Dep« Une crise de l’environnement signifie nécessairement un moment de vérité pour nous tous », a déclaré le cardinal Peter Turkson, chef de la délégation du Saint-Siège à la conférence des Nations Unies pour appuyer la mise en œuvre de l’objectif de développement durable (ODD) 14 : Conserver et utiliser durablement les océans, les mers et les ressources marines pour un développement durable.
Le préfet du dicastère pour la promotion du développement humain intégral et en effet intervenu le 7 juin 2017 au cours d’une conférence qui se tient au siège des Nations Unies, à New York du 5 au 9 juin. « Atteindre l’ODD 14 est dans l’intérêt de tous, car la gravité des problèmes auxquels sont confrontés nos océans implique l’existence même de l’humanité », a-t-il souligné.
C’est pourquoi il est urgent d’ « intégrer des considérations éthiques dans nos approches scientifiques des problèmes environnementaux » et de se concentrer « non seulement sur les droits, mais aussi sur les obligations ». Or « l’absence de cadres juridiques et réglementaires adéquats » et « l’incapacité de mettre en œuvre les lois existantes », « exacerbent » l’accent mis jusqu’ici sur les droits au détriment des obligations.
Le cardinal Turkson a enfin mis en avant l’urgence d’un « accord » mondial ou de la création d’un « organe institutionnel » chargé de la protection des ressources marines.
Voici notre traduction de l’allocution du cardinal Peter Turkson, délivrée en anglais.
CR
Déclaration du cardinal Peter Turkson (traduction intégrale)
Distingués coprésidents,
Le mois dernier, le Saint-Siège a lancé une nouvelle initiative intitulée « Laudato si’ Challenge » (Défi Laudato Si), qui incluait le président de l’Assemblée générale des Nations Unies et des dirigeants d’entreprise et politiques importants du monde entier. L’objectif de ce projet est de souligner l’importance des préoccupations environnementales dans la prise de décisions commerciales, la planification de projets et l’influence sur le droit et la politique. Le Saint-Siège s’est engagé à poursuivre et à renforcer ces efforts.
Atteindre l’ODD 14 est dans l’intérêt de tous, car la gravité des problèmes auxquels sont confrontés nos océans implique l’existence même de l’humanité. En plus de fournir des aliments et des matières premières, les océans offrent divers avantages environnementaux essentiels tels que la purification de l’air, un rôle important dans le cycle mondial du carbone, la régulation du climat, la gestion des déchets ainsi que le maintien des chaînes alimentaires et des habitats essentiels à la vie sur terre.
Dans sa lettre encyclique Laudato si’, Sur la sauvegarde de la maison commune, le pape François a appelé tout le monde à changer la trajectoire de la dégradation de l’environnement en modifiant les modes de consommation et les modes de vie nuisibles à l’environnement. Un comportement négligent ou égoïste dans notre utilisation des ressources et dans notre interaction avec l’environnement doit être abordé à tous les niveaux, du comportement individuel aux politiques nationales et aux accords multilatéraux internationaux.
Pour inverser les impacts négatifs sur les ressources marines et pour renforcer la conservation à long terme et l’utilisation durable de nos océans, nous devons intégrer des considérations éthiques dans nos approches scientifiques des problèmes environnementaux, car la détérioration de l’environnement et la dégradation humaine et éthique sont étroitement liées. L’environnement ne peut être considéré comme quelque chose de séparé de nous-mêmes ou comme un simple cadre dans lequel nous vivons. Nous en faisons partie, nous sommes inclus dedans et en interaction constante avec celui-ci.
Par conséquent, une crise de l’environnement signifie nécessairement un moment de vérité pour nous tous. Comme l’a rappelé le pape François, « nous ne sommes pas confrontés à deux crises distinctes, l’une environnementale et l’autre sociale, mais plutôt à une crise complexe qui est à la fois sociale et environnementale » [1]. Cette réalité composée nécessite donc une une approche intégrée qui s’occupe simultanément de l’environnement, combat la pauvreté et l’exclusion, assure la jouissance collective par tous du bien commun et favorise la solidarité intergénérationnelle.
Une approche éthique signifie avant tout prendre au sérieux notre responsabilité de sauvegarder ces précieuses ressources naturelles et de protéger ces personnes, en particulier celles qui sont pauvres et vulnérables et qui en dépendent pour leur subsistance journalière. Sans une approche éclairée par des considérations éthiques, nous avons un système où « certains ne sont concernés que par le gain financier et d’autres par le maintien ou l’augmentation de leur pouvoir », ce qui entraîne des « conflits ou des accords parasites où la dernière chose dont les deux parties se préoccupent est le sauvegarde de l’environnement et la protection de ceux qui sont les plus vulnérables ». [2]
Une approche éthique doit se concentrer non seulement sur les droits, mais aussi sur les obligations. Une grande partie du déclin de la santé des océans résulte de l’accent mis sur les droits et les autonomies au détriment des responsabilités personnelles et nationales. L’absence de cadres juridiques et réglementaires adéquats et l’incapacité de mettre en œuvre les lois existantes, permettant à beaucoup de profiter des lacunes et des carences, exacerbent cette accentuation excessive des droits au détriment des obligations. Le soin de notre maison commune, cependant, est et sera toujours un impératif moral.
Les océans et tous ceux qui en dépendent bénéficieraient particulièrement de cette approche éthique. Pendant de nombreuses années, la santé des océans et des mers n’a pas été suffisamment prise en considération, car les océans étaient considérés comme si vastes qu’ils n’étaient pas affectés par les activités humaines. Nous avons pris pour acquis nos libertés de les utiliser, profitant de la liberté de navigation, de la pêche, de la pose de câbles et de la recherche scientifique, mais nous n’avons pas suffisamment souligné nos responsabilités dans leur bon usage. Ceci est évident dans le fait que, au-delà des dispositions relatives aux soins généraux en matière d’environnement ou de pollution, il n’y a pas d’entente mondiale ou d’organe institutionnel qui traite spécifiquement de la sauvegarde et de la protection des ressources des océans. Un tel accord est particulièrement urgent car les ressources océaniques sont de plus en plus intensément récoltées. Les océans ont une valeur qui va au-delà de celle de la pêche et de la navigation: ils sont également une vaste source d’énergie renouvelable et de richesses biologiques et minérales, y compris celles utilisées par l’industrie pharmaceutique et cosmétique.
Une approche éthique inspire la solidarité avec les générations futures. Comme le rappelait le pape François, « la solidarité entre les générations n’est pas facultative, mais plutôt une question fondamentale de justice, puisque le monde que nous avons reçu appartient également à ceux qui nous suivront » [3]. Ainsi, alors que nos soins pour nos océans nous sont un profit immédiat, c’est aussi un cadeau pour les générations futures, leur évitant de payer le prix extrêmement élevé de la détérioration de l’environnement et leur permettant de profiter de sa beauté, de sa merveille et de ses multiples dons.
Distingués coprésidents,
Dans de nombreuses traditions religieuses et culturelles, l’eau est un symbole de purification, de renouveau et de renaissance. C’est en ce sens que le Saint-Siège se félicite de ce nouveau départ d’une coopération et d’une coordination renouvelées des efforts mondiaux visant à conserver et à utiliser durablement nos océans, nos mers et nos ressources marines.
Merci, distingués coprésidents.
- Pape François, lettre encyclique Laudato si’, 139.
- Ibid, 198.
- Ibid, 159.