Benoît XVI, capture CTV

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Les 90 ans du pape Benoît XVI en dix images, par le P. Federico Lombardi (1/2)

«Tolérance zéro» contre la pédophilie et visite à Auschwitz

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La « tolérance zéro » pour la pédophilie « a été un des grands mérites » du pontificat du pape Benoit XVI, a déclaré le père  Federico Lombardi: « Il a vraiment pris sur lui le poids de la présence du mal et du péché dans la communauté ecclésiale. »
Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège de 2006 à 2016 et, depuis le 1er août, président de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger-Benoît XVI a analysé pour la revue espagnole « Vida Nueva » l’héritage du pape émérite (qui aura 90 ans le 16 avril 2017)  en tant que théologien, cardinal et évêque de Rome à travers 10 moments qui ont marqué sa vie et celle de l’Église.
Dans la première partie de réflexions, il a mis accent sur deux moments clés du pontificat du pape Benoît : sa visite au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau  et sa ligne de fermeté par rapport à la pédophilie, cette « saleté dans l’Église ».
« La manière dont le pape Benoît XVI a vécu et conduit cette très douloureuse histoire » de la pédophilie « a été un des grands mérites de son pontificat, ainsi qu’un témoignage lumineux de son humilité et de sa charité pastorale », a affirmé le père Lombardi:  « Il l’a affrontée avec un regard profond et ample et avec détermination, non seulement sous l’aspect disciplinaire, mais aussi de la nécessité d’un véritable processus de purification et de renouveau pastoral dans l’Église. »
En ce qui concerne la visite du pape Benoît au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, le père Lombardi s’est souvenu « de l’attente et de l’émotion » pour ce voyage « de la part du pape allemand, un pape qui avait vécu, même s’il était encore très jeune, le temps du nazisme, et de la profonde méditation qu’il prononça ». Le pape Benoît s’est présenté comme « une personne qui avait une conscience pure et sereine », il était « courageux » et il « savait aussi affronter sans peur les thèmes et les situations plus difficiles ».
Voici notre traduction de la première partie des réflexions du père Lombardi.
MD
Réflexions du père Federico Lombardi 

  1. Un Allemand à la tête de la Doctrine de la foi

Quels souvenirs avez-vous de la période de Ratzinger comme préfet ?
À dire vrai, je n’ai eu pratiquement aucun rapport direct avec le card. Ratzinger lorsqu’il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, par conséquent je n’ai pas d’expérience à raconter. Mais à partir de 1991, en tant que directeur des programmes de Radio Vatican, je suivais naturellement son activité avec attention. J’ai toujours eu une très grande estime pour lui depuis que j’avais été étudiant en théologie en Allemagne (1969 -1973) et c’était un professeur brillant. La lecture de « Introduction au christianisme » m’avait profondément impressionné, disons même enthousiasmé. Il m’a toujours semblé être un théologien qui réfléchissait sur une foi vécue et qui exprimait une spiritualité profonde et sincère.
J’admirais sa clarté et il m’est toujours apparu très équilibré dans ses jugements et dans ses positions. J’étais convaincu que Jean-Paul II avait fait un excellent choix en l’appelant à guider la Congrégation pour la Doctrine de la foi (CDF) et que tous les deux ensemble, Jean-Paul II comme pape et Ratzinger comme préfet de la CDF, constituaient un « tandem formidable ». Même lorsqu’il prenait des positions qui suscitaient des oppositions et des critiques (théologie de la libération, Dominus Iesus…), j’étais convaincu qu’il le faisait pour le bien de l’Église, j’avais confiance en lui et j’admirais son courage.
Je considérais le « Catéchisme de l’Église catholique » comme une grande entreprise et un grand service pour le peuple de Dieu. Je pense que cette entreprise serait difficilement arrivée à bon port sans sa capacité et son goût de penser de manière ordonnée et de parler avec clarté, l’étendue de sa culture théologique et sa volonté de servir la communauté de l’Église. J’ai aussi beaucoup admiré son dévouement personnel au service du pape Jean-Paul II, par exemple quand il a exercé sa finesse théologique pour lire et interpréter certains textes très particuliers comme dans sa très belle Présentation du « Tryptique romain » et surtout dans la présentation du « Troisième secret de Fatima » dont je doute que cela ait été exactement « son style »

  1. Le Conclave

Pensiez-vous que Ratzinger pouvait devenir le successeur de Jean-Paul II ? Quand et comment vous a-t-on demandé d’assumer la direction de la salle de presse du Vatican ?
Je me souviens bien de ce conclave, même si je n’étais pas encore directeur de la salle de presse, mais j’étais directeur de Radio Vatican et du Centre de télévision du Vatican. La mort de Jean-Paul II fut un événement mondial et extrêmement captivant. En ce mois inoubliable, le rôle du card. Ratzinger s’est manifesté comme extrêmement important parce qu’il était le cardinal doyen du Collège cardinalice.
Il devait donc guider les Congrégations des cardinaux en préparation au conclave, présider la grande messe des obsèques et la messe Pro eligendo Romano Pontifice, précédant immédiatement le conclave, et il le fit avec une grande autorité et une maîtrise sereine de la situation, prononçant des homélies inoubliables. Sa personnalité s’est manifestée comme celle non seulement d’un grand théologien et à l’intelligence supérieure, mais aussi celle d’un guide sage et expérimenté, qui se situait à un niveau au-dessus de tout. Si l’on ajoute la confiance qu’il avait reçue de la part de Jean-Paul II, sa vaste expérience de l’Église universelle et sa connaissance de la Curie romaine, je confesse que son élection ne m’a nullement surpris, au contraire, peut-être aurais-je été surpris si l’on avait élu un autre.
En ce qui concerne ma nomination à la direction de la salle de presse, je dois dire qu’elle m’a totalement surpris. Des rumeurs avaient commencé à circuler mais je ne les avais pas du tout prises au sérieux. Il me semblait que j’avais déjà suffisamment à faire – et même trop – avec la radio et le centre de télévision et je n’avais absolument pas imaginé que l’on pouvait penser à moi – qui suis une personne de tendance réservée – pour cette tâche très « exposée », en remplacement d’un homme très expert et certainement riche de dons importants dans le domaine des relations publiques et dans le monde journalistique, comme Navarro Valls.
Toutefois, j’étais effectivement déjà inséré depuis 15 ans dans le monde des communications vaticanes, par conséquent je connaissais assez bien le Vatican et les Supérieurs me connaissaient ; naturellement je connaissais aussi un bon nombre de collègues journalistes ; je me débrouillais avec les autres langues ; j’avais vécu avec patience et sans me laisser effrayer un temps de rapports difficiles avec la presse lors des attaques contre Radio Vatican en raison de la fameuse « pollution électromagnétique »… En somme, j’apparaissais peut-être comme la solution la plus simple, économique et immédiatement disponible, « à portée de la main » et sans risque de surprises pour le problème pas du tout facile du remplacement d’un homme capable comme Navarro, qui avait occupé avec brio le poste pendant plus de vingt ans. Je me souviens que le card. Sodano, secrétaire d’État, m’en avait parlé la première fois à l’occasion d’un colloque que je lui avais demandé pour aborder un tout autre problème. Il me dit que les rumeurs qui circulaient étaient fondées ; je lui dis que naturellement je demandais que cette tâche me soit épargnée ; il me répondit qu’il allait en parler avec mon Supérieur général et m’invita à « me préparer à lui dire oui ».
En somme, la chose était pratiquement décidée et me fut communiquée quelques jours plus tard. Je n’ai jamais cherché aucune des « missions » qui m’ont été confiées, mais je ne me suis jamais défilé quand mes supérieurs légitimes ont considéré qu’il était bon de me les confier. Comme on était justement au début de l’été, la veille du départ du pape pour la Vallée d’Aoste, j’eus un bel entretien aux Combes avec le pape Benoît, dans un cadre merveilleux face au Mont-Blanc.
Il fut très gentil, comme toujours, et m’encouragea à remplir ma nouvelle tâche en étroite collaboration avec la Secrétairerie d’État, ce que j’ai cherché à faire. Les rapports plus directs et personnels avec lui étaient donc en fonction des besoins, par exemple à l’occasion de toutes les visites des chefs d’État ou de gouvernement – qui étaient nombreuses – ou quand je demandais une rencontre ou un éclaircissement particulier.

  1. La prière à Auschwitz

Qu’a signifié pour le Saint-Père, né en Allemagne et qui a vécu la seconde Guerre mondiale et la période nazie, la visite au camp de concentration en mai 2006 ?
En réalité, le voyage en Pologne est l’unique voyage à l’extérieur de Benoît XVI que je n’aie pas fait puisque je n’étais pas encore directeur de la salle de presse et nous, les dirigeants de Radio Vatican, nous avions l’habitude d’alterner dans les voyages, le directeur général et le directeur des programmes. Le directeur des programmes était alors polonais, le p. Koprowski, et je fus donc très content de lui laisser la possibilité de participer au voyage de Benoît XVI en Pologne, qu’il pouvait suivre bien mieux, connaissant le pays et la langue.
Mais naturellement, je me souviens bien de ce voyage, l’ayant suivi de Rome. Je me souviens de l’attente et de l’émotion pour la visite au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau de la part du pape allemand, un pape qui avait vécu, même s’il était encore très jeune, le temps du nazisme, et de la profonde méditation qu’il prononça. Certes, il était au centre des regards, pas toujours bien disposés à son égard. Toutefois, c’était une personne qui avait une conscience pure et sereine et il était un peu timide mais courageux, par conséquent il savait aussi affronter sans peur les thèmes et les situations plus difficiles.
Comme il a pu le dire avec fierté à l’occasion des discussions successives sur le « cas Williamson », il savait qu’il s’était toujours engagé à fond même dans ses études, pour cultiver des rapports positifs et corrects avec le monde juif. Et cela se verra à nouveau pendant les dernières années, à différents points importants et délicats de son livre sur Jésus de Nazareth.

  1. Ratisbonne et le dialogue interreligieux

Comment le pape a-t-il vécu la crise politique et diplomatique qui s’est créé après son intervention dans l’université allemande le 12 septembre 2006 ?
On en a déjà parlé, presque à l’infini, et lui-même s’est exprimé sur ce thème dans les deux livres interview avec Seewald – Lumière du monde et Dernières conversations – expliquant qu’il avait pensé à une leçon académique sans se rendre compte de la lecture partielle et « politique » qui aurait pu en être faite. Mais la gestion de la situation, les jours suivants, fut à mon avis bonne et opportune, avec une série de déclarations et d’explications de la part du Vatican à des niveaux de plus en plus hauts, jusqu’à celles qu’il a faites lui-même avec beaucoup de simplicité et de clarté, aux contacts avec les ambassadeurs des pays à majorité musulmane, à la préparation du voyage en Turquie.
J’ai toujours pensé, et je continue de le répéter, que cette histoire s’est en réalité conclue de manière pratiquement définitive deux mois et demi plus tard avec la visite historique du pape à la Mosquée bleue d’Istanbul, en totale sérénité : une occasion et des images par lesquelles son attitude de respect à l’égard de l’islam est devenu claire pour le monde entier. J’ai même toujours pensé que cette crise fut l’occasion de mettre sur la table avec plus de clarté des thèmes cruciaux sur lesquels on évitait volontiers de parler comme le rapport entre la religion et la violence et que cela avait donc servi à faire accomplir un pas effectif en avant vers une plus grande profondeur et sincérité dans le dialogue avec le monde islamique. Aujourd’hui, beaucoup reconnaissent qu’en réalité le discours de Ratisbonne avait été non seulement courageux mais aussi clairvoyant et qu’il doit être compté parmi les mérites du pape Benoît malgré les inconvénients qui ont alors suivi.

  1. Tolérance zéro pour la pédophilie

En 2009, les données récoltées par la Commission irlandaise chargée d’enquêter sur les abus sur mineurs ont été publiées. Y avait-il des résistances internes au renforcement des mesures prises par le pape dans ce domaine ?
L’histoire des abus sexuels sur les mineurs de la part de membres du clergé ou dans des institutions dépendantes de l’Église a été certainement un des aspects les plus douloureux du pontificat de Benoît XVI. Il faut toutefois observer qu’il était préparé, parce qu’en tant que préfet de la CDF, il avait déjà dû s’occuper de ces faits horribles qui avaient commencé à venir à la lumière et il avait eu un rôle important en définissant et en mettant en œuvre les mesures à prendre du point de vue de la discipline de l’Église.
Aux États-Unis la crise avait déjà explosé de manière retentissante au début des années 2000. La fameuse expression très dure sur la « saleté dans l’Église », écrite par Ratzinger dans le texte du dernier chemin de croix au Colisée du pontificat de Jean-Paul II, se référait certainement aussi à ces crimes, qui causaient en lui horreur, surprise et une douleur très profonde. Mais dans son pontificat, la crise s’est élargie à d’autres pays, par exemple l’Irlande, l’Allemagne, et a repris avec force aux États-Unis et puis la question déconcertante du fondateur des Légionnaires du Christ, Marcial Maciel a aussi éclaté.
C’est pourquoi il l’a affrontée avec un regard profond et ample et avec détermination, non seulement sous l’aspect disciplinaire, mais aussi de la nécessité d’un véritable processus de purification et de renouveau pastoral dans l’Église, avec l’écoute des victimes et l’effort pour soigner leurs blessures, les procédures disciplinaires à l’égard des coupables, les indications pour un sérieux effort de prévention dans le choix et la formation des clercs, des religieux et des agents pastoraux, la diffusion d’une véritable culture de la protection des mineurs.
Son engagement a été aussi personnel, avec des rencontres répétées avec des victimes d’abus au cours de différents voyages, avec la reconnaissance sincère des responsabilités des personnes et des institutions ecclésiales, avec la préoccupation de la vérité et de la conversion plutôt que de la protection de l’image extérieure de l’Église. En somme, je considère que la manière dont Benoît XVI a vécu et conduit cette très douloureuse histoire a été un des grands mérites de son pontificat, ainsi qu’un témoignage lumineux de son humilité et de sa charité pastorale : il a vraiment pris sur lui le poids de la présence du mal et du péché dans la communauté ecclésiale. Devant des faits de cette nature, les difficultés au milieu desquelles évoluer sont innombrables et quand on parle de « résistances », en général on simplifie beaucoup, en pensant que d’un côté tout le monde est bon et de l’autre tout le monde est mauvais. Il faut se rendre compte de la préoccupation inévitable pour protéger l’image personnelle et celle de l’Église devant des attaques très lourdes, qui sont aussi souvent malveillantes et non motivées par un pur amour de la vérité ; se rendre compte de la très grande diversité des situations culturelles dans le monde, de la complexité de procédures judiciaires où il faut avant tout protéger les victimes, mais parfois aussi des personnes accusées injustement ; se rendre compte de la nécessité d’une connaissance plus approfondie des faits, de la nature des comportements criminels et de la gravité de leurs conséquences : tout un monde sur lequel s’étendait traditionnellement une chape de silence, pas seulement dans l’Église mais aussi dans les familles, dans la société, dans les différentes institutions… Benoît nous a enseigné à avancer avec détermination, patience et constance dans ce dédale de problèmes qui ne sont jamais résolus une fois pour toutes.
(à suivre)
© Traduction de Zenit, Océne Le Gall

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Océane Le Gall

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