Cardinal Stella © Wikimedia commons

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"Retrouver la beauté de la fraternité" des prêtres, par le card. Stella

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La fête du Sacré-Coeur, Journée pour les prêtres

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La fête du Sacré Coeur est aussi une Journée pour la sanctification de prêtres, une journée notamment pour « retrouver la beauté de la fraternité presbytérale » autour de l’évêque, explique le cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé, dans un entretien accordé à L’Osservatore Romano en italien du 22 juin 2017 (Nicola Gori).
Le prêtre, pour le pape François, est « l’homme de la relation avec le Père et avec les gens », résume le cardinal. C’est un « annonciateur humain, cordial et miséricordieux ». Il est aussi appelé à vivre son sacerdoce « dans cette dimension prophétique qui nous fait ‘aller de l’avant’, même au risque de n’être pas compris tout de suite ni par tout le monde », poursuit-il en évoquant les figures de deux prêtres « dérangeants » auxquels le pape François a rendu hommage cette semaine (cf. Zenit du 20 juin 2017).
Voici notre traduction de l’interview du cardinal Beniamino Stella dans le quotidien de la Cité du Vatican.
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L’Osservatore Romano – Quelle est la signification de cette journée ?
Cardinal Beniamino Stella – Avant tout, la possibilité d’un temps de prière et de réflexion qui présente au moins trois aspects. Le premier est justement le caractère central de la prière ; en priant ensemble, en effet, les prêtres se souviennent que leur ministère n’est pas enraciné dans les choses à faire et que, sans la relation personnelle avec le Seigneur, on risque de s’immerger dans le travail et de négliger Jésus. Le second aspect est la redécouverte de la valeur du diocèse parce qu’on n’est pas prêtre seul, mais en tant que membre de la famille du presbytérium, et cette journée invite les prêtres à retrouver la beauté de la fraternité presbytérale autour de son évêque, en renouvelant l’engagement à dépasser les divergences qui empêchent souvent les prêtres de vivre la communion et d’œuvrer ensemble dans le domaine pastoral. Enfin, à travers des moments de réflexion et de vérification, la journée veut aider les prêtres à redécouvrir l’essence de leur identité et le sens de leur service rendu au peuple de Dieu.
Peut-on brosser un portrait-robot du pasteur selon le pape François ?
S’adressant aux prêtres ou parlant de leur ministère, le pape a peu à peu, lentement, dessiné un véritable portrait du prêtre. Et il en émerge le modèle d’un pasteur qui marche au milieu de son peuple, qui participe avec sa vie à ses vicissitudes, se laisse profondément émouvoir par ses blessures et y verse l’huile de la joie de l’Évangile. Récemment aussi, le pape a exprimé sa plus grande préoccupation : que les prêtres tombent dans la tentation de vivre leur ministère comme un devoir bureaucratique, comme s’ils étaient « des clercs de l’État » ou des « fonctionnaires du sacré » ; au contraire, le peuple de Dieu a besoin d’un pasteur qui écoute, accueille, accompagne, se fait bon Samaritain pour celui qui est resté au bord de la vie. Récemment, le Saint-Père a eu une expression forte sur la figure du prêtre : « C’est un médiateur entre Dieu et les hommes, ce n’est pas un fonctionnaire qui ne se salit pas les mains ». Le prêtre selon François est l’homme de la relation avec le Père et avec les gens, ministre de la compassion qui sait consoler et guider, qui sait opérer un discernement pastoral dans toutes les situations et qui est capable d’allumer de petites lumières y compris dans les existences ou dans les contextes où tout semble perdu.
Le pape a fait un pèlerinage sur les pas de prêtres «dérangeants»: don Primo Mazzolari et don Lorenzo Milani: quel message pour les curés italiens ?
Ces deux étapes, si riches de significations pour la spiritualité de l’Église en Italie, embellissent le portrait du prêtre dessiné par le pape François dont je parlais. Cela a été un hommage important à deux prêtres courageux, libres, animés par un authentique esprit évangélique qui les a rendus souvent « dérangeants » – et pour cette raison non compris – capables de communiquer l’Évangile dans la « périphérie », y compris aux plus lointains. Par cette double visite, le pape a voulu redire que « les curés sont la force de l’Église en Italie », exhortant à vivre le sacerdoce dans cette dimension prophétique qui nous fait « aller de l’avant », même au risque de n’être pas compris tout de suite ni par tout le monde.
De ces deux figures extraordinaires de prêtres, je prendrais deux aspects soulignés par le pape et qui peuvent représenter un message important pour les prêtres d’aujourd’hui. De Don Mazzolari, le pape a rappelé qu’il aimait dire que le « prêtre n’est pas un répétiteur passif et sans âme » mais quelqu’un qui proclame la vérité à travers une « cordiale humanité », faisant de celle-ci un instrument de la miséricorde de Dieu ; de Don Milani, il a réévoqué la passion éducative et l’engagement à « redonner la parole aux pauvres », soulignant que la racine de cette mission était le fait qu’il était « un prêtre de foi ». Ainsi, le pape décrit un prêtre qui est unannonciateur humain, cordial et miséricordieux ; et encore « homme à la foi franche et non diluée » pour pouvoir vivre « une charité pastorale envers tous ».
