Rencontre avec le clergé de Rome © L'Osservatore Romano

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La crise de milieu de vie des prêtres, recommandations du pape

Méditation pour le clergé de Rome (2)

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Chercher de l’aide « tout de suite », « démasquer » les tentations de « double vie » et des « incartades »… ce sont les conseils que le pape a donnés aux prêtres pour la crise du milieu de vie : un « temps de nombreuses tentations » qui exige « une nécessaire transformation, a-t-il dit lors de sa rencontre de carême avec les prêtres du diocèse de Rome, le 15 février 2018.
Dans la Basilique Saint Jean-du-Latran, le pape a médité sur les différents âges de la vie sacerdotale. Voici notre traduction de la deuxième partie de ce discours, où le pape a souligné qu’en milieu de vie, le prêtre ne vit plus « ces premiers sentiments… il y a aussi d’autres motivations, pas les mêmes… Les choses se sont calmées, c’est différent ».
Le milieu de vie « est le temps de l’élagage », a souligné le pape : « ils grandissent, j’aide et je reste en arrière. En aidant à grandir, mais ce sont eux qui grandissent ».
AK
Méditation du pape François (2)

Passons à la deuxième question : « Pour un prêtre, l’âge qui va des 40 aux 50 ans environ est décisif. Les perfectionnismes moraux tombent, on est conscient, expérimentalement, que l’on est pécheur – et c’est très bon, à cet âge-là. Beaucoup d’idéaux apostoliques sont ramenés à leur juste dimension, le soutien de la famille d’origine s’affaiblit, les parents tombent malades, souvent aussi la santé commence à donner quelques problèmes. Ce serait un temps propice pour choisir le Seigneur mais souvent nous n’avons pas les instruments pour réorienter la crise du milieu de la vie – telle qu’on l’appelle – vers une élection joyeuse et définitive. Le super-travail – parfois suicidaire – le supertravail dispersif nous a déshabitué à prendre soin de nous précisément au moment où ce serait le plus nécessaire. Père, pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ? Comment se préparer à cette étape de la vie. Quelles sont les aides indispensables ? »

Eh le démon de midi ! (en français dans le texte, ndlr) Le démon de midi… Nous, en Argentine, nous l’appelons « el cuarentazo ». À quarante, entre quarante et cinquante, cela t’arrive… C’est une réalité. J’ai entendu dire que certains l’appellent « maintenant ou jamais plus ». On repense à tout et [on dit] : « ou maintenant ou jamais plus ». Il y a deux écrits que je connais – il y en a beaucoup de beaux, des Pères du désert, dans la Philocalie, vous trouverez beaucoup de choses à ce sujet – il y a un livre moderne, plus proche de nous, en particulier dans le dialogue avec la psychologie, de ce moine psychologue autrichien, Anselm Grün : « La crise du milieu de vie », il peut aider. C’est un dialogue psychologico-spirituel sur cette période. Et il y a un autre écrit que, celui-là oui, je voudrais que vous lisiez tous : « Le second appel », du père René Voillaume. Ce serait beau de l’offrir, d’une manière ou d’une autre, aux prêtres. Il fait une belle exégèse de la vocation de Pierre, la dernière, à Tibériade : le Pierre du second appel. De même que le Seigneur nous a appelés la première fois, il nous appelle continuellement, mais fortement la première fois ; puis il nous accompagne en nous appelant tous les jours, mais à un certain moment de la vie, cela devient un second appel fort. C’est le temps de nombreuses tentations ; c’est un moment où il faut une nécessaire transformation. On ne peut pas continuer sans cette nécessaire transformation, parce que si tu continues ainsi, sans mûrir, à faire un pas en avant dans cette crise, tu finiras mal. Tu finiras dans une double vie, peut-être, ou en quittant tout. Il faut cette nécessaire transformation. Il n’y a plus ces premiers sentiments : « ils sont loin, je ne les sens pas comme ceux que j’avais quand j’étais jeune, de suivre le Seigneur, l’enthousiasme… » ; ils ne sont plus là, il y a d’autres sentiments. Il y a aussi d’autres motivations, pas les mêmes. Et il arrive – parce que c’est un problème humain – il arrive comme dans le mariage : il n’y a plus le sentiment amoureux, le début de l’amour, dans l’émotion de la jeunesse… Les choses se sont calmées, c’est différent. Mais il reste, cela oui, quelque chose que nous devons chercher à l’intérieur : le goût de l’appartenance. Cela demeure. Le plaisir d’être avec un corps, de partager, de cheminer, de lutter ensemble : dans le mariage, et aussi pour nous. L’appartenance. Où en est mon appartenance à mon diocèse, à mon presbyterium ?… Cela demeure. Et nous devons être forts à ce moment pour faire un pas en avant. Comme pour les époux : ils ont perdu tout ce qui appartenait à la jeunesse mais le goût de l’appartenance conjugale, cela demeure. Et là, que fait-on ? Chercher de l’aide, tout de suite. Si tu n’as pas un homme prudent, un homme de discernement, un sage pour t’accompagner, cherche-le, parce qu’il est dangereux d’avancer tout seul, à cet âge. Beaucoup ont mal fini. Cherche tout de suite de l’aide. Et puis, avec le Seigneur : dire la vérité, que tu es un peu déçu parce que cet enthousiasme a disparu… Mais il y a la prière de don de soi : se donner au Seigneur, une manière différente de prier, le don de soi. C’est un moment rude, un moment rude, mais c’est un moment libérateur : ce qui est passé est passé ; maintenant il y a un autre âge, un autre moment de ma vie sacerdotale. Et avec mon guide spirituel, je dois avancer. Le temps qui reste, de vie, doit être mieux vécu, pour un meilleur don de soi. C’est le temps des enfants – j’aime bien le dire de cette façon – de voir grandir les enfants. Le temps d’aider la paroisse, l’Église, à grandir, c’est le temps de la croissance, des enfants. Il est temps que je commence à diminuer. Le temps de la fécondité, la vraie fécondité, non la fécondité feinte. C’est le temps de l’élagage : ils grandissent, j’aide et je reste en arrière. En aidant à grandir, mais ce sont eux qui grandissent. Et il y a de mauvaises tentations pendant cette période. Des tentations que l’on n’aurait jamais pensé avoir auparavant. Il ne faut pas en avoir honte. Mais il faut tout de suite les démasquer. Et c’est le temps des incartades : quand le prêtre commence à faire des incartades. C’est le germe de la double vie. Il faut tout de suite les prendre, y compris avec un certain sens de l’humour : « Regarde, moi qui avais cru que j’avais totalement donné ma vie au Seigneur mais regarde, à quoi je ressemble ! »  J’ai dit que c’est le temps de la fécondité. Quelle est la figure qui me vient à l’esprit ? Incartades, double vie… Mais ce qui me vient davantage à l’esprit, en la prenant dans la famille, pour décrire le prêtre qui ne parvient pas à dépasser cela, à mûrir pendant cette période, c’est la figure de « l’oncle vieux garçon ». Ils sont gentils, les oncles vieux garçons parce que – je m’en souviens – j’en avais deux, ils nous enseignaient des gros mots, ils nous donnaient des cigarettes en cachette, toujours… Mais ils n’étaient pas pères ! Ils n’étaient pas pères. C’est le temps de la fécondité : avec le sacrifice, avec l’amour, c’est une belle période, celle-ci. C’est une période… c’est le second acte de la vie. Le premier acte est celui de la jeunesse, mais il te conduit vers la fin. Ne perdez pas cette opportunité de mûrir pendant ce temps d’élagage, d’épreuves, de tentations diverses… Le temps de la fécondité. Il se peut aussi que viennent, en cette période – parce que le diable est malin – des tentations de la première jeunesse, mais elles viennent isolées. Ne pas s’en effrayer. « Mais regarde, à mon âge, Père… – Eh oui, mon fils. Avance ! ». On a honte, mais c’est propre à cette période, remercions le Seigneur qui nous donne d’avoir un peu honte. Mais ne pas en rester là ! Non, c’est une circonstance, le fil qui va de l’autre côté : l’élagage, la fécondité et le temps de conserver le bon vin, pour qu’il vieillisse bien. Et je dirais aussi que c’est le temps du premier adieu, le temps où le prêtre se rend compte qu’un jour il dira définitivement adieu. Et c’est le temps du premier adieu. Pendant cette période, on doit dire beaucoup d’ « adieu » : « Au revoir, je ne te verrai plus ». Cela ne se reproduira plus, cette situation, cette façon de sentir les choses, je ne les aurai plus. Adieu à cette partie de la vie, pour en commencer une autre. Et ainsi nous apprenons à prendre congé. Il me vient à l’esprit, et cela fait rire, parce que j’ai fait un Motu proprio ces jours-ci qui commence par ces mots : « Apprendre à partir ». C’est pour ceux qui, à 75 ans, doivent donner leur démission. Mais c’est le temps pour apprendre à prendre congé, parce qu’un jour nous devrons le faire. C’est une science, une sagesse qu’il fait apprendre avec le temps, qui ne s’improvise pas.

Voilà ce que je dirais, ainsi, de manière un peu désordonnée, sur cette seconde question du « démon de midi ». Mais cherchez à lire le père Voillaume : « Le second appel » ; l’autre aussi, de Grün, est bon, mais Voillaume est un classique. C’est curieux, Voillaume est un auteur spirituel qui est devenu un classique pendant sa vie, un des rares qui était un classique, il est mort très âgé, mais c’était un classique quand il était encore en vie.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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