Mgr Paul Richard Gallagher

WIKIMEDIA COMMONS - Bundesministerium für Europa

OSCE: Mgr Gallagher souligne le rôle des religions dans la promotion de la paix

Intervention à l’OSCE (Traduction intégrale)

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Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, a souligné le « rôle constructif » des religions dans la promotion de la paix, le 8 décembre 2016. Les religions peuvent agir efficacement pour « la prévention de la guerre…, la réconciliation, la réhabilitation et la reconstruction de sociétés post-conflit », a-t-il assuré lors du 23e sommet ministériel de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à Hambourg (Allemagne).

Dans un long discours, il a défendu les femmes victimes de violences et de discriminations. Il a plaidé aussi pour l’accueil des migrants, dont le travail « est une solution au problème démographique du vieillissement des populations qui accueillent ».

Mgr Gallagher a dénoncé « l’idée diffuse et fausse que les religions soient seulement un facteur négatif dans la société » : « Il est important que les États participants créent un climat de respect et d’estime pour toutes les croyances et toutes les religions, permettant aux communautés religieuses et confessionnelles de s’engager dans un dialogue plein et fécond entre elles et avec les États ».

AK

Intervention de Mgr Gallagher

Monsieur le Président,

Je voudrais commencer en présentant mes salutations et mes meilleurs vœux à ce Conseil ministériel. Je désire aussi exprimer la gratitude du Saint-Siège au président en charge, Son Excellence le Docteur Frank-Walter Steinmeier, ministre fédéral des affaires extérieures de la République fédérale d’Allemagne, ainsi qu’à toute la présidence allemande de l’Osce en charge en 2016, pour les efforts consentis cette année et pour sa généreuse hospitalité pendant ces journées dans la ville libre et hanséatique de Hambourg.

Dans l’Acte final d’Helsinki, qu’il faut apprécier justement comme l’un des plus grands succès diplomatiques du siècle dernier, les États participants ont réaffirmé « leur engagement pour la paix, la sécurité et la justice et pour le développement continu des relations amicales et de la coopération ».

Malheureusement, on ne peut pas dire que la paix, la sécurité et la justice soient une réalité pour tous les hommes et toutes les femmes dans la région de l’Osce. Un trop grand nombre d’entre eux sont victimes de guerres passées et présentes, d’affrontements, de conflits et du terrorisme et en connaissent trop bien les horreurs et les conséquences. En outre, beaucoup, y compris dans la prochaine génération, regardent l’avenir avec la peur dans le cœur. Le pape François a à maintes reprises synthétisé la violence qui se diffuse dans le monde par l’expression « troisième guerre mondiale qui se joue par petits morceaux, par chapitres, partout ».

Puisque l’engagement initial de l’Acte final d’Helsinki reflète, alors comme aujourd’hui, le désir de paix, de sécurité et de justice de tous les hommes et femmes, nous devons répondre à leur désir par des efforts vigoureux et renouvelés, résumés de manière tellement appropriée dans la devise « Renouveler le dialogue, reconstruire la confiance, rétablir la sécurité », choisie par l’Osce en 2016 par la présidence allemande.

Le Saint-Siège espère qu’un esprit d’engagement authentique et renouvelé, qui est toujours possible, pourra promouvoir des progrès dans la mise en œuvre des accords, ramenant en même temps la confiance et la sécurité dans les États participants et entre eux. C’était l’objectif du processus lancé il y a plus de quarante ans par l’Acte final de Helsinki et cela doit l’être aussi de nos efforts d’aujourd’hui et de demain.

Le Saint-Siège considère que construire et consolider la paix n’est pas un simple désir mais un engagement sérieux et urgent, ou plutôt un devoir moral. Ce devoir sacré et cette responsabilité incombent à tous les hommes et toutes les femmes du monde et spécialement aux gouvernements et aux organisations internationales. Nous sommes certains que la paix est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par le Créateur. Nous n’avons pas le droit de violer cet ordre mais, au contraire, nous avons le devoir moral de le respecter et de le consolider de toutes nos forces.

Nous déplorons que différents conflits irrésolus continuent de traumatiser certaines parties de la région de l’Osce. À côté de la perte de vies humaines et des vastes crises humanitaires, ces conflits risquent de réduire la confiance dans la loi et dans l’ordre, ainsi que dans l’efficacité de la diplomatie et du dialogue. Malheureusement, nous ne pouvons pas éviter d’observer que dans certaines situations, les Missions spéciales de l’Osce ne sont pas non plus capables de maintenir les cessez-le-feu ou d’assurer la mise en œuvre des accords obtenus à travers le consensus commun, comme dans le cas du conflit en Ukraine et aussi des fameux « conflits congelés » dans d’autres régions. Mais même dans ces situations, il est fondamental de poursuivre nos efforts pour atteindre soit l’objectif immédiat de mettre en œuvre ou de maintenir le cessez-le-feu, soit celui à long terme de renforcer les conditions qui favorisent le respect du droit et de l’ordre international.

Le Saint-Siège, approuvant inlassablement un monde libre de guerres et de conflits, soutiendra, comme il l’a déjà déclaré, toute et chaque initiative qui cherche à favoriser la cause de la paix, de la coopération et de la stabilité, de Vancouver à Vladivostok et encore plus quand de telles initiatives cherchent à mettre fin aux graves conflits qui, malheureusement, continuent d’affliger notre région. Un tel principe vaut pour les trois dimensions de l’Osce et leurs activités ; je saisis donc cette occasion pour parler brièvement de certaines préoccupations spécifiques de ces dimensions.

En ce qui concerne la dimension de la sécurité, le Saint-Siège est convaincu qu’il y a de l’espace pour une plus grande implication des femmes, surtout dans la prévention et dans la résolution des conflits.

Je voudrais en outre souligner le rôle constructif et important que peuvent jouer les religions, spécialement en ce qui concerne la prévention de la guerre, ainsi que la réconciliation, la réhabilitation et la reconstruction de sociétés post-conflit. Un bon exemple est le Message des évêques polonais aux évêques allemands, daté du 18 novembre 1965, qui a eu une grande importance pour l’histoire post-guerre de la Pologne et de l’Allemagne et qui a été une contribution importante de l’Église catholique à la réconciliation entre le peuple polonais et le peuple allemand. Un autre exemple, cette fois de ces temps actuels, est l’importante contribution donnée par l’Église catholique et par le pape François personnellement pour favoriser le dialogue dans différents pays d’Afrique et d’Amérique latine, qui a déjà produit certains résultats prometteurs. Ce rôle s’est montré très précieux. À cet égard, le Saint-Siège considère nécessaire de souligner sa préoccupation pour l’idée diffuse et fausse que les religions soient seulement un facteur négatif dans la société. De fait, les religions peuvent être exploitées comme force positive innée, étant donné l’apport que les croyants cherchent à donner à leur communauté et à la société. Il est important que les États participants créent un climat de respect et d’estime pour toutes les croyances et toutes les religions, permettant aux communautés religieuses et confessionnelles de s’engager dans un dialogue plein et fécond entre elles et avec les États.

Dans la dimension économique et environnementale, le Saint-Siège désire porter l’attention sur les paroles du pape François, qui a souligné que « (l’)expérience prouve que la violence, le conflit et le terrorisme s’alimentent avec la peur, la méfiance et le désespoir qui naissent de la pauvreté et de la frustration » (Rencontre avec les Autorités et le Corps diplomatique, Nairobi, Kenya, 25 novembre 2015). L’exclusion économique et sociale n’est pas seulement une négation de la dignité humaine qui mine la cohésion sociale, mais elle est aussi trop souvent la cause qui déchaîne les conflits et la violence à l’intérieur des sociétés et même au-delà. Parmi les points faibles du système démocratique, la corruption est l’un des plus graves puisqu’elle trahit en même temps les principes moraux et les normes de la justice sociale (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n.411). Là où il y a la corruption, ce sont les pauvres qui souffrent le plus de tels délits et qui sont réduits à être les victimes de la « culture du déchet » diffuse et croissante du présent. Dans cette perspective, le Saint-Siège apprécie les efforts pour construire un consensus sur la décision du Conseil ministériel quant au renforcement du bon gouvernement et à la promotion de la connectivité, qui serait un instrument très utile pour affronter les aspects plus larges de l’exclusion économique et sociale.

Depuis la naissance de l’Osce, le Saint-Siège a toujours insisté, et il continue de le faire, sur le respect des droits humains et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, en tant que facteur fondamental pour la paix, la justice et le bien-être. Le Saint-Siège soutient le respect et la promotion des droits humains et des libertés fondamentales pour deux raisons : avant tout, les droits humains et les libertés fondamentales se fondent sur la dignité inhérente de la personne humaine, dignité que personne ne peut enlever, ignorer ou refuser de respecter ; en second lieu, comme le Saint-Siège continue de le redire, la sécurité, la protection et la paix ne sont pas le résultat d’une restriction des droits humains mais plutôt la jouissance de ceux-ci par tous.

C’est pourquoi nous observons avec une profonde préoccupation que dans toute la zone Osce, à l’est comme à l’ouest de Vienne, de nombreuses personnes et communautés continuent de faire l’objet de menaces, d’actes d’hostilité ou de violence à cause de leur identité raciale, ethnique ou religieuse. Une autre question qui suscite une grande préoccupation est la présence continuelle de crimes et d’actes de haine dans la région de l’Osce, réalité préoccupante qui doit être contrecarrée par la mise en œuvre attentive et pleine des engagements existants, évitant tout sélection impropre ou approche hiérarchique. Le Saint-Siège est aussi pleinement conscient, les déplorant, des nombreux actes d’intolérance et de discrimination qui se vérifient dans la zone Osce, dus à d’autres motifs, comme par exemple l’inégalité et la discrimination subies par les femmes. Il est opportun de rappeler ici que le Saint-Siège a condamné à maintes reprises et de manière décisive la violence contre les personnes et toute marque de discrimination injuste.

Les engagements solennels ne sont pas suffisants, même s’ils constituent certainement un pas en avant nécessaire. Notre monde exige de tous les responsables de gouvernement une volonté qui soit effective, pratique et constante. Il faut des pas concrets et des mesures immédiates pour mettre fin aux conséquences délétères de l’exclusion sociale et économique : la traite humaine, la vente d’organes et de tissus humains, l’exploitation sexuelle de jeunes garçons et filles, le travail d’esclave, y compris la prostitution, le commerce de drogues et d’armes, le terrorisme et le crime organisé international. La dimension de ces situations et leur coût en vies innocentes sont tels qu’ils nous imposent d’éviter toute tentations de tomber dans un nominalisme déclaratoire. Nous devons au contraire faire en sorte que nos institutions soient vraiment efficaces dans la lutte contre toutes ces plaies.

Enfin, je voudrais attirer l’attention de ce Conseil ministériel sur le flux migratoire exceptionnel de personnes qui fuient diverses zones limitrophes et qui traversent la région de l’Osce, des personnes qui ont été généreusement accueillies par votre gouvernement, M. le Ministre Steinmeier. Ces mouvements sont la conséquence d’inégalités sociales et économiques, de conflits violents, de catastrophes environnementales et naturelles, ainsi que de persécutions religieuses et ethniques.

Tout en comprenant la nécessité de réfléchir attentivement à la meilleure façon d’aborder les grands flux de migrants et de réfugiés, le Saint-Siège désire rappeler les appels répétés que le pape François a adressés aux responsables mondiaux au nom de tous nos frères et sœurs contraints à fuir en quête d’une vie sûre, protégée et décente. Ces personnes ne doivent pas être traitées seulement comme une menace à la stabilité et à la sécurité nationales, et par conséquent abandonnées à l’exploitation par des personnes sans scrupules, ou traitées comme de simples biens, sans que l’on se préoccupe vraiment de leurs droits et de leurs besoins.

En outre, il faut reconnaître et affirmer la contribution importante et positive que les migrants apportent aux pays d’accueil. Leur travail est une solution au problème démographique du vieillissement des populations qui accueillent. Ils contribuent, en construisant des ponts entre cultures et en promouvant le bien-être, au développement de leurs pays d’origine. Leur apport positif apparaît évident surtout quand ils sont vraiment intégrés dans la nouvelle société qui les accueille et que toutes les parties parviennent à prendre conscience que l’on peut construire ensemble un avenir meilleur. Pour cette raison, le dialogue et l’acceptation réciproque constituent des éléments indispensables pour une intégration réussie. À travers l’adoption d’une approche basée sur les droits humains, les migrants deviennent des agents du développement culturel et économique.

Pour conclure, je désire redire ma gratitude à la Présidence allemande pour sa conduite et pour les efforts consentis cette année et souhaiter le succès à la Présidence autrichienne entrante, l’assurant de la coopération et du soutien du Saint-Siège.

Merci, Monsieur le Président.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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