Saint Vincent de Paul, messe à Sainte-Marthe © L'Osservatore Romano

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Comme S. Vincent de Paul, investir dans la créativité de l’amour (traduction intégrale)

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Message du pape pour le Jubilé 2017

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Pour le pape François, saint Vincent de Paul « parle encore aujourd’hui à chacun de nous et à nous en tant qu’Église » et son témoignage invite à « investir dans la créativité de l’amour, avec l’authenticité d’un “cœur qui voit” »: « la charité ne se contente pas des bonnes habitudes du passé mais sait transformer le présent ».
Le message du pape à la Famille vincentienne à l’occasion du 400ème anniversaire du charisme (1617-2017), est publié par le Saint-Siège  ce mercredi 27 septembre 2017 où l’Église fait mémoire de saint Vincent de Paul (+ en 1660).
Le pape a souligné « la valeur et l’actualité de saint Vincent de Paul » ainsi que « son intuition prophétique qui consistait à valoriser les extraordinaires capacités féminines ».
« Vous n’apporterez cette même fraîcheur de la source qu’en tournant votre regard vers le roc d’où tout a jailli. Ce roc est Jésus pauvre, qui demande d’être reconnu dans celui qui est pauvre et sans voix », a écrit le pape. Et vous, a-t-il poursuivi, « vous êtes à votre tour appelés à être des rocs », « des points d’appui surs, fermes face aux intempéries, résistants devant l’adversité »
Le pape a enfin souhaité, pour la Famille vincentienne, « la joie de sortir de soi et d’aller dans le monde, sans nostalgie du passé, mais avec une confiance bien établie en Dieu, créatifs face aux défis d’aujourd’hui et de demain parce que, comme le disait saint Vincent, “l’amour est créatif à l’infini”.
Voici notre traduction, de l’italien, du message du pape François.
HG
Message du pape François
Chers frères et sœurs,
En la fête du quatrième centenaire du charisme qui a donné vie à votre Famille, je voudrais vous rejoindre par quelques mots de gratitude et d’encouragement et souligner la valeur et l’actualité de saint Vincent de Paul.
Il a toujours vécu en chemin, ouvert à la recherche de Dieu et de soi. Dans cette recherche constante, s’est insérée l’action de la grâce : en tant que pasteur, il fit une rencontre avec Jésus Bon Pasteur dans la personne des pauvres. Cela s’est produit, de manière particulière, quand il s’est laissé toucher par le regard d’un homme assoiffé de miséricorde et par les visages d’une famille qui manquait de tout. Il a perçu là le regard de Jésus qui le secouait, l’invitant à ne plus vivre pour lui-même mais à le servir sans réserves dans les pauvres, que saint Vincent appellera ensuite « seigneurs et maîtres »  (Correspondance, entretiens, documents, XI, 393). Sa vie s’est ainsi transformée en un temps de service jusqu’à son dernier souffle. Une parole de l’Écriture lui avait donné le sens de sa mission : « Le Seigneur m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres » (cf. Lc 4,18).
Enflammé du désir de faire connaître Jésus aux pauvres, il se consacra intensément à l’annonce, spécialement à travers les missions populaires et en soignant de manière particulière la formation des prêtres. Il appliquait avec naturel une « petite méthode » : parler avant tout par la vie et puis avec grande simplicité, de manière familière et directe. L’Esprit fit de lui un instrument qui suscita un élan de générosité dans l’Église. Inspiré par les chrétiens des origines, qui avaient « un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32), saint Vincent fonda les « charités » pour que l’on prenne soin des plus nécessiteux en vivant la communion et en mettant joyeusement ses propres biens à disposition, dans la certitude que Jésus et les pauvres sont le trésor précieux et que, comme il aimait le répéter, « quand tu vas voir les pauvres, tu rencontres Jésus ».
Cette « graine de moutarde », semée en 1617, a fait germer les Congrégations de la Mission et la Compagnie des Filles de la Charité, a créé des ramifications dans des instituts et associations et elle est devenue un grand arbre (cf. Mc 4,31-32) : votre Famille. Mais tout a commencé par cette graine de moutarde : saint Vincent n’a jamais voulu être un protagoniste ou un pionnier, mais une « petite graine ». Il était convaincu que l’humilité, la douceur et la simplicité sont des conditions essentielles pour incarner la loi de la graine qui donne la vie en mourant (cf. Jn 12,20-26), cette loi qui, seule, rend la vie chrétienne féconde, cette loi par laquelle on reçoit en donnant, on se trouve en se perdant et on resplendit quand on n’apparaît pas. Et il était aussi convaincu que tout cela ne peut se faire seul mais ensemble, dans l’Église, dans le peuple de Dieu. J’aime à cet égard rappeler son intuition prophétique qui consistait à valoriser les extraordinaires capacités féminines qui affleuraient dans la finesse spirituelle et dans la sensibilité humaine de sainte Louise de Marillac.
« Tout ce que vous avez fait à un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), dit le Seigneur. Au cœur de la Famille vincentienne, il y a la recherche des « plus misérables et abandonnés », dans la conscience radicale que l’on n’est pas « digne de leur prêter nos humbles services » (Correspondance, entretiens, documents, XI, 392). Je souhaite que cette année de remerciement à l’intention du Seigneur et d’approfondissement du charisme soit pour vous l’occasion de vous désaltérer à la source pour vous rafraîchir aux sources de l’esprit d’origine. N’oubliez pas que les sources de grâces auxquelles vous vous abreuvez ont jailli de cœurs fermes comme des rocs dans l’amour, de « modèles insignes de charité »  (Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est, 40).
Vous n’apporterez cette même fraîcheur de la source qu’en tournant votre regard vers le roc d’où tout a jailli. Ce roc est Jésus pauvre, qui demande d’être reconnu dans celui qui est pauvre et sans voix. Parce qu’il est là. Et vous, tout en rencontrant des existences fragiles, abîmées par des passés difficiles, vous êtes à votre tour appelés à être des rocs : non pour sembler durs et invulnérables, encore moins pour vous montrer imperméables aux souffrances, mais pour devenir des points d’appui surs, fermes face aux intempéries, résistants devant l’adversité, parce que « regardez le rocher dans lequel vous avez été taillés, la carrière d’où vous avez été tirés » (Is 51,1). Ainsi, vous êtes appelés à rejoindre les périphéries de la condition humaine, pour apporter non pas vos capacités mais l’Esprit du Seigneur, « Père des pauvres ». Il vous disperse dans le monde comme des semences qui germent dans la terre aride, comme un baume de consolation pour celui qui est blessé, comme un feu de charité pour réchauffer tant de cœurs gelés par l’abandon et endurcis parce qu’ils ont été rejetés.
En vérité, nous sommes tous appelés à nous abreuver au roc qu’est le Seigneur et à désaltérer notre monde avec la charité qui jaillit de lui. La charité est au cœur de l’Église, elle est le motif de son agir, l’âme de sa mission. « La charité est la voie maîtresse de la doctrine sociale de l’Église. Toute responsabilité et tout engagement définis par cette doctrine sont imprégnés de l’amour qui, selon l’enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi » (Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, 2). C’est là la voie à suivre, pour que l’Église soit toujours plus mère et maîtresse de charité, grandissant et surabondant dans l’amour mutuel et envers tous (cf. 1 Ts 3,12) : unanime dans la communion à l’intérieur, ouverte et accueillante à l’extérieur, avec le courage de renoncer à ce qui peut lui être utile pourvu qu’elle imite en tout son Seigneur et se retrouve ainsi pleinement elle-même, faisant de l’apparente faiblesse de la charité le seul motif de son orgueil (cf. 2 Cor 12,9).
À ce sujet, nous entendons résonner, très actuelles, les paroles du Concile : « Le Christ Jésus […] pour nous « s’est fait pauvre, de riche qu’il était » (2 Co 8, 9). Ainsi l’Église, qui a cependant besoin pour remplir sa mission de ressources humaines, n’est pas faite pour chercher une gloire terrestre mais pour répandre, par son exemple aussi, l’humilité et l’abnégation. Le Christ a été envoyé par le Père “pour porter la bonne nouvelle aux pauvres” […] de même l’Église enveloppe de son amour ceux que l’infirmité humaine afflige, bien plus, dans les pauvres et les souffrants, elle reconnaît l’image de son fondateur pauvre et souffrant, elle s’efforce de soulager leur misère et en eux c’est le Christ qu’elle veut servir. » (Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, 8).
Saint Vincent a traduit tout ceci par sa vie et c’est pourquoi il parle encore aujourd’hui à chacun de nous et à nous en tant qu’Église. Son témoignage nous invite à être toujours en chemin, prêts à nous laisser surprendre par le regard du Seigneur par sa Parole. Il nous demande petitesse de cœur, pleine disponibilité et docile humilité. Il nous pousse à la communion fraternelle entre nous et à la mission courageuse dans le monde. Il nous demande de nous libérer des langages complexes, des rhétoriques autoréférentielles et des attachements aux sécurités matérielles qui peuvent tranquilliser dans l’immédiat mais qui ne donnent pas la paix de Dieu et qui, souvent, font obstacle à la mission. Il nous exhorte à investir dans la créativité de l’amour, avec l’authenticité d’un « cœur qui voit » (cf. Benoît XVI, Lett. enc. Deus Caritas est, 31).
En effet, la charité ne se contente pas des bonnes habitudes du passé mais sait transformer le présent. Ceci est d’autant plus nécessaire aujourd’hui, dans la complexité changeante de la société mondialisée, où certaines formes d’aumône et d’aide, bien que motivées par de généreuses intentions, risquent d’alimenter des formes d’exploitation et d’illégalité et de ne pas apporter de bénéfices réels et durables. C’est pourquoi penser la charité, organiser la proximité et investir sur la formation sont des enseignements actuels qui nous viennent de saint Vincent. Mais son exemple nous stimule, en même temps, à donner de la place et du temps aux pauvres, aux nouveaux pauvres d’aujourd’hui, aux trop nombreux pauvres d’aujourd’hui, à faire nôtres leurs pensées et leur gêne, parce qu’un christianisme sans contact avec ceux qui souffrent devient un christianisme désincarné, incapable de toucher la chair du Christ. Rencontrer les pauvres, préférer les pauvres, donner la parole aux pauvres pour que leur présence ne soit pas réduite au silence par la culture de l’éphémère. J’espère vivement que la célébration de la Journée mondiale des pauvres du 19 novembre prochain nous aidera dans notre « vocation à suivre Jésus pauvre », devenant « toujours plus et mieux un signe concret de la charité du Christ pour les derniers et les plus démunis » et réagissant « à la culture du déchet et du gaspillage » (Message pour la Journée mondiale des pauvres, « N’aimons pas en paroles mais par les faits », 13 juin 2017).
Je demande pour l’Église et pour vous la grâce de trouver dans le frère affamé, assoiffé, étranger, dépouillé de ses vêtements et de sa dignité, malade et en prison, mais aussi celui qui doute, est ignorant, obstiné dans son péché, affligé, agressif, grincheux et agaçant, le Seigneur Jésus. Et de trouver dans les plaies glorieuses de Jésus la vigueur de la charité, la béatitude de la graine qui, en mourant, donne la vie, la fécondité de la roche blessée d’où jaillit l’eau, la joie de sortir de soi et d’aller dans le monde, sans nostalgie du passé, mais avec une confiance bien établie en Dieu, créatifs face aux défis d’aujourd’hui et de demain parce que, comme le disait saint Vincent, « l’amour est créatif à l’infini ».
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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