Comment mettre en oeuvre le parcours de formation et de maturation dont parle le pape François?
Aujourd’hui, la nécessité se fait spécialement sentir, d’une manière incontournable, de la formation des prêtres, eux aussi disciples appelés à marcher derrière Jésus : ils doivent être façonnés par sa parole et configurer leur cœur à celui du Bon Pasteur. Il faut beaucoup miser sur la qualité du parcours qui se vit dans les séminaires et, sur ce point, la Congrégation pour le clergé investit beaucoup d’énergie. Nous avons besoin de séminaires qui soient des lieux de croissance humaine, spirituelle, académique et pastorale ; et nous avons besoin de formateurs préparés, qui sachent offrir aux candidats la possibilité d’une maturation psycho-affective et d’un enracinement dans la prière, dans un climat communautaire fraternel, capable de les faire sortir d’eux-mêmes et de les aider graduellement à s’insérer dans le domaine pastoral.
Comment dépasser un « sentiment d’échec», qui fait des « pessimistes mécontents et désenchantés au visage sombre », selon Evangelii gaudium ?
Le pape François montre qu’il a, au-delà d’une capacité lucide de lecture de la vie pastorale, ce que nous pourrions appeler le pouls de la vie : c’est-à-dire qu’il sait que, dans la vie des croyants et des prêtres, il peut y avoir des moments de découragement, de fatigue et de frustration. Le prêtre vit dans son être la logique de l’Évangile, c’est-à-dire du royaume qui grandit comme une petite graine ou un levain caché, de manière invisible et au-delà des calcules humains. C’est pourquoi il doit avoir l’armature forte de la foi et de la prière pour ne jamais interpréter sa mission comme l’équivalent d’un travail de bureau, basé sur le profit ; il doit puiser la confiance dans l’écoute de la Parole et dans la collaboration active avec ses confrères et avec les laïcs, luttant contre tout pessimisme et cherchant à être créatif et dynamique dans l’annonce de l’Évangile. Comme l’a fait observer le pape, quand un prêtre se laisse fatiguer par les problèmes et par les besoins des personnes, il reçoit l’affection et l’amour gratuit du peuple de Dieu. Et cela devient pour lui consolation et antidote contre tout sentiment d’échec et de découragement.
Les prêtres se trouvent souvent devant une « éclipse de la foi »: comment surmonter cela?
Il y a des zones dans le monde marquées par un sécularisme croissant, par la pauvreté et par l’injustice, par les conflits ethniques et religieux : il est difficile d’y témoigner de la foi chrétienne et encore plus de vivre le ministère sacerdotal. Parfois, on a l’impression, comme l’affirme le pape dans Evangelii gaudium – que l’on va vers une « désertification spirituelle » et un affaiblissement du dynamisme de l’évangélisation même. Je pense que le prêtre, dans ce genre de contextes, doit avant tout s’enraciner dans une relation intime et personnelle avec Jésus qui, pendant sa mission, a vécu des difficultés, a connu des obstacles et a été finalement mis à mort ; la résurrection du Seigneur donne la certitude intérieure que, à l’intérieur de notre faiblesse et du « scandale de la passion » auquel est souvent soumise l’annonce même de l’Évangile, resplendit la puissance de l’amour de Dieu.
Lors de sa rencontre avec les prêtres de Milan, le pape a rappelé en outre que nous ne devons jamais craindre les défis : parce qu’ils nous font grandir, ils nous sauvent d’une pensée fermée et idéologique et, d’une certaine manière, ils nous dérangent. Je dirais que, dans l’épreuve, nous sommes au défi de nous arrêter, de retourner au Seigneur en nous dépouillant de toute présomption, de chercher de nouvelles voies pour l’annonce de l’Évangile, en sortant des habitudes consolidées et de la prétention d’être déjà arrivés. Ainsi, même un moment d’épreuve peut se révéler comme une occasion de croissance.
Comment coexistent, chez un prêtre ou chez un évêque, la conscience d’être pécheurs et celle de l’appel à être des pêcheurs d’hommes ?
Dans la dynamique de la vocation sacerdotale, il existe ce paradoxe, bien visible dans l’appel des apôtres par le Seigneur : celui qui est appelé n’est jamais un parfait ni une personne qui a des dons extraordinaires mais, au contraire, Jésus s’arrête sur le bord de la mer pour s’adresser à quelques simples pêcheurs et, peu après, à un collecteur d’impôts. Un prêtre ou un évêque l’expérimentent pendant toute leur vie ; ils sentent que l’exigence de la mission qui leur est confiée est portée parce que la miséricorde de Dieu vient à l’aide de leur faiblesse et de leurs fragilités ; ils apprennent tous les jours à être apôtres non pas par leurs mérites personnels mais parce qu’ils ont été choisis par le Seigneur qui les a appelés et envoyés.
Les deux aspects – être pécheurs et être pêcheurs d’hommes, envoyés annoncer l’Évangile, non seulement cohabitent bien mais sont aussi une garantie pour notre sanctification : si tout dépendait de notre perfection, nous oublierions vite Dieu et nous deviendrions orgueilleux. Il y a quelques jours, dans une homélie à Sainte Marthe, le pape a dit que nous ne devions pas nous maquiller pour ressembler à « des vases d’or » mais au contraire, que nous devions accepter d’être des « vases d’argile » ; c’est seulement ainsi que le potier, qui est Dieu, nous modèle avec amour et permet que, à l’intérieur même de notre faiblesse, resplendisse le trésor de l’Évangile à apporter au monde entier.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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