour miséricordieux de Dieu, qui s’est fait chair pour nous, nous invite chaque année à donner une réponse cohérente », a affirmé le card. Parolin. « Demander et offrir le pardon, en commençant chez nous (…), a-t-il poursuivi, doit être le signe tangible de notre identité de chrétiens ».
Le représentant du pape François a encouragé l’assemblée : « Avec une grande exemplarité, vous n’avez pas renié votre foi », leur a-t-il dit, « dans le plan du salut de Dieu, vos sacrifices ne resteront pas sans fruit. De même que n’est pas restée stérile le témoignage de tant de martyrs qui, depuis les premiers siècles du christianisme, ont baigné de leur sang cette terre, en vivant leur foi de manière héroïque et jusqu’au bout ». Il l’a invitée à reconstruire « la confiance » et à recomposer le « tissu social déchiré par les trahisons, la rancœur et la haine ».
Voici notre traduction de l’homélie du cardinal Pietro Parolin, publiée dans L’Osservatore Romano en italien du 29 décembre 2018.
HG
Homélie du cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin
Votre Béatitude Ignace Joseph III Younan, patriarche d’Antioche des Syriens,
Excellence Mgr Yohanna Petros Mouche,
Excellence Mgr Ephrem Joseph Abba,
Chers prêtres,
Religieux et religieuses,
Mesdames et Messieurs les Autorités,
Chers sœurs et frères dans le Christ,
Je suis très heureux d’être venu dans cette ville historique de Qaraqosh, dont nous avons tellement entendu parler ces dernières années, en raison des nouvelles tragiques qui nous parvenaient ponctuellement de ce front de guerre. Le Saint-Père m’a demandé de vous apporter ses salutations et sa bénédiction apostolique et de vous assurer qu’il vous porte dans son cœur et se souvient de vous chaque jour dans sa prière.
C’est aussi un motif de grande joie d’être ici réunis pour la célébration de l’Eucharistie autour de cet autel, devenu symbole de votre souffrance qui, unie au sacrifice du Christ, devient source de paix et de salut pour le monde.
Nous nous trouvons dans une ville où, depuis les temps anciens, la communauté chrétienne a toujours vécu sa foi avec intensité, y compris au milieu des difficultés de tout genre et des persécutions. Il ne vous a pas non plus été épargné la tribulation, l’injustice, la trahison et la destruction de ce que vous avez de plus sacré, comme cette cathédrale. L’Église et le monde entier ont assisté avec incrédulité et horreur aux faits de l’été 2014, quand d’un jour à l’autre vous avez été forcés de tout quitter et de fuir de vos maisons. Avec une grande exemplarité, vous n’avez pas renié votre foi. Vous aussi, avec la sainte famille de Nazareth, vous avez pris le chemin de l’exil pour mettre à l’abri la vie de vos enfants, espérance pour l’avenir.
Mais dans le plan du salut de Dieu, vos sacrifices ne resteront pas sans fruit. De même que n’est pas restée stérile le témoignage de tant de martyrs qui, depuis les premiers siècles du christianisme, ont baigné de leur sang cette terre, en vivant leur foi de manière héroïque et jusqu’au bout.
Ils ont certainement été pour vous des exemples et un encouragement, en particulier San Behnam, que vous aimez et vénérez beaucoup et avec tant d’affection, non seulement dans la liturgie, mais aussi dans la vie quotidienne. Avec sa sœur sainte Sara et ses compagnons, ils sont les témoins du fait que rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ (cf. Rm 8,35).
La contemplation de cet amour miséricordieux de Dieu, qui s’est fait chair pour nous, nous invite chaque année à donner une réponse cohérente, en suivant les pas de tant de disciples du Christ. Hier comme aujourd’hui, les ténèbres du refus de la vie apparaissent, mais brille plus fort encore la lumière de l’amour qui est vainqueur de la haine et qui inaugure un monde nouveau (cf. pape François, Angelus, 26 décembre 2015).
La réponse chrétienne au don de la filiation divine passe par le pardon. Et justement la parole de Dieu que nous venons d’écouter nous montre l’importance du pardon et de l’espérance qui naît de la foi dans la construction d’un monde nouveau.
Nous nous demandons alors : pourquoi dois-je pardonner ? Pourquoi dois-je annuler les dettes ? La réponse est très simple : parce que c’est ce que fait Dieu. Et vivre le pardon approche l’homme de Dieu. À travers le pardon, nous sommes vainqueurs du mal par le bien, nous transformons la haine en amour et nous rendons ainsi le monde plus propre. Vous êtes des experts en pardon. Il est émouvant de savoir que beaucoup ont pardonné à ceux qui leur ont fait du mal.
Le progrès dans la foi implique en premier lieu de recevoir le pardon de Dieu. En effet, chaque fois que nous sommes pardonnés, notre cœur renaît, il est régénéré. C’est pourquoi une fois pardonnés, nous aussi, à notre tour, nous pouvons pardonner et aimer. Par son pardon, Dieu guérit les blessures de notre cœur et nous régénère dans l’amour.
Toutefois, nous rappelle le pape François, pardonner n’est pas facile, et c’est même toujours très difficile. « Comment pouvons-nous imiter Jésus ? Par où commencer pour excuser les petits ou les grands torts que nous subissons tous les jours ? Avant tout par la prière, comme l’a fait Étienne. On commence par son propre cœur : nous pouvons affronter avec la prière le ressentiment que nous éprouvons, en confiant celui qui nous a fait du mal à la miséricorde de Dieu : “Seigneur, je te demande pour lui, je te demande pour elle”. Ensuite on découvre que ce combat intérieur pour pardonner purifie du mal et que la prière et l’amour nous libèrent des chaînes intérieures de la rancœur » (Pape François, Angelus, 26 décembre 2015).
Chers frères et sœurs,
Que la souffrance et la violence subies ne se transforment jamais en rancœur et que le joug pesant de la haine ne retombe jamais sur vos épaules.
Le pardon est la base de la réconciliation. « Jésus nous demande de croire que le pardon est la porte qui conduit à la réconciliation. (…) Il nous donne la grâce pour le faire » (Pape François, Homélie de la messe à Séoul, 18 août 2014). Le pardon et la réconciliation ont une valeur sociale de grande importance. C’est pourquoi vous êtes appelés à offrir une contribution efficace non seulement à l’Église mais à toute la société en étant artisans de réconciliation et de paix, témoins de l’amour et du pardon, source de bien et de bénédiction pour tous.
Demander et offrir le pardon, en commençant chez nous, dans nos familles, au sein des presbytères et des paroisses, doit être le signe tangible de notre identité de chrétiens qui, avec l’unité et la concorde entre les membres de la même communauté, peut devenir un témoignage vivant pour ce monde troublé par les divisions et par la violence. Mais rien de tout cela, très chers amis, ne sera possible sans le soutien d’une foi vécue pleinement à l’enseigne de l’amour.
Votre fidélité au Christ, pendant ces années de dures épreuves, a été connue dans toute l’Église et votre exemple a contribué à réveiller la foi de nombreux chrétiens qui s’étaient assoupis et adaptés à une culture mondaine où il n’y a presque plus de place pour Dieu. Sachez que l’Église vous a constamment soutenus par la prière et par la charité. Qu’il me soit permis d’exprimer de vifs remerciements aux nombreuses organisations caritatives qui s’emploient quotidiennement à pourvoir aux nécessités de votre peuple et à alléger les souffrances des plus démunis, non seulement par des aides matérielles, mais aussi avec tant de volontaires, dont certains sont ici présents. Merci beaucoup, chers amis.
Bien chers amis,
Après le temps de l’épreuve, la Sainte Famille est rentrée à Nazareth. Pour vous aussi commence le retour de l’exil. Dans votre ville de Qaraqosh et dans d’autres villages de la Plaine de Ninive, on procède heureusement à la reconstruction des maisons et beaucoup d’entre vous sont déjà rentrés. C’est une source de joie et d’espérance pour l’Église universelle et pour votre pays. Toutefois, l’entreprise la plus ardue n’est pas la réédification matérielle, mais la reconstruction de la confiance, la recomposition du tissu social déchiré par les trahisons, la rancœur et la haine. C’est là qu’est votre vocation et votre mission : ce qui est en jeu, c’est la fidélité à vos racines et la construction d’un avenir meilleur pour vos enfants.
C’est pourquoi je redis encore une fois combien est importante la présence des chrétiens au Moyen Orient. Vous êtes la présence de Jésus. Vous avez une mission irremplaçable et très importante. Je vous exhorte donc à continuer de vivre votre foi et votre mission avec fidélité et gratitude, avec confiance et espérance en cette terre où a commencé l’histoire du salut, qui se poursuit aujourd’hui à travers vous. Courage, n’ayez pas peur, levez-vous d’un pied ferme et recommencez votre vie parce que le mal n’a pas le dernier mot sur votre destin et sur votre avenir en cette terre historique de vos pères.
En ce temps béni de la naissance du Seigneur, que la tendre puissance de l’Enfant Jésus nous enseigne à parcourir le chemin de l’amour et de l’humilité. Bien chers amis, je vous souhaite à tous les dons de l’unité, de la réconciliation et de la paix. Que la Sainte Famille de Nazareth vous fortifie dans la foi et vous soutienne dans l’espérance, qu’elle vous fasse grandir dans la charité, vous accompagne et vous protège. Ainsi soit-il.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Share this Entry

Hélène Ginabat

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel