Salle Paul VI du Vatican © L'Osservatore Romano

Salle Paul VI du Vatican © L'Osservatore Romano

Vocations: quand un jeune entend l’appel du Christ, il faut des portes ouvertes

Print Friendly, PDF & Email

Allocution devant un Congrès de la CEI (traduction complète)

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Quand un jeune entend l’appel du Christ – « Lève-toi ! » – il faut que dans l’Eglise il trouve des portes ouvertes, recommande le pape François qui a improvisé un discours devant les participants d’un congrès de la Conférence épiscopale italienne (CEI) sur les vocations, jeudi, 5 janvier 2017, en la salle Paul VI du Vatican.
Le pape a remis aux participants le texte préparé avant d’improviser cette méditation à partir de l’appel entendu par l’apôtre Pierre alors qu’il se trouve en prison : « Lève-toi ! ».
Voici notre traduction, rapide de travail, qui respecte le style oral et spontané de l’allocution du pape François.
AB
Discours improvisé par le pape François
Chers frères et sœurs, bonjour!
J’ai préparé ce discours [le pape montre les feuillets]: il y a cinq pages. Il est trop tôt pour se rendormir ! Alors je le remettrai au Secrétaire général et je chercherai de vous dire ce qui me vient à l’esprit, ce que j’ai envie de dire [il se tourne vers Mgr Galantino] ensuite vous le ferez connaître…  Quand Mgr Galantino a commencé à parler [dans sa salutation au pape François] et qu’il a dit le thème de la rencontre, “Lève-toi!…”, cette parole dite à Pierre, en prison, dite par l’ange m’est venue à l’esprit: «Lève-toi!» (Ac 12,7). Lui, il n’y comprenait rien. « Prends ton manteau … » Et il ne savait pas s’il rêvait ou s’il ne rêvait pas. « Suis-moi. » Et les portes s’ouvrirent, et Pierre s’est retrouvé dans la rue. Là il se rendit compte de la réalité, que ce n’était pas un songe: c’était l’ange de Dieu qui l’avait libéré. « Lève-toi! » avait-il dit. Et lui s’est levé, en hâte, et il est parti. Et où vais-je? Je vais là où sûrement il y a la communauté chrétienne. Et il est vraiment allé à une maison de chrétiens, où tous priaient pour lui. La prière… il frappe à la porte, la servante sort, le regarde… et au lieu d’ouvrir la porte elle rentre. Et Pierre, qui a peur parce qu’il y a la garde qui tourne dans la ville. Et elle: « Va, Pierre est là! » – « Non, Pierre est en prison! » – « Non, c’est le fantôme de Pierre. » – « Non, Pierre est là, Pierre est là! » Et Pierre frappait, frappait… Ce « Lève-toi! » a été arrêté par la peur, par la bêtise – mais, on ne sait pas – d’une personne. Je crois qu’elle s’appelait … [Rodé]. C’est un complexe, le complexe de ceux qui, par peur, par manque de sécurité, préfèrent fermer les portes.
Je me demande combien de jeunes, de jeunes gens et de jeunes filles, entendent aujourd’hui dans leur cœur ce « Lève-toi ! », et combien – de prêtres, de consacrés, de sœurs – ferment les portes. Et ils finissent dans la frustration. Ils avaient entendu le « Lève-toi! », et ils frappaient à la porte… « Oui, oui, on est en train de prier. » « Oui, maintenant ce n’est pas possible, on est en train de prier. » Entre parenthèses, quelqu’un qui a su que je venais chez vous parler des vocations, a dit : « Dites-leur de prier pour les vocations, au lieu de faire tant de congrès ! ». Je ne sais pas si c’est vrai, mais on a besoin de prier, mais de prier la porte ouverte ! La porte ouverte. Parce que se contenter seulement de faire un congrès, sans s’assurer que les portes soient ouvertes, cela ne sert à rien. Et les portes, elles s’ouvrent par la prière, la bonne volonté, le risque. Prendre des risques avec les jeunes. Jésus nous a dit que la première méthode pour avoir des vocations c’est la prière, et tous ne sont pas convaincus de cela. « Je prie… oui, tous les jours un Notre Père pour les vocations. » Autrement dit, je paye la taxe. Non, la prière jaillit du cœur ! La prière fait que le Seigneur dit plusieurs fois ce « Lève-toi! »: « Lève-toi ! Sois libre, soit libre ! Lève-toi, je te veux avec moi. Suis-moi. Viens à moi et tu verra où j’habite. Lève-toi! » Mais avec les portes closes, personne ne peut entrer chez le Seigneur. Les clefs des portes c’est nous qui les avons. Pas seulement Pierre, non, non. Ouvrez les portes pour qu’ils puissent entrer dans les églises. J’ai entendu parler de certains diocèses, dans le monde, qui sont bénis par les vocations. En parlant avec les évêques [j’ai demandé]: “Qu’est-ce que vous avez fait? ». Avant tout, une lettre de l’évêque, chaque mois, aux personnes qui voulaient prier pour les vocations: les petites vieilles, les malades, les époux… Une lettre chaque mois, avec une pensée spirituelle, un document, pour accompagner la prière, la prière de la communauté. Il faut chercher un moyen… Voilà un moyen que ces évêques ont trouvé – j’en ai entendu trois ou quatre -. Mais si souvent, les évêques sont pris, il y a tellement de choses… Oui, oui, mais il ne faut pas oublier que le premier devoir des évêques, c’est la prière !
Le deuxième devoir c’est l’annonce de l’Evangile. Et cela ce ne sont pas les théologiens qui le disent : cela a été dit par les Actes des Apôtres, quand ils ont eu cette petite révolution, lorsque tant de chrétiens se sont plaints qu’on ne prenait pas bien soin des veuves, parce que les Apôtres n’en avaient pas le temps. Alors ils ont « inventé » les diacres, pour qu’ils s’occupent des veuves, des orphelins, des pauvres… Nous, dans cette Eglise de Rome, nous avons un bon diacre, nous avons eu Laurent, qui a donné sa vie : il s’occupait de ces choses… Et à la fin de l’annonce, quand il l’annonce à la communauté chrétienne, Pierre dit : « Et à nous il revient la prière et l’annonce de l’Evangile » (cf. Ac 6,4). Mais quelqu’un pourrait me dire: « Père, vous êtes en train de parler à la belle-fille pour que la belle-mère entende ? » Oui, c’est vrai. La première chose, c’est de prier, c’est ce que Jésus nous a dit: « Priez pour les vocations. » Je peux faire le plus grand plan pastoral, l’organisation la plus parfaite, mais sans le levain de la prière ce sera du pain azyme. Cela n’aura pas de force. La première chose, c’est de prier. Et la communauté chrétienne, la nuit où Pierre a frappé à la porte, était en prière. Le texte dit : « Toute l’Eglise priait pour lui » (cf. Ac 12,5). Elle était en prière. Et quand on prie, le Seigneur écoute, toujours, toujours ! Mais pas prier comme des perroquets. Prier avec le cœur, avec la vie,  avec tout, avec le désir que ce que je suis en train de demander se fasse. Prier pour les vocations. Pensez si vous pouvez faire quelque chose comme ce que ces évêques ont fait, qui sont des personnes humbles : « Tu prends cet engagement, de faire tous les jours une prière ». Et nourrir cet engagement, toujours. Aujourd’hui un livret, le mois prochain une lettre, puis une petite image…, mais qu’ils se sentent reliés par la prière, parce que la prière de tous donne tant de force. C’est le Seigneur lui-même qui le dit. Et puis la porte ouverte. C’est à pleurer quand tu vas dans une paroisse, dans certaines paroisses…
– Et entre parenthèses, je veux dire que les curés italiens sont bons ! Je parle en général, mais c’est un témoignage que je veux faire : jamais je n’ai vu dans d’autres diocèses, dans ma patrie, dans d’autres diocèses, des organisations faites par les curés aussi fortes qu’ici. Pensez au bénévolat : en Italie, le bénévolat est une chose que l’on ne voit pas ailleurs. C’est une grande chose. Et qui l’a faite ? Les curés. Les curés de campagne, qui desservent, un, deux, trois petits villages, qui vont, viennent, connaissent les noms de tout le monde, même des chiens… Les curés. Et puis le patronage, dans les paroisses italiennes : c’est une institution forte ! Et qui a fait cela ? Les curés ! Les curés sont bons. –
Mais parfois, et je parle du monde entier, on va en paroisse et l’on trouve une inscription sur la porte : « Le curé reçoit le lundi, le jeudi, le vendredi de 15h à 16h. » Ou bien : « On confesse de telle heure à telle heure. » Ces portes ouvertes… Combien de fois – et je parle de mon diocèse précédent – combien de fois ce sont les secrétaires, les femmes consacrées qui reçoivent les gens, qui font peur aux gens !  La porte est ouverte, mais la secrétaire montre les dents et les gens s’en vont ! Il faut de l’accueil. Pour avoir des vocations, il faut de l’accueil. C’est la maison où l’on accueille.
Et puisqu’on parle des jeunes, de l’accueil des jeunes. C’est la troisième chose un peu difficile. Les jeunes nous fatiguent, parce qu’ils ont toujours une idée, ils font du bruit, ils font ceci, ils font cela… Et puis ils viennent : « Mais, je voudrais parler avec toi… » – « Oui, viens ! » Et les mêmes questions, les mêmes problèmes : « Je te l’ai dit… ». Ils fatiguent. Si nous voulons des vocations : la porte ouverte, la prière et être vissé à sa chaise pour écouter les jeunes. « Mais ils sont pleins d’imagination !… » Béni soit le Seigneur ! C’est à toi de les faire « atterrir ». De les écouter: l’apostolat de l’oreille. « Ils veulent se confesser, mais ils confessent tout le temps les mêmes choses » – « Toi aussi, quand tu étais jeune, tu as oublié ? ». La patience : écouter, qu’ils se sentent chez eux. Qu’ils se sentent aimés. Et plus d’une fois, ils font des blagues : Dieu merci, parce qu’ils ne sont pas des vieux. C’est important de « perdre du temps » avec les jeunes. Parfois ils ennuient, parce que – comme je le disais – ils viennent toujours avec les mêmes choses. Mais le temps est pour eux. Plus que de leur parler, il faut les écouter, et dire seulement une « petite goutte », une parole, là, et voilà,  ils peuvent s’en aller. Et ce sera une semence qui travaillera de l’intérieur. Mais il pourra dire : « Oui, je suis allé chez le curé, chez le prêtre, la sœur, le président de l’Action catholique, et il/elle m’a écouté comme si il/elle n’avait rien à d’autre faire. » Cela, les jeunes le comprennent bien.
Et puis, une autre chose à propos des jeunes : nous devons être attentifs à ce qu’ils cherchent, parce que les jeunes changent avec les époques. De mon temps, il y avait la mode des réunions : « Aujourd’hui on parlera de l’amour » et chacun préparait le thème de l’amour, on parlait… On était satisfaits. Et puis on sortait de là, on allait au stade pour voir le match – il n’y avait pas encore de télévision – on était « statiques ». On faisait des œuvres de charité, des visites dans les hôpitaux… le tout organisé. On était plutôt tranquilles, au sens figuré. Aujourd’hui, les jeunes doivent plutôt être en mouvement, les jeunes doivent marcher. Pour travailler pour les vocations, il faut faire marcher les jeunes et cela se fait en les accompagnant. L’apostolat de la marche. Et comment marcher, comment ? Faire un marathon ? Non ! Inventer, inventer des actions pastorales qui impliquent les jeunes, dans quelque chose qui leur fasse faire quelque chose : pendant les vacances, on va une semaine en mission dans ce village, ou faire de l’aide sociale dans cet autre, ou chaque semaine on va à l’hôpital, ceci, cela… ou donner à manger aux sans-abri dans les grandes villes… Il y en a… Les jeunes ont besoin de cela, et ils se sentent Eglise quand ils font cela. Même les jeunes qui peut-être ne se confessent pas ou ne communient pas, mais ils se sentent Eglise. Et ensuite ils se confesseront et ils recevront la communion, mais toi, mets-les en marche. Et en marchant, le Seigneur parle, le Seigneur appelle. Et une idée vient: nous devons faire cela… Je veux faire… Et ils s’intéressent aux problèmes des autres. Des jeunes en marche, pas statiques. Les jeunes statiques, qui ont tout assuré… ce sont des jeunes à la retraite ! Et il y en a tant aujourd’hui ! Ce sont des retraités de la vie. Ils étudient, ils auront une profession, mais le cœur est déjà fermé. Et ils sont des retraités. Donc, marcher, marcher avec eux, les faire marcher, les faire avancer. Et sur le chemin, ils trouvent des questions, des questions auxquelles il est difficile de répondre ! Je vous avoue que quand je me rends dans certains pays ou aussi ici en Italie, dans certaines villes, je fais habituellement une rencontre ou un déjeuner avec un groupe de jeunes. Les questions qu’ils te posent, à ce moment-là, te font trembler, parce que tu ne sais pas comment répondre… Parce qu’ils sont inquiets [au sens positif: ils sont en recherche], et cette inquiétude est une grâce de Dieu. C’est une grâce de Dieu. Tu ne peux pas arrêter l’inquiétude. Parfois, ils diront des bêtises, mais ils sont inquiets, et c’est ce qui compte. Et cette inquiétude, il est nécessaire de la faire cheminer.
« Lève-toi ! ». La porte ouverte. La proximité, les écouter.  Les faire marcher, les faire avancer, avec des propositions à « faire ». « Mais ils sont ennuyeux !… ». Les écouter, les faire marcher, les faire avancer avec des propositions à « faire ». Ils comprennent mieux le langage des mains que celui de la tête ou du cœur ; ils comprennent le faire : ils comprennent bien. Ils pensent comme ceci ou comme cela, mais ils comprennent bien. Ils ont une capacité de jugement aiguë. Nous devons organiser un peu leur tête, mais cela vient, cela vient avec le temps.
Et enfin, la dernière chose qui me vient à l’esprit pour la pastorale des vocations, c’est le témoignage. Un garçon, une fille c’est vrai entend l’appel du Seigneur, mais l’appel est toujours concret, et au moins dans la majorité des cas, la plupart du temps,  c’est : « Je voudrais devenir comme elle, comme lui. » Ce qui attire les jeunes, ce sont nos témoignages. Le témoignage de bons prêtres, de sœurs. Une fois, une sœur est allée parler dans un collège – elle était supérieure, une mère générale je crois, dans un autre pays,  pas ici – elle a réuni – c’est historique – la communauté d’éducation de ce collège de sœurs,  et au lieu de parler du défi de l’éducation, des jeunes à éduquer, de toutes ces choses, cette mère générale a commencé à dire : « Nous devons prier pour la canonisation de notre mère fondatrice », et elle a passé plus d’une demi-heure à parler de la mère fondatrice, que l’on doit faire ceci, demander un miracle… Mais la communauté éducative, les enseignants, les enseignantes [pensaient]: « Mais pourquoi est-ce qu’elle nous dit cela, alors que nous avons bien besoin d’autre chose… Oui, c’est bien qu’elle soit béatifiée ou canonisée, mais nous avons besoin d’un autre message. » A la fin, une des enseignantes a dit – elle était très bien celle-là, je la connaissais – : « Mère, est-ce que je peux dire quelque chose ? » – « Oui. » – « Votre mère ne sera jamais canonisée » – « Mais pourquoi? » – « Eh bien parce qu’elle est sûrement au Purgatoire. » – « Mais il ne faut pas dire ces choses-là ! Pourquoi dis-tu cela? » – « Parce qu’elle vous a fondées. Si toi qui es la générale, tu es tellement, disons, sotte, pour ne pas dire plus, c’est que la mère fondatrice n’a pas su vous former ». Est-ce qu’il n’en est pas ainsi ? Voilà le témoignage: qu’ils voient vivre en vous ce que vous prêchez. Ce qui vous a conduits à devenir prêtres, sœurs et aussi laïcs qui travaillez fort dans la maison du Seigneur. Et pas des gens qui cherchent la sécurité, qui ferment les portes, qui font peur aux autres, qui parlent de choses qui n’intéressent personne, qui ennuient les jeunes, qui n’ont pas le temps… « Oui, oui mais je suis un peu pressé…». Non. Il faut un grand témoignage !
Je ne sais pas, voilà ce qui m’est venu dans le cœur à partir de ce « Lève-toi ! » que j’ai entendu dire par Mgr Galantino, dans le thème de votre rencontre. Et j’ai parlé de ce que je sens. Et je vous remercie de ce que vous faites, je vous remercie de ce congrès, je vous remercie de vos prières… Et en avant ! Le monde ne finit pas avec nous, nous devons avancer… Maintenant, avant la bénédiction, prions la Vierge Marie: « Ave Maria…».
Traduction de Zenit, Anita Bourdin

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel