« Un chrétien ne peut être antisémite », déclare le pape François. « Nos racines sont communes. Ce serait une contradiction de la foi et de la vie. » Le pape souligne, au contraire, « l’importance de l’amitié entre juifs et catholiques », « fondée sur une fraternité qui s’enracine dans l’histoire du salut » et qui « se concrétise dans l’attention réciproque ». Il faut, dit-il, « promouvoir » et « amplifier » le dialogue « au niveau interreligieux, pour le bien de l’humanité ».
Le pape François a reçu en audience une délégation de rabbins du « World Congress of Mountain Jews » du Caucase, ce lundi matin 5 novembre 2018, dans la Salle des Papes du Palais apostolique. Il a rappelé sa rencontre avec la communauté juive en Lituanie, le 23 septembre dernier.
Évoquant les événements dramatiques de la rafle du ghetto de Rome et de la Nuit de Cristal, le pape a affirmé : « Quand on a voulu remplacer le Bon Dieu par l’idolâtrie du pouvoir et l’idéologie de la haine, on en est arrivé à la folie d’exterminer les créatures. C’est pourquoi la liberté religieuse est un suprême bien à protéger, un droit humain fondamental, un rempart contre les prétentions totalitaristes. »
Voici notre traduction du discours en italien prononcé par le pape François.
HG
Discours du pape François
Chers amis,
Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue à tous, délégués du World Congress of Mountain Jews, venus de différents pays. C’est la première fois que des frères juifs appartenant à votre antique tradition se rendent ensemble en visite auprès du pape et c’est aussi la raison pour laquelle la rencontre de ce jour est un motif de joie.
La dernière fois que j’ai rencontré une communauté juive, c’était en Lituanie, le 23 septembre dernier. C’était un jour consacré à la commémoration de la Shoah, soixante-quinze ans après la destruction du ghetto de Vilnius et du massacre de milliers de juifs. J’ai prié devant le monument des victimes de l’holocauste et j’ai demandé au Très-Haut de consoler son peuple. Il est nécessaire de commémorer l’holocauste, pour qu’il reste du passé un mémoire vivante. Sans une mémoire vivante, il n’y aura pas d’avenir parce que, si nous n’apprenons pas des pages les plus noires de l’histoire à ne pas retomber dans les mêmes erreurs, la dignité humaine restera lettre morte.
En pensant à la Shoah, je voudrais encore commémorer deux événements tragiques. Le 16 octobre dernier, on célébrait un autre soixante-quinzième anniversaire dramatique : celui de la rafle du ghetto de Rome. Et dans quelques jours, le 9 novembre, ce sera les quatre-vingts ans de la fameuse « Kristallnacht », lorsque de nombreux lieux de culte juifs furent détruits, dans l’intention de déraciner ce qui est absolument inviolable dans le cœur de l’homme et d’un peuple : la présence du Créateur. Quand on a voulu remplacer le Bon Dieu par l’idolâtrie du pouvoir et l’idéologie de la haine, on en est arrivé à la folie d’exterminer les créatures. C’est pourquoi la liberté religieuse est un suprême bien à protéger, un droit humain fondamental, un rempart contre les prétentions totalitaristes.
Aujourd’hui encore, malheureusement, des comportements antisémites sont présents. Comme je l’ai rappelé plus d’une fois, un chrétien ne peut être antisémite. Nos racines sont communes. Ce serait une contradiction de la foi et de la vie. Ensemble, au contraire, nous sommes appelés à nous engager pour que l’antisémitisme soit banni de la communauté humaine.
J’ai toujours tenu à souligner l’importance de l’amitié entre juifs et catholiques. Fondée sur une fraternité qui s’enracine dans l’histoire du salut, elle se concrétise dans l’attention réciproque. Avec vous, je voudrais rendre grâce au Donateur de tout bien pour le don de notre amitié, élan et moteur du dialogue entre nous. C’est un dialogue que nous sommes appelés, en ces temps, à promouvoir et à amplifier au niveau interreligieux, pour le bien de l’humanité.
À ce sujet, j’ai plaisir à évoquer avec vous la belle rencontre interreligieuse d’il y a deux ans en Azerbaïdjan, où je faisais observer l’harmonie que les religions peuvent créer « à partir des relations personnelles et de la bonne volonté des responsables ». Voilà le chemin. « Dialoguer avec les autres et prier pour tous : voilà les moyens qui sont les nôtres pour transformer les lances en faucilles (Is 2,4), pour faire jaillir l’amour là où il y a la haine et le pardon là où il y a l’offense, pour que nous ne nous lassions pas d’implorer et de parcourir des chemins de paix ». Oui, parce qu’aujourd’hui, « ce n’est pas le temps des solutions violentes et brusques, mais l’heure urgente d’entreprendre des processus patients de réconciliation » (2 octobre 2016). C’est un devoir fondamental auquel nous sommes appelés.
Je demande au Tout-Puissant de bénir notre chemin d’amitié et de confiance, afin que nous vivions toujours dans la paix et, partout où nous nous trouvons, que nous puissions être des artisans et des bâtisseurs de paix. Shalom alekhem !
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat