Anniversaire de l'ordination sacerdotale du pape émérite Benoît XVI (c) L'Osservatore Romano

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«L’importance et le succès des interviews de Ratzinger», par le p. Lombardi sj

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Introduction au 13e volume des «Œuvres complètes» en allemand

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« L’importance et le succès des interviews de Ratzinger sont une des meilleures confirmations de la clarté de sa pensée et de la qualité élevée de son expression », affirme le p. Federico Lombardi sj, président de la Fondation Joseph Ratzinger