Résumé : « Je ne suis pas chargé de vous convaincre mais de vous le dire. » Ces mots de la petite Bernadette de Lourdes ont guidé ma vie depuis ma conversion à l’âge de 21 ans, où j’ai compris qu’il nous fallait travailler pour être à la hauteur des questionnements de nos contemporains sur le Christ, Dieu, l’Eglise. Sans quoi, cette « fuite des cerveaux » vers la non-croyance n’aurait aucune raison de s’arrêter, comme une hémorragie persistante, dans le Corps du Christ.
Depuis 1978, (près de 40 ans !) avec quelques amis, il nous est arrivé de pratiquer plusieurs formes d’évangélisation : sur le parvis des églises, puis inventer des spectacles de rue, réaliser des dessins, publier des articles à plus de 300 000 exemplaires, composer, écrire et interpréter des chansons et faire des concerts pour des lycées et festivals, contribuer à monter depuis 30 ans une dynamique œcuménique avec stands, expos et conférences au Salon Bd d’Angoulême.
Cette longue pratique m’a conduit à penser qu’évangéliser, ce n’est pas convaincre, ni conquérir, ni planter une bannière, ni faire adhérer à des définitions dogmatiques, mais c’est « consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » comme répétait le prophète Isaïe (1). Rejoindre nos contemporains, jeunes ou pas, dans leurs questionnements, et vérifier avec eux si le Christianisme est définitivement un conte de fée comme ils le pensent, ou s’il existe des raisons de croire qui auraient pu leur échapper. Or, ces raisons de croire, ils nous les réclament : « Vous qui êtes chrétiens, auriez-vous des éléments à nous fournir pour nous aider à envisager de croire que cela est vrai ? Auriez-vous des indices pour alimenter notre réflexion, pour nous mettre en route ?… » Beaucoup de chrétiens engagés reçoivent cette demande de la part de leurs proches devenus non-croyants pour différentes raison, mais qui se disent ouverts, prêts à revenir dans l’Eglise pour peu qu’on les aide à éclairer telle confusion ou dépasser tel malentendu.
Mes nombreuses conférences devant des public très variés, m’ont permis de mesurer cette interpellation, beaucoup plus importante qu’on ne peut l’imaginer ! Si nous n’avions pas ces indices à proposer à leur réflexion, si nous n’avions pas de raisons rationnelles de penser que le christianisme est vrai, nous serions contraints de répondre : «il n’y a pas d’indices pour l’intelligence, foi et raison sont incompatibles, il faut donc croire bêtement, sans comprendre, effectuer un saut dans l’absurde… » Mais Dieu merci, ce n’est pas le cas. Les indices existent, ils sont de plus en plus nombreux et c’est une bonne nouvelle pour nos amis !
C’est à ces jeunes (et moins jeunes) éloignés de l’Eglise qu’est destinée la série en Bandes dessinées, les indices pensables. Elle n’est pas faite pour « les biens portants (dogmatiques), mais pour les malades… » (2) Elle est faite pour rejoindre les questionnements de ceux qui sont aux périphéries, comme dit le Pape François. Les rejoindrions-nous si nous allions vers eux avec les poches pleines de définitions dogmatiques à réciter par cœur ? Ceux qui le pensent peuvent toujours essayer, mais nous préférons d’autres approches, moins scolaires.
Cette série (3) qui compte aujourd’hui 7 titres, est née de la question d’un jeune de 15 ans : Monsieur, la foi chrétienne n’est-elle pas incompatible avec les sciences ? Il s’agit de prendre très au sérieux cette question, car elle résume la difficulté majeure que rencontre la pastorale aujourd’hui. Il n’est donc pas question d’apporter de réponse toute faite, mais de proposer une véritable enquête.
Si des indices n’existaient pas, nous serions bien démunis, et le Dieu de la Bible et des évangiles n‘aurait pas plus de consistance dans le réel que les vieux dieux babyloniens, scandinaves, grecs, amérindiens ou germaniques qui ne pouvaient exiger que la foi dans les affirmations des autorités religieuses et la croyance aveugle dans les dogmes de toutes ces religions mythologiques et leurs pratiques sacrificielles, puisqu’aucune confirmation ne venait jamais témoigner de l’existence réelle de leurs divinités. Nous avions à faire à des fictions religieuses et nos contemporains pensent que le Dieu des Hébreux bibliques ne vaut guère mieux. A nous de vérifier avec eux si c’est vrai. Qu’en est-il du Dieu des hébreux ? Ne saviez-vous pas que nous disposons de bon nombre d’indices de son authenticité ? Et qu’est-ce qui nous permet de dire cela ? Ironie de l’histoire : ce sont les sciences expérimentales !
Ces sciences dont on croit trop facilement que leurs avancées font reculer le Dieu de la Bible, au contraire, ce sont elles qui nous fournissent des indices vérifiables de son authenticité, car les sciences nous libèrent en effet des fausses croyances, qu’elles soient religieuses philosophiques ou préscientifiques (comme le racisme par exemple, démasqué par l’ADN). Attention ! On pourrait craindre que cette méthode risque de placer la théologie sous la dépendance des sciences, ou qu’il y ait confusion des ordres de connaissances… Il faut donc rappeler une information trop méconnue : ce sont les Conciles Vatican I et II qui nous invitent à effectuer cette démarche d’étude de la Création :
« Dieu peut être connu avec certitude par la lumière de la raison humaine, en étudiant les choses créées. » (Cc. Vatican I : DS 3004 ; cf. 3026 ; DV 6).
« Sans cette capacité, l’homme ne pourrait accueillir la révélation de Dieu.
L’homme a cette capacité parce qu’il est créé » à l’image de Dieu » (Gn 1, 27). »
On nous demande : cette série évangélise-t-elle ? Il faudrait poser la question au Vicaire épiscopal chargé de toute la pastorale des jeunes, qui, dès la parution du second tome des indices pensables, m’a demandé d’être chargé de mission pour le diocèse de Paris en vue de former des adultes responsables de catéchèse et de pastorale en collèges et lycées et groupes d’étudiants. Parce qu’elle n’a pas la prétention de donner de preuves de l’existence de Dieu, mais uniquement des indices qui respectent la liberté du lecteur en apportant des informations vérifiables, cette série Bd est d’abord une enquête honnête sur l’Univers et tout ce qu’il contient.
Parce qu’elle n’assène pas de « vérités » ni de preuves en martelant « ce qu’il faut croire », mais qu’elle progresse par étapes en nourrissant une véritable réflexion permettant au lecteur de tirer ses conclusions, d’avancer à son rythme vers l’Eglise, certains partisans de méthodes plus autoritaires ont pu prendre peur… Mais, qu’ils soient rassurés : le plus grand nombre a bien pris conscience de l’urgence de confronter au réel les grands courants de la pensée. Comme nous l’avons vu dans la précédente chronique (4), ce n’est jamais une théologie qui est confrontée au réel, mais seulement la représentation du monde qui lui est associée hâtivement, et qui peut parfois poser problème et provoquer la fuite, si elle est incompatible avec le réel. Pour paraphraser Bernadette : je ne suis pas chargé de vous énumérer des définitions dogmatiques mais de vous aider à comprendre leur cheminement et leur raison d’être.
Le langage Bd permet ainsi de rendre accessibles dès l’adolescence, ces passerelles manquantes entre philosophies, sciences et courants religieux, afin d’y voir beaucoup plus clair. Pour que nos jeunes qui sont tout à fait hermétiques à des représentations comme celle du péché originel, (cause de tant de désertion de l’Eglise pour son aspect mythologique), puissent mieux comprendre dans quel contexte ce dogme a été élaboré et par quels chemins historiques il est passé. Sans quoi, comment expliquer que l’Eglise ait fini par abandonner sa première définition du concile de Carthage 418 imposée par saint Augustin, (qui semble être l’inventeur de l’expression péché originel ) ?
