« Laurent est un homme de notre temps. Grâce à son sacrifice et à celui de tous les martyrs chrétiens, nous avons appris à mettre Dieu à la première place et à ne jamais marchander notre conscience », a souligné le cardinal Giovanni Angelo Becciu, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, en présidant les célébrations à Grosseto (Italie) en l’honneur du diacre martyr, saint patron du chef-lieu et du diocèse, rapporte L’Osservatore Romano en italien du 12 août 2018.
Le cardinal Becciu a insisté sur la nouvelle culture dont le diacre martyr est un protagoniste efficace, dans un contexte d’opulence de la société romaine, qui avait peur d’être déstabilisée par le christianisme, et il a invité la communauté chrétienne aujourd’hui et les institutions à une solidarité « non sélective ».
Voici notre traduction de la synthèse de L’Osservatore Romano en italien (les inter-titres sont de ZENIT):
A l’homélie de la messe, le 10 août au matin, dans la cathédrale de la Maremme, le cardinal a illustré l’exemple de Laurent « plus pertinent que jamais dans notre monde occidental », où l’on voit « s’affirmer de nouvelles dictatures sinon politiques du moins idéologiques, d’une pensée dite unique ». Et de citer les lobbies qui « avec les puissants médias veulent imposer leur credo et ne tolèrent pas d’être contredits sur des sujets vitaux pour l’avenir de l’humanité, tels que les divers aspects éthiques, liés à la vie ». L’exemple de Laurent, a relevé le cardinal italien, « nous rappelle que nous sommes tous appelés à la sainteté » et sa mémoire « nous encourage à prendre au sérieux chaque petit fragment d’humanité que nous sommes appelés à partager avec notre prochain ».
Une nouvelle vague culturelle
Après avoir retracé l’histoire de ce saint du IIIe siècle, le cardinal Becciu s’est demandé ce qu’un jeune homme qui a vécu il y a 1 700 ans avait encore à enseigner aujourd’hui. Il a souligné deux aspects : son dévouement à l’Église, en particulier aux pauvres, et son martyre.
Sur le premier aspect, le préfet a rappelé le rôle que saint Laurent, au service de la communauté chrétienne naissante, exerçait auprès des pauvres, les définissant « les vrais trésors de l’Eglise ». Laurent, a-t-il expliqué, « a senti la centralité du message de Jésus : aller vers les pauvres, les marginalisés, les méprisés ». Et ce faisant, « il est devenu acteur de la nouvelle vague culturelle apportée par les chrétiens qui est sur le point de subvertir les vieux courants de pensée de l’Empire romain. La beauté et les valeurs de l’existence ne sont plus les blasons de la noblesse, la force guerrière, le pouvoir une fin en soi, les plaisirs de la vie, l’abus des faibles. Les nouvelles valeurs sont celles proclamées par l’humble Maître de Nazareth ». Ainsi, Laurent fait sienne la vision de Jésus, et il « le fait d’une manière radicale », souligne le cardinal Becciu. En se dévouant aux marginalisés de l’opulente civilisation romaine, il devient « l’ami des pauvres » qui « aime jusqu’à donner sa vie » pour eux.
Des éléments susceptibles de déstabiliser l’empire
Sur le deuxième aspect de Laurent – le martyre – le cardinal souligne qu’il a eu lieu dans le contexte « presque idyllique de la nouvelle société conçue et construite par les chrétiens où les tensions s’apaisent, la haine disparaît et ce qui était considéré comme la vermine de la communauté civile, comme les esclaves et les mendiants, acquiert une nouvelle dignité ». La persécution déchaînée par le pouvoir romain « reste incompréhensible », a-t-il souligné. « Rome avait pourtant donné l’exemple de la tolérance envers les nouveaux peuples qui se sont fondus dans l’empire et ont garanti la liberté de culte. On a donc du mal à comprendre que le christianisme ait provoqué tant d’hostilité et on se demande quelle étincelle a pu déclencher la fureur de cette persécution ». Comment des jeunes comme Laurent, qui s’occupaient des pauvres et donnaient de la dignité à la ville elle-même en faisant acte de charité, ont pu susciter tant de haine ? ».
Selon le cardinal Becciu, les autorités romaines avaient perçu dans le christianisme « des éléments susceptibles de déstabiliser l’empire ; des principes qui remettraient en question l’autorité impériale ». En effet, a-t-il souligné, « les chrétiens étaient prêts à servir l’empereur en tout, dans le respect des lois et des institutions, en se mettant au service de leurs maîtres et de leur patrie, mais il y avait un point de leur personnalité sur laquelle ils n’étaient pas prêts à céder, au prix même de leur vie : celui de la conscience. Aucune autorité ne pouvait interférer, aucun César n’était autorisé à pénétrer cette sphère ». Les Romains sentaient que « tels principes marqueraient la fin de leur empire ». C’est pourquoi, a conclu le cardinal Becciu, « nous devons encore remercier Laurent et tous les premiers chrétiens qui « ont honoré Dieu et manifesté leur fidélité à l’Evangile », par leur sacrifice, défendant « la primauté de la conscience sur toute autorité terrestre ». En défendant « la distinction entre le sacré et le profane », sans le savoir, ils ont semé « les germes des démocraties modernes où la conscience de chaque citoyen est sacrée et où règne la primauté des droits de la personne contre tout autoritarisme ».
L’espérance, source d’une solidarité non sélective
Auparavant, le jeudi 9 au soir, le cardinal Becciu avait participé à la traditionnelle procession de la statue de Saint Laurent placée sur un char historique peint, tiré par deux bœufs de la Maremme à travers les rues principales du centre-ville, tandis qu’une cloche du XVIe siècle sur le char, sonnait son passage. Les méditations et les témoignages qui accompagnaient la procession étaient centrés sur le thème du travail, reprenant le message de Mgr Rodolfo Cetoloni.
C’est sur ce thème que portaient également les salutations du cardinal Becciu à la fin de la procession, devant une foule de milliers de fidèles. Tout en espérant des « solutions adéquates » aux problèmes de l’emploi, le cardinal a souligné que les pasteurs n’ont pas de réponses techniques à proposer, mais veulent exhorter « les institutions et ceux qui ont des responsabilités dans le domaine social et des possibilités économiques à trouver des perspectives concrètes et des propositions équitables ». Il est également important, a-t-il ajouté, que « face aux urgences sociales » qui jettent « beaucoup de familles et de jeunes dans le désespoir », personne ne perde l’espérance. Car, « l’attitude d’espérance est source de solidarité ».
Source de cette vraie solidarité qui « lutte contre les mauvais germes de l’asocialité, de la fermeture et de l’oppression individualistes, et les pressions qui portent à la décomposition ». Une solidarité « non sélective », mais « ouverte à tous » qui « ne fait pas de distinction entre les personnes ou les nationalités, ne discrimine pas en fonction de la couleur de la peau », mais une solidarité universelle qui « ne dresse pas des murs, mais construit des ponts », pousse « à s’engager pour éliminer les distorsions des structures socio-financières qui favorisent quelques-uns au détriment de la majorité ». Bref, a conclu le préfet, « la solidarité pour les chrétiens n’est pas une simple philanthropie, mais a pour nom la fraternité parce que nous nous reconnaissons tous comme enfants du même Père ».
Avec Anita Bourdin
© Traduction de ZENIT, Océane Le Gall
Le card. Giovanni Angelo Becciu, 16 aoît 2018, capture @ Vatican Media
La conscience! Homélie du card. Becciu pour la Saint-Laurent
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