En présentant ses vœux de Noël à la Curie romaine, ce 21 décembre 2018, le pape François a évoqué le fléau des abus sexuels, de conscience et de pouvoir commis au sein de l’Eglise, mais aussi, plus généralement, les « infidélités » des personnes consacrées. Il a tancé également les ministres qui se comportent « comme les maîtres du salut », comme des « contrôleurs des mystères de Dieu », des « douaniers de Dieu »
Dans son long discours, le pape a parlé sans langue de bois de « l’infidélité de ceux qui trahissent leur vocation, leur serment, leur mission leur consécration à Dieu et à l’Église; ceux qui se cachent derrière de bonnes intentions pour poignarder leurs frères et semer l’ivraie, la division et le désarroi; des personnes qui trouvent toujours des justifications, même logiques et spirituelles, pour continuer à parcourir en toute tranquillité la route de la perdition ».
« Ce n’est pas une nouveauté dans l’histoire de l’Église », a-t-il constaté avant de citer le proverbe, sans concession : « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Et de dénoncer : « derrière ces semeurs de zizanie se trouvent presque toujours les trente pièces d’argent » de Judas.
Maîtres et contrôleurs du salut
Si les figures bibliques de David et de Judas Iscariote « seront toujours présentes dans l’Église », cependant elles se distinguent dans la conversion, a poursuivi le pape : « David s’est repenti en se confiant à la miséricorde de Dieu, tandis que Judas s’est suicidé. » Il a appelé à « combattre toute corruption spirituelle, qui est pire que la chute d’un pécheur, car il s’agit d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite : la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité, puisque Satan lui-même se déguise en ange de lumière ».
Les personnes consacrées, a encore souligné le pape, ne doivent pas se comporter « comme un cercle de privilégiés qui croient avoir Dieu dans la poche, mais comme des personnes qui savent qu’elles sont aimées par le Seigneur bien que pécheresses et indignes ».
Il s’agit de ne pas oublier qu’elles « ne sont rien d’autre que des serviteurs dans la vigne du Seigneur » : souvent en effet, « même les élus, chemin faisant, commencent à penser, à croire et à se comporter comme les maîtres du salut et non comme des bénéficiaires, comme des contrôleurs des mystères de Dieu et non comme d’humbles distributeurs, comme des douaniers de Dieu, et non comme des serviteurs du troupeau qui leur est confié ».
Loups derrière leur visage angélique
Le pape François a alors fustigé les consacrés « qui abusent des faibles en profitant de leur pouvoir moral et de persuasion. Ils commettent des abominations et continuent à exercer leur ministère comme si de rien n’était; ils ne craignent pas Dieu ni son jugement mais craignent seulement d’être découverts et démasqués. Ministres qui lacèrent le corps de l’Eglise, causant des scandales et discréditant la mission salvifique de l’Eglise et les sacrifices de tant de leurs confrères ».
« Aujourd’hui aussi, a-t-il ajouté, beaucoup de David, sans un battement de paupière, entrent dans le réseau de corruption, trahissent Dieu, ses commandements, leur propre vocation, l’Eglise, le peuple de Dieu et la confiance des petits et de leurs proches. Souvent, derrière leur gentillesse démesurée, leur travail impeccable, leur visage angélique, ils cachent sans vergogne un loup terrible prêt à dévorer les âmes innocentes. »
Pour le pape, « les péchés et les crimes des personnes consacrées se colorent de teintes encore plus sombres d’infidélité, de honte, et ils déforment le visage de l’Eglise en minant sa crédibilité ». Il s’est adressé directement à ceux qui abusent des mineurs : « convertissez-vous et remettez-vous à la justice humaine et préparez-vous à la justice divine. »
Discours à la curie romaine, 21 déc. 2018 @ Vatican Media
Vœux à la Curie : le pape met en garde ceux qui se comportent comme les "douaniers de Dieu"
Et contre les « infidélités » qui mènent à la « perdition »