Du Brexit aux autonomies, des changements climatiques à la crise migratoire : le cardinal Marx attend du congrès de Rome sur l’Europe, à l’occasion du 60e anniversaire des traités de Rome, un « encouragement » et une créativité nouvelle pour l’avenir du « projet Europe ».
Le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising (Allemagne) et président de la COMECE, membre du “C9”, et Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats, ont présenté ce vendredi matin, 27 octobre 2017, au Vatican, le congrès “(Re)penser l’Europe: contributions chrétiennes à l’avenir du projet européen” qui se déroulera à Rome (27-29 octobre 2017) et dont les participants seront reçus demain, samedi 28 octobre, par le pape François.
Après son exposé (traduction de ZENIT, Hélène Ginabat), le cardinal allemand a répondu aux questions de la presse, en particulier sur le « Brexit ».
Cinquième discours du pape François sur l’Europe
Le cardinal Marx a souligné ce que les participants attendaient du pape François : « Nous espérons du pape François un encouragement et un soutien pour poursuivre ce dialogue le regard tourné vers l’avenir de l’Europe (et de l’Union européenne). Pour rester sur une comparaison utilisée par le pape François : dans son premier discours sur l’Europe devant le Parlement européen, il a présenté l’Europe comme une « grand-mère » fatiguée et épuisée. Comment pouvons-nous contribuer à faire en sorte que cette « grand-mère » épuisée, qui est une personne aimable malgré les rides de son âge, ne se limite pas à surveiller et à défendre uniquement ce qu’elle a atteint, mais qu’elle remette aux générations suivantes la richesse de ses expériences et les encourage à entreprendre avec confiance leur chemin vers l’avenir ? Nous apprécions beaucoup le fait que le pape François donnera déjà son cinquième discours sur l’Europe et l’Union européenne. Jusqu’à maintenant, tous ses discours ont donné des points de réflexion considérables, qui nous guident dans notre travail à la COMECE et offrent à l’Europe, dans l’ensemble, des paroles d’espérance et d’encouragement. »
Il a fait observer que les défis ne manquent pas, des changements climatiques à la crise migratoire et il a déploré la « technocratie » : « L’Union européenne, et toute l’Europe, se trouve à devoir affronter de grands défis (qui ne sont pas limités uniquement à l’Europe) devant lesquelles les citoyens attendent des hommes politiques et de la politique, sinon des réponses définitives, du moins des objectifs et des perspectives clairs. J’énumèrerai seulement quelques-uns de ces défis :
– les changements climatiques et la nécessité qui en découle de changer à moyen terme notre style de vie non durable. Est aussi lié à ceux-ci le problème des coûts du changement écologique et de leur distribution.
– l’augmentation des changements dans le monde du travail à travers la numérisation, l’emploi de la technologie robotique, les relations de travail précaires et surtout le haut niveau de chômage des jeunes dans chaque pays. La question fondamentale de la valeur du travail et de la dignité de l’homme est liée à cela.
– les mouvements de fuite et de migration qui ont émergé dans la fameuse « crise des réfugiés ». Les hommes cherchent la sécurité et un refuge de la guerre et de la terreur, ils sont à la recherche de meilleures conditions de vie et de meilleures possibilités que dans leur patrie, qui semble ne leur offrir aucune perspective. Les causes de ces mouvements migratoires sont multiples et à chercher, entre autres, aussi en Europe, dans notre style de vie qui est souvent aux dépens des autres. Solutions et réponses durables exigent un examen approfondi. »
Faire revivre le « projet Europe »
Il a appelé de ses vœux non pas la nostalgie du passé pas un vrai projet pour l’avenir du continent : « Devant ces grands défis, on peut reconnaître une tendance à chercher les réponses dans l’hier, dans un retour mal compris aux solutions éprouvées, qui n’est souvent qu’une nostalgie et une transfiguration romantique du passé. En sont aussi l’expression les courants populistes et tournés vers l’arrière. Mais là n’est pas notre perspective : notre regard n’est pas un regard rétrospectif qui embellit la réalité, mais un regard lucide sur notre présent et surtout sur l’avenir. C’est pourquoi, la devise de notre dialogue est « (Re)penser l’Europe ». »
Il a fait observer les grandes réalisations du continent : « L’Union européenne, le « Projet Europe », a obtenu de grands résultats : au long de plus de soixante années, il a contribué de manière fondamentale à créer la paix, la solidarité, la croissance et le progrès en Europe. Dans le même temps, de nombreux citoyens de l’Union européenne ont développé un comportement détaché : l’Union européenne semble de plus en plus technocratique ; d’un côté, les citoyens attendent tout de « Bruxelles » (en consommateurs) et sont déçus s’ils ne l’obtiennent pas. De l’autre, souvent ils n’attendent absolument rien, mais en même temps, ils ne sont pas disposés à faire de ce « Projet Europe » « leur projet ». »
Le cardinal Marx a aussi posé des jalons pour une participation de l’Eglise à la créativité en vue de cet avenir du continent : « Devant ces défis et les situations compliquées, se pose ce problème : comment l’Église peut-elle contribuer à trouver des réponses et que peut-elle faire ? Nous n’avons pas de réponses et de solutions toute prêtes, et d’ailleurs, nous ne faisons pas de politique concrète. Mais nous considérons qu’il est nécessaire que les citoyens de l’Union européenne, avec leurs différentes expériences, leurs différentes expectatives et avec leurs capacités riches et différentes, soient mis de nouveau au centre du « Projet Europe » et en mesure de pouvoir être acteurs. »
Voilà, dit-il, l’un des objectifs du congrès de Rome : « C’est aussi le contenu et le but de cette rencontre à Rome : nous voulons relancer le dialogue entre hommes politiques et représentants de l’Église, de même qu’entre représentants des organismes sociaux, sur l’Europe et l’Union européenne, sur les attentes, les espérances, mais aussi sur les déceptions. La question principale est la suivante : que pouvons-nous et voulons-nous faire pour vivre ensemble dans cette Europe et pour faire vivre le Projet Europe ? »
Un vrai dialogue
Il a aussi souligné la méthode innovante adoptée pour ce « congrès », en suivant les indications récentes du pape François : « C’est pourquoi cette manifestation n’est pas le « congrès classique », mais comme un dialogue ; après une discussion d’introduction sur les thèmes énumérés par le pape François dans son discours tenu à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne :
– « Intégration » (avec les fractures et les déchirures dans et entre les États membres de l’UE) ;
– « Dialogue » et état des nos démocraties occidentales ;
– « Capacité de générer » (de quelle forme de modèles économiques aurons-nous besoin à l’avenir)
nous continuerons le débat en petits groupes pour entendre le plus grand nombre possible d’interventions et avoir la participation active de tout le monde. »
« Ces analyses, idées, propositions sont rassemblées et discutées plus tard. Cette rencontre à Rome n’est pas la conclusion d’un processus de réflexion et de discussion sur l’Europe et l’Union européenne, mais un début : nous poursuivrons la discussion dans le cadre de la COMECE et dans l’Assemblée générale, de même que nous continuerons d’intensifier encore le dialogue à différents niveaux – entre l’Église (la COMECE) et la politique (européenne) », a conclu le cardinal Marx.
L’importance des religions au XXIe siècle
Au cours des échanges avec la presse, le cardinal Marx a tout d’abord combattu une idée reçue sur la place des religions: « Beaucoup annonçaient naguère disparition de la religion ce n’est pas le cas: la religion est importante pour le 21e s. »
Il a souligné l’importance dans ce contexte du dialogue des religions : « On doit essayer de dialoguer avec toutes les religions, spécialement l’islam », à chaque fois que cela est possible, et il a cité en exemple le dialogue des religions en Albanie, au cœur de l’Europe. Il a dit sa confiance dans la capacité de l’Eglise ) Importance de l’Eglise pour trouver des «voies de dialogue».
Il a invité à élargir le point de vue des catholiques : « Quand on m’interroge sur l’avenir de la paroisse, j’invite à penser à l’avenir de l’humanité. »
Du Brexit aux autonomies
Interrogé sur le « Brexit » le cardinal allemand a souligné que le thème a été au cœur des discussions des évêques européens de la COMECE, qui comprend des évêques d’Irlande et du Royaume Uni, pour essayer d’abord de « comprendre » comment cela était arrivé et pourquoi : « Quand vous avez l’expérience de la croissance» de l’Europe et qu’ « un membre important quitte », «ce n’est pas facile à comprendre», a reconnu l’archevêque. Il a reconnu qu’il en éprouvait de la tristesse, mais qu’il s’interrogeait maintenant sur « l’avenir » : le Royaume Uni ne sera plus « membre» de l’Union européenne, mais on reste « amis » et c’est une occasion, un « encouragement à repenser l’Europe » dont le pays fait toujours partie : « le Royaume Uni quitte l’Union, pas l’Europe, et n’abandonne pas forcément tous les éléments du projet européen ».
Interrogé sur la question de « l’identité » le cardinal Marx a répondu sur l’identité allemande, exprimant ses doutes sur le sens et la définition d’identité pour un pays de 80 millions d’habitants qui de fait rassemble depuis toujours des cultures différentes du Nord au Sud par exemple, et il a fait observer qu’une culture par exemple n’est pas « statique » mais une réalité « vivante », « en acte », en « développement ».
En réponse à une question sur les autonomies revendiquées – quoi que de façon différente – par la Catalogne, la Lombardie et la Vénétie, le cardinal a évoqué le modèle fédéral allemand qui laisse de l’autonomie aux régions. Il a rappelé l’importance du principe de « subsidiarité » soulignant qu’il faut avoir un souci de l’ « équilibre », ce qui impose de poser d’une nouvelle façon la question de l’Europe, pour « organiser ses différentes traditions et langues » et penser une démocratie qui permette la « participation ».
Participants de l’Europe et de France
Parmi les participants, Radio Vatican annonce le vice-président de la Commission Européenne Frans Timmermans, le président du parlement européen Antonio Tajani qui dialoguer avec l’Eglise des différents pays d’Europe.
Du côté des interlocuteurs français sont attendus l’ancienne député européenne et ministre des armées Sylvie Goulard, Joseph Daul, président du parti populaire européen ou Sébastien Maillard, secrétaire-général de la fondation Jacques Delors.
Mgr Georges Pontier, président de la conférence des évêques de France, le métropolite orthodoxe Emmanuel, vice-Président de la Conférence des Eglises Européennes et Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, sont présents parmi les voix religieuses.
Mgr Gallagher, le card. Marx et Greg Burke, capture CTV
Repenser l’Europe: du Brexit aux autonomies, les défis, par le card. Marx
Congrès sur la contribution des chrétiens au projet Europe