Reconstruire en gardant « la capacité de rêver ». C’est l’encouragement du pape François devant des milliers de rescapés du séisme qui a secoué le centre de l’Italie le 24 août dernier, suivi de nombreuses répliques. Lors d’une audience le 5 janvier 2016, le pape a préconisé le silence, la tendresse, les larmes, devant la souffrance.
Prenant son temps à son arrivée en fin de matinée dans la salle Paul VI du Vatican, le pape a pris un bain de foule, bénissant des nourrissons, recevant des présents – dont de nombreux dessins d’enfants -, prenant la pose photo avec des jeunes, et se pliant volontiers à la tradition de l’échange de calotte.
Sur l’estrade, deux témoins ont pris la parole devant lui : Rafaele Testa, d’Amatrice, accompagné de sa femme et ses deux enfants, a raconté la nuit du drame. « Notre vie n’est plus la même », a-t-il déclaré. Un prêtre du diocèse de Spoletto-Nursie, don Luciano Avenati, a salué « la force d’âme, le courage, la dignité, la patience », de ses concitoyens : « Nous avons perdu nos maisons mais nous sommes devenus une grande famille », a-t-il assuré en soulignant la « solidarité » des Italiens.
En apprenant la nouvelle, leur a confié le pape, « j’ai senti deux choses » : l’impulsion à « y aller » – ce qu’il a fait le 4 octobre – et « beaucoup de souffrance ».
Dans une allocution improvisée, le pape a insisté sur l’importance de « reconstruire » les maisons mais aussi « les cœurs », « le tissu social et humain, la communauté ecclésiale ». Il a encouragé les rescapés à « recommencer, ne pas se laisser aller à l’amertume » malgré la « grande souffrance ».
La capacité de rêver
Au fil de son intervention méditative, il a précisé que la reconstruction n’était pas fondée sur « l’optimisme », qui est « une attitude d’un moment », mais sur « l’espérance ». Pour reconstruire, il faut les « mains de tous » : des mains qui « aident les autres », qui « guérissent », comme celles de « Dieu artisan du monde ».
Evoquant les deux témoignages qu’il venait d’entendre, le pape a fait observer que si les rescapés étaient « saufs », ils avaient beaucoup perdu. La blessure « guérira » avec le temps mais « la cicatrice restera pour toute la vie ».
Il a encouragé à « recommencer sans perdre la capacité de rêver », à « avoir le courage de rêver une fois de plus ». Le pape a aussi invité les survivants à bousculer, par leur exemple, « l’égoïsme qui est dans nos cœurs, en nous qui n’avons pas souffert cela ».
Pleurer ensemble
L’évêque de Rome a aussi mis en garde contre les paroles « vides », qui n’expriment pas de « tendresse » devant la souffrance. « Dans votre situation, le pire que l’on puisse faire est un sermon, c’est le pire », a-t-il asséné, déclenchant les applaudissements de la foule.
Pour « ne pas blesser davantage ce qui est blessé », le pape a recommandé « le silence, les caresses, la tendresse du cœur », la « proximité ». Et les larmes : « Pleurer seul fait du bien, c’est une expression face (…) à Dieu mais pleurer ensemble est mieux ».
Rendant hommage au travail des pompiers et des secouristes, le pape a salué également l’engagement de l’Eglise : « Je suis fier des prêtres qui n’ont pas quitté leur terre, (…) des pasteurs qui quand ils voient le loup ne fuient pas ».