Le Canon 2 affirmait en effet que les bébés morts sans baptême allaient en enfer et le Canon 3 refusait la moindre consolation à ces petits enfants. Certes ils n’avaient pas pu pécher, mais ils n’étaient pas innocents ! Pourquoi ? A cause du péché originel de leurs ancêtres Adam et Eve qui les rendait assurément noirs de péché ( !!! ) (5) On peut comprendre que beaucoup aient trouvé dans un tel système des raisons de douter de l’amour de Dieu et d’un système aussi injuste. Comment aimer un tel dieu ? Comment ne pas chercher ailleurs la vérité ?Dieu merci, l’Eglise a beaucoup é
volué depuis mille cinq cents ans. Mais puisque certains ignorent cette évolution, les albums tentent de combler ce manque et de suivre le parcours des idées au long des siècles et de ce que le Cardinal Newman appelait : le développement du dogme.
C’est ainsi que tel père de famille m’écrit qu’il est revenu à la foi grâce aux indices fournis dans le tome 3 prêté par un ami. Au LEP d’Autun, quatre jeunes de terminale technique sont revenus au christianisme grâce aux informations trouvées dans les albums et vérifiées par leurs soins. « Puisque tout était vrai », l’un d’entre eux a même demandé le baptême à 18 ans. Dans telle abbaye, le frère hôtelier prend soin de placer un album dans chaque cellule et en voit les fruits sur certains hôtes…
Quel cadeau d’observer qu’il s’agit bel et bien d’une « consolation » pour ceux qui retrouvent la relation au Père. Comme Jean le Baptiste, il s’agit d’aplanir les sentiers et de rendre accessibles les chemins vers Dieu et son Christ. Dégager les obstacles sur la route : un travail de terrassier.
Bonne année !
A suivre…
Brunor
***
NOTES
(1) Isaïe 40,1
(2) Marc 2, 17. Mais elle peut donner des arguments aux lecteurs déjà chrétiens, bien entendu et fortifier leur foi.
(3) www.brunor.fr
(4) http://brunor.fr/PAGES/Pages_Chroniques/85-Chronique.html
(5) Concile de Carthage 418 . Première apparition de l’expression péché originel dans les documents officiels de l’Eglise.
Canon 2. Il a été décidé de même : Quiconque nie que les tout-petits doivent être baptisés, ou dit que c’est pour la rémission des péchés qu’on les baptise, mais qu’ils n’ont rien, eux du péché originel d’Adam que le bain de la régénération aurait à expier, ce qui a pour conséquence que pour eux la formule du baptême « en rémission des péchés », n’a pas un sens vrai mais faux, qu’il soit anathème. Car on ne peut pas comprendre autrement ce que dit l’Apôtre : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et ainsi la mort a passé dans tous les hommes, tous ayant péché en lui » Rm 5,12, sinon de la manière dont l’Église catholique répandue par toute la terre l’a toujours compris. C’est en effet à cause de cette règle de foi que même les tout-petits, qui n’ont pas pu commettre encore par eux-mêmes quelque péché, sont cependant vraiment baptisés en rémission des péchés pour que la régénération purifie en eux ce que la génération leur a apporté.
Canon 3. Il a été décidé de même : Quiconque dit que le Seigneur a dit « Dans la maison de mon Père il y a plusieurs demeures » Jn 14,2 pour qu’on comprenne qu’il y a dans le Royaume des cieux un certain lieu, se trouvant au milieu ou ailleurs, où vivent bienheureux les petits enfants qui ont quitté cette vie sans le baptême sans lequel ils ne peuvent pas entrer dans le Royaume des cieux qui est la vie éternelle, qu’il soit anathème. Car puisque le Seigneur dit : « A moins que quelqu’un soit rené d’eau et d’Esprit Saint, il n’entre pas dans le Royaume des cieux » Jn 3,5 : quel catholique doutera que sera un compagnon du diable celui qui n’a pas mérité d’être cohéritier du Christ ? Celui en effet qui n’est pas à droite se trouvera sans nul doute placé à gauche.
Brunor, Les Indices pensables, Tome 7 - volcans © Brunor
Vœux de Brunor pour 2017: "Ne pas chercher à convaincre, mais le dire"
Les indices pensables. Episode 86, évangéliser par la Bd