S’il s’est félicité du contenu du projet du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, et de l’approche « axée sur l’action » adoptée dans celui-ci, Mgr Auza a cependant fait valoir la nécessité d’accorder un traitement « systématique » et « adéquat » aux questions concernant « la traite des personnes et le trafic d’êtres humains » ainsi que « l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services de base ».
Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu au premier tour des négociations intergouvernementales sur le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière : préambule, vision et principes directeurs, à New York, le 20 février 2018.
Quant à la vision commune et aux principes directeurs du Pacte, le nonce apostolique a demandé « une mention plus forte de la nécessité de promouvoir l’éradication de la pauvreté et le développement durable par un investissement soutenu et un engagement financier ». Il a aussi souligné, entre autres, « l’absence de référence à la dimension spirituelle des migrants et à leur droit fondamental à la liberté de religion ».
Voici notre traduction du discours de Mgr Auza.
HG
Discours de Mgr Bernardito Auza
Monsieur le Co-facilitateur,
Le Saint-Siège souhaite réitérer sa profonde gratitude et son appréciation pour tous les efforts que vous et votre équipe avez consacrés à la préparation de l’avant-projet.
Ma délégation estime que le projet constitue une bonne base pour les négociations. Il contient des éléments clés qui, s’ils sont adoptés et mis en œuvre, peuvent rendre la migration plus sûre, plus ordonnée, plus régulière et, finalement, volontaire. La conversation la plus difficile à mener sera de conserver et de mieux formuler ces principes, objectifs, engagements et actions.
Ma délégation est heureuse de voir l’approche « axée sur l’action » adoptée dans le projet, en particulier dans la section des objectifs du cadre de coopération. Nous devons rester déterminés à ce que les États ne choisissent pas simplement parmi ces objectifs et actions, en particulier lorsqu’ils subissent des pressions budgétaires et financières, que ce soit au niveau des États ou du système des Nations Unies.
Ma délégation est impatiente de savoir comment le chevauchement existant entre le Pacte mondial sur la migration et le Pacte mondial sur les réfugiés sera abordé. Si des distinctions juridiques doivent être maintenues entre migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, la question du déplacement forcé et de la protection de ceux qui ne sont pas reconnus comme réfugiés par définition ou par inattention, mais qui se trouvent dans des situations de grande détresse, doit également être traitée de manière adéquate. En outre, des problèmes tels que la traite des personnes et le trafic d’êtres humains, facilités sous couvert de mouvements massifs de population, ainsi que l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux autres services de base, doivent être systématiquement traités dans les deux pactes. Une interaction plus forte au-delà des réunions d’information proposées entre les processus semble être nécessaire pour garantir que les questions d’intérêt commun pour les deux pactes mondiaux sont abordées systématiquement et traitées de manière uniforme.
Alors que ma délégation prévoit de faire des déclarations avec des commentaires, des suggestions et des propositions d’amendements plus spécifiques au cours des différents cycles de négociations, nous aimerions souligner les réactions suivantes au Préambule et à la Vision et aux Principes directeurs.
En ce qui concerne le préambule, nous proposons de séparer la Charte des Nations Unies et les principaux traités et protocoles relatifs aux droits de l’homme des conventions de l’OIT et des divers programmes ou plans d’action, car ils ne partagent pas le même statut juridique ni le même engagement. En outre, ma délégation souhaite suggérer que les principes de la Charte des Nations Unies et des principaux documents relatifs aux droits de l’homme soient considérés comme des « fondamentaux » du Pacte et non simplement que le Pacte « repose » sur eux. Nous demandons également un langage plus ferme en ce qui concerne la relation entre le Pacte et la Déclaration de New York, afin de souligner que nous allons vraiment de l’avant.
En ce qui concerne la vision commune et les principes directeurs :
* Dans la section sur la « compréhension commune », nous nous félicitons de la mention des droits et des devoirs, afin de reconnaître que la migration est un processus à double sens de respect mutuel, d’obligation et de solidarité.
* Dans la section sur les « responsabilités partagées », nous aimerions voir une mention plus forte de la nécessité de promouvoir l’éradication de la pauvreté et le développement durable par un investissement soutenu et un engagement financier.
* Dans la section sur « l’unité de but », nous nous félicitons de l’engagement à « permettre aux personnes de rester dans leur pays dans la sécurité et la dignité » et ajoutons que cet engagement contribue également à garantir que la migration est volontaire.
* Concernant le principe directeur d’une « approche globale de la société », ma délégation souhaite demander l’ajout des « organisations confessionnelles » dans la liste, compte tenu du rôle très fort et de la présence capillaire sur le terrain des réseaux religieux protégeant les migrants et promouvant leur développement humain intégral.
* S’agissant du principe directeur de « souveraineté nationale », ma délégation estime que le libellé pourrait être renforcé, en ce sens que le « droit des États d’exercer souverainement leur juridiction en matière de politique migratoire nationale » ne devrait pas être dissocié de la responsabilité des États de protéger les droits de l’homme, d’assurer une procédure régulière et d’honorer leurs engagements internationaux.
* Enfin, concernant le principe directeur de rendre le Pacte « sensible au genre », ma délégation estime qu’il suffit de parler de la nécessité de mettre l’accent sur l’autonomisation des femmes migrantes en général, car répondre aux « préoccupations de genre » va bien au-delà de la question de la « victimisation ».
Enfin, à ce stade préliminaire, ma délégation tient à souligner l’absence de référence à la dimension spirituelle des migrants et à leur droit fondamental à la liberté de religion.
Monsieur le Co-facilitateur,
Ma délégation reviendra sur ces préoccupations et d’autres du Saint-Siège à des moments opportuns au cours des négociations.
Merci, Monsieur le Co-facilitateur.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat