Pour les 80 ans du pape François, quel plus beau cadeau que de continuer à exaucer son vœu d’une Eglise « pauvre pour les pauvres » ? C’est ce que suggère Michel Roy, Secrétaire général de Caritas Internationalis, qui rappelle ce vœu exprimé par le pape lors de sa première audience aux journalistes, en mars 2013: il y discerne une « ligne directrice » du pontificat.
Comprendre une formule forte
Mais cette formule du pape François « une Eglise pauvre pour les pauvres » n’a pas toujours été comprise dans toute sa largeur ou sa profondeur. Michel Roy fait observer que « c’est une invitation à se reconnaître tous pauvres, pas parfaits, et, même si l’on a beaucoup d’argent, à reconnaître nos autres formes de pauvreté, à s’interroger sur nos propres pauvretés. »
C’est aussi une invitation à reconnaître que « toute personne humaine a une valeur aux yeux de Dieu » : « Jésus était proche des exclus, des aveugles », et il a « appelé des « riches » comme Zachée ou Matthieu à le suivre ».
Car, explique encore M. Roy, « l’Eglise ne peut pas se construire sans les pauvres » : « Quand, dans une communauté chrétienne, on fait de la place à ceux qui souffrent, la communauté s’enrichit. Une Eglise pauvre pour les pauvres se tourne vers l’essentiel. Elle n’est pas « contre les riches ». On voit des gens riches qui partagent, donnent beaucoup pour permettre à tous de vivre mieux. Ils choisissent un appauvrissement volontaire. Il ne faut pas prendre cette affirmation seulement au premier degré. »
Une parole constante
Car c’est un premier volet de l’engagement du pape François, par une parole « forte » en faveur des pauvres et des souffrants, une « ligne » de son pontificat, de son enseignement aux prêtres et aux évêques auxquels il recommande de porter « l’odeur » de leurs « brebis » : il souhaite une Eglise « accueillante, pas rutilante ». Ce message, le pape le développe aussi bien dans l’exhortation apostolique « Evangelii gaudium » que dans l’encyclique « Laudato si’ » et toute l’Année de la miséricorde allait dans ce sens, fait observer M. Roy : une année pour que se manifeste une Eglise « proche de ceux qui souffrent » et des « pauvres », de « tous les points de vue », pas seulement la pauvreté matérielle.
Et puis, rappelle Michel Roy, l’Année a été couronnée par l’institution de la Journée mondiale des pauvres à célébrer le 33ème dimanche du temps ordinaire, pour prendre « une fois par an le temps de s’interroger, de regarder où sont les pauvres, et examiner la relation de chacun, personnelle, familiale ou communautaire avec les pauvres », en vue de « faire le point et de s’engager ». Ainsi en France, ce ne sera pas seulement une journée comme celle traditionnellement dédiée au Secours catholique, considérée souvent comme un « appel aux dons », mais l’occasion de faire « une pause » pour « regarder autour de soi » et agir.
Des gestes à imiter
Le second volet c’est justement l’action du pape François, ses « gestes », explique M. Roy : des « signes » qui « font la différence ». Il cite le voyage de Lampedusa, ses rencontres à déjeuner dans les diocèses d’Italie, avec les plus pauvres, les personnes handicapées ou vulnérables, et les « vendredis de la miséricorde » tout au long du jubilé, là où il n’était « pas attendu » : sa visite créait la surprise et la joie, comme dans cette communauté de l’Arche de Jean Vanier italienne. Des « signes forts » qui sont autant d’invitation à « l’imiter » selon notre chemin.
C’est aussi le sens du voyage au camp de réfugiés de Lesbos avec le patriarche œcuménique Bartholomée et l’archevêque d’Athènes, Hiéronyme, dont le pape est revenu avec des familles de réfugiés dont les papiers étaient prêts.
Le 22 juin dernier, un groupe de 15 réfugiés est venu participer à l’audience du mercredi place Saint-Pierre, avec la Caritas de Florence, rappelle encore M. Roy. Le pape les a fait venir auprès de lui sous l’auvent, et ils sont restés autour de lui pendant toute l’audience. A la fin, il a salué chacun personnellement et il s’est prêté aux objectifs pour les photos de groupe, avec leur banderole. Voilà un autre « signe » fort qui « touche les cœurs ».
Le pape a aussi invité à « ouvrir les portes » aux réfugiés, lors d’un angélus dominical, demandant aux communautés chrétiennes et aux paroisses de s’organiser… Ils l’ont fait, mais parfois faute d’autorisations gouvernementales, les réfugiés ne sont jamais arrivés, fait observer le Secrétaire général de Caritas Internationalis.
Le pape a également participé – en Bolivie et à Rome – aux rencontres des Mouvements populaires qui sont une « expression organisée de mouvements sociaux représentant les pauvres ». Il s’est adressé aux pauvres.
Récemment, il a accueilli le pèlerinage des sans-abri, « Fratello », dans le cadre du Jubilé de la miséricorde.
Ces messages du pape et ses gestes sont autant d’invitations à un « renouvellement du monde à partir de ceux qui souffrent ».
Un déjeuner en famille
Michel Roy évoque cet autre signe dont il a été témoin mardi dernier, 13 décembre : le pape François déjeunait avant tout le monde dans le réfectoire de Sainte-Marthe à la table du personnel qui sert aux tables, comme avec des frères et sœurs, en « famille ». Et ce n’est pas une exception : « Il était chez lui avec sa « famille » : voilà notre pape », souligne M. Roy qui relève : c’était le jour où il fêtait ses 47 ans d’ordination sacerdotale, le premier anniversaire de la semaine, le pape ayant fêté ses 80 ans le samedi 17 décembre 2016.
Parmi les autres gestes demandés par le pape François cette année, Michel Roy rappelle la collecte organisée dans les paroisses d’Europe pour l’Ukraine : un fonds a été constitué et va aider les populations.
« La liste est très longue », ajoute M. Roy. Et le pape agit « toujours avec simplicité et avec une force qui touche, une façon d’être, de parler qui transforme l’Eglise, l’appelle à se transformer, de façon à être encore davantage accueillante aux pauvres et aux souffrants ».
Plus près de lui, place Saint-Pierre, nombreux sont aussi les gestes du pape François et de son aumônerie sous la responsabilité de Mgr Konrad Krajewski, et pas seulement des distributions de parapluies ou de couvertures, mais des douches, le salon de coiffure, un repas avec lui, une sortie à la mer en bus cet été ou une visite du Vatican.
Autant de « signes » insiste Michel Roy pour « faire de la place aux plus pauvres », montrer qu’ils sont « importants » pour tout le monde, « à l’encontre des mentalités modernes » qui les « rejettent » ou les « ignorent ». Des signes qui sont « l’Evangile en acte ».
Le secours islamique et la Fédération luthérienne
Pour Michel Roy, l’encyclique « Laudato si’ » a un « impact incroyable » au-delà des frontières visibles de l’Eglise, auprès des responsables d’autres religions ou auprès des chefs d’Etat. Il fait observer que c’est justement la ministre de l’écologie, Mme Ségolène Royal, qui a représenté le gouvernement français aux dernières canonisations, d’Elisabeth de la Trinité et de Salomon Leclercq – les pays d’origine des nouveaux saints envoient traditionnellement à Rome une délégation -. La ministre française a salué la contribution du pape François à la réalisation de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, dans le cadre de la COP21.
Pour ce qui est des autres religions, Michel Roy révèle que dans deux pays différents des hauts responsables du « Secours islamique » – l’organisation humanitaire « Islamic relief » – ont affirmé que dans ce domaine le pape François était leur « leader spirituel ». Et il conclut que les gens « se reconnaissent » dans cet « appel ».
Du point de vue œcuménique, M. Roy rappelle le récent accord conclu à Malmö, lors du voyage du pape en Suède, pour les 500 ans de la Réforme, avec les services caritatifs de la Fédération luthérienne mondiale : le pape insiste sur une « action ensemble sur le terrain auprès des pauvres » comme un facteur d’unité, par le service de la « solidarité ».
Michel Roy, ZENIT © HSM
Pour les 80 ans du pape François, imiter ses gestes en faveur des pauvres, par Michel Roy
«Une Eglise pauvre pour les pauvres», une ligne de force