Cardinal Baldisseri au milieu des jeunes © taize.fr

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Synode 2018: le pape veut impliquer tous les jeunes, sans exclusion

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Homélie du cardinal Baldisseri à l’Université du Sacré-Coeur

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« Chers jeunes, le pape vous porte tellement dans son cœur qu’il a voulu vous consacrer un synode… Le pape François veut impliquer tous les jeunes, sans exclusion », a affirmé le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, le 15 novembre 2017, en inaugurant l’année académique de l’Université du Sacré-Coeur à Rome.
Au cours d’une messe, le cardinal a encouragé les jeunes étudiants à investir « sur la sagesse du cœur tout autant que sur l’effort intellectuel » : « Alimentez la sagesse aux sources de la prière, de la liturgie, du dialogue sincère et de la confrontation loyale, même avec ceux qui ne pensent pas comme vous. »
Voici notre traduction intégrale de l’homélie qu’il a prononcée.
AK
Homélie du cardinal Baldisseri
Excellences, chers professeurs, étudiants, amis
« Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. !» (Lc 17, 11-19).
Ce sont les paroles de Jésus que l’évangile de cette liturgie eucharistique soumet à notre réflexion, à l’attention en particulier de tous ceux – professeurs et étudiants – qui s’apprêtent à se lancer solennellement dans l’aventure et le labeur d’une nouvelle année académique en cette prestigieuse université catholique du Sacré-Cœur.
Je souhaite vivement remercier le recteur, le professeur Franco Anelli, et l’assistant ecclésiastique général, Mgr Claudio Giuliodori, de m’avoir invité à présider cette Eucharistie. Toutes mes salutations également vont aux autorités ici présentes, au corps enseignant, au personnel médical et paramédical, aux collaborateurs et auxiliaires des deux facultés universitaires et de la policlinique « Agostino Gemelli », ainsi quà tous les étudiants de l’université.
Chères étudiantes et chers étudiants,
Vous venez de différentes régions d’Italie mais aussi de l’étranger. Je voudrais vous dire que c’est un don que de pouvoir vous former dans un centre universitaire et un pôle hospitalier d’excellence, comme celui dans lequel nous voici aujourd’hui réunis. L’université catholique, comme on le sait, a été fondée à Milan, il y a presque un siècle, à l’initiative d’esprits éclairés et généreux : le professeur Giuseppe Toniolo, décédé en 1918, et le père Agostino Gemelli, qui en hérita et poursuivit son œuvre avec détermination avec un groupe d’éminents chercheurs chrétiens. De Milan, le projet de formation de l’université s‘est peu à peu étendu à d’autres villes d’Italie, grâce à l’ouverture de sièges académiques à Brescia, Cremone, Piacenza et Rome.
Cette université, de par son nom déjà, témoigne de l’inspiration chrétienne qui la constitue. Celle-ci a vu le jour tout de suite après la guerre, une période difficile. Ses fondateurs étaient convaincus qu’une alliance entre les valeurs du catholicisme d’un côté et la science, l’art et la culture, de l’autre, était possible, voire nécessaire.
Cet héritage fondamental des débuts, ensuite corroboré par tant de noms prestigieux et d’illustres figures de la science et du savoir humain, exige un engagement et des efforts dans tous les domaines de la part des professeurs, mais surtout de votre part à vous, étudiants, que nous voudrions passionnés et diligents, de manière à pouvoir devenir demain, dans l’Eglise et dans la société, des professionnels honnêtes et compétents, prêtant généreusement service auprès des femmes et des hommes de notre temps.
Comme vous le savez, chers jeunes, le pape vous porte tellement dans son cœur qu’il a voulu vous consacrer un synode, qui aura lieu en octobre prochain. Le thème est le suivant : « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Le pape François veut impliquer tous les jeunes, sans exclusion. Vous aussi, universitaires de l’université catholique, vous êtes invités à participer à ce synode, vous êtes appelés à apporter votre contribution, à partir précisément de l’observatoire privilégié de cette université, qui entretient depuis toujours des relations privilégies avec le successeur de Pierre.
Passant aux liturgies bibliques, nous voyons que les passages écoutés offrent de précieuses indications de réflexion pour la vie de cette université. Dans la première lecture, tirée du livre de la Sagesse, nous trouvons une invitation aux rois de la terre : une invitation à se souvenir que toute autorité provient de Dieu, le Très-Haut, et que c’est à Lui qu’il faut rendre compte. Le puissant, qui oublie les petits et s’abandonne au favoritisme, doit avoir à l’esprit que le Seigneur prend soin de tous pareillement et jugera les dominateurs de manière implacable.
Ce centre académique a pour ambition et, dans un certain sens, pour vocation de former la classe dirigeante de demain. Du reste, déjà beaucoup anciens élèves de la Cattolica ont été appelés à recouvrir d’importantes et délicates charges dans l’administration publique et dans l’entrepreunariat, dans le monde de la politique et dans les institutions les plus variées. Cette vocation doit interpeller tout le monde, professeurs chercheurs, mais surtout les étudiants universitaires. Comme je voudrais que les attentes de l’Eglise et de la société civile ne soient pas éludées. Aujourd’hui plus que par le passé, on a besoin d’hommes et de femmes compétents, désintéressés et courageux, capables de servir avec dévouement la res publica.
Il se peut que la crise des institutions, qui est sous nos yeux et alimente chaque jour la désaffection, la défiance et la protestation, puisse être surmontée qu’avec l’avènement d’une nouvelle classe dirigeante : nouvelle non seulement d’un point de vue civil, mais surtout dans la mentalité, dans les valeurs et dans les aspirations. Le document préparatoire de la prochaine assemblée synodale fait lui aussi référence à cela, relevant que les jeunes d’aujourd’hui, à la différence de la génération qui les a précédés, regardent désormais avec déception et détachement les institutions. Les nouvelles générations peuvent cependant, et elles le doivent, devenir des levains pour le changement. Nous lisons notamment dans ce document:
« Il est significatif que les jeunes précisément – souvent enfermés dans le stéréotype de la passivité et de l’inexpérience – proposent et pratiquent des alternatives qui manifestent ce que le monde ou l’Église pourrait être. Si, dans la société ou dans la communauté chrétienne, nous voulons que quelque chose de nouveau se produise, nous devons laisser de la place à l’action de nouvelles personnes » (I, 3).
La première lecture, toujours, nous parle de sagesse. Le Seigneur affirme en effet : « C’est donc pour vous, souverains, que je parle, afin que vous appreniez la sagesse et que vous évitiez la chute ». La sagesse qui, dans la tradition chrétienne suivante deviendra le premier des dons de l’Esprit Saint, est une vertu du cœur avant même d’être celle de l’esprit. La sagesse du cœur, paradoxalement, peut abonder chez le pauvres et l’analphabète et manquer chez le scientifique et le pluri-diplômé. Etant un don qui vient de Dieu, elle ne s’apprend pas sur les bancs de l’école, et n’est pas non plus le fruit de lectures érudites, mais demande foi, humilité, prière, silence, amour. On l’acquiert au contact de Dieu, qui est le Sage par excellence, et au contact des hommes, en apprenant à les regarder non pour leur apparence, mais pour ce qu’ils sont, non pour la considération que le monde leur porte, mais pour celle que Dieu leur porte.
Très chers enseignants et étudiants, tous nous devons constamment nous mettre à l’école de la sagesse de Dieu. A notre époque, les professionnels sont toujours plus nombreux, car les études supérieures devienent heureusement accessibles à un nombre de plus en plus élevé de sujets. Par contre, les sages sont apparemment de moins en moins nombreux. Ce constat le pape François le fait aussi dans l’encyclique Laudato si’, l’attribuant à l’omniprésence des nouvelles technologies du monde digital :
« [Les médias et le monde numérique], en devenant omniprésents, ne favorisent pas le développement d’une capacité de vivre avec sagesse, de penser en profondeur, d’aimer avec générosité. Les grands sages du passé, dans ce contexte, auraient couru le risque de voir s’éteindre leur sagesse au milieu du bruit de l’information qui devient divertissement. Cela exige de nous un effort pour que ces moyens de communication se traduisent par un nouveau développement culturel de l’humanité, et non par une détérioration de sa richesse la plus profonde. La vraie sagesse, fruit de la réflexion, du dialogue et de la rencontre généreuse entre les personnes, ne s’obtient pas par une pure accumulation de données qui finissent par saturer et obnubiler, comme une espèce de pollution mentale » (n. 47).
Très chers jeunes, pendant ces années enthousiasmantes de votre formation académique, des années pleines de rêves et d’espérances, investissez sur la sagesse du cœur tout autant que sur l’effort intellectuel. Alimentez la sagesse aux sources de la prière, de la liturgie, du dialogue sincère et de la confrontation loyale, même avec ceux qui ne pensent pas comme vous. Adressez-vous avec confiance à vos aumôniers et à vos professeurs, demandez aux adultes d’être pour vous des guides et un exemple.
Le passage de l’évangile que nous venons d’écouter nous offre lui aussi de bons éléments de réflexion. C’est le récit de la guérison de dix lépreux que Jésus rencontre tandis qu’il marche vers Jérusalem, à travers la Samarie et la Galilée. Un d’eux seulement, un Samaritain, autrement dit un étranger et adversaire politique et religieux, reviendra lui rendre grâce après le miracle opéré.
Les lépreux, qui se sont arrêtés à distance, car impurs selon la loi juive, crient à Jésus pour se faire entendre : « Jésus, maître, prends pitié de nous !». Le mot Maître est un titre christologique qui revient près de cinquante fois dans le Nouveau Testament, quasiment exclusivement à l’intérieur des Evangiles. Il est dans la bouche des disciples, des foules, des pharisiens et des docteurs de la loi. Tous reconnaissent en Jésus de Nazareth la présence d’un magistère digne d’autorité, bien supérieur à celui des scribes. Jésus est un maître parce qu’il n’enseigne pas en parlant comme un livre, ni en étalant une vaine érudition : il explique la vie et ses expériences fondamentales, ouvrant les oreilles de son auditoire au mystère à la fois de Dieu et de l’homme.
Il me semble qu’on trouve ici une invitation qui s’adresse avant tout à tous ceux qui, à l’école et à l’université, sont appelés à la difficile mais essentielle mission de l’enseignement. Nous devrions tous nous rappeler que l’on ne peut être de bons professeurs qu’en étant d’abord de bons maîtres. Nul ne peut bien enseigner une quelconque discipline, sans s’engager d’abord à transmettre par l’exemple les valeurs humaines et chrétiennes, qui précèdent les spécialisations du savoir et sont à la base de vraie sagesse. Ici aussi, à l’université catholique, on a besoin de vrais maitres, sur le modèle de Jésus maître de l’humanité : des maîtres du respect réciproque, de la coexistence pacifique, de l’esprit de sacrifice, de la passion pour la vérité, du courage prophétique, de la charité concrète. C’est de ce magistère que nos jeunes, souvent confus face aux messages illusoires de la société, ont surtout besoin.
Chers amis, nous voici au début d’une nouvelle année académique. Je souhaite invoquer sur vous tous – Autorités académiques, professeurs, médecins et personnel du corps paramédical, personnel et assistants, étudiantes et étudiants de cette université catholique – l’abondance des bénédictions de Dieu, pour que le Seigneur Jésus, dont vous vénéré tout spécialement le Sacré Cœur, vous aide à être dans l’Eglise et dans le monde des témoins de l’évangile incarné dans les plaies de l’humain pour le bien de la société.
Ainsi soit-il !
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Océane Le Gall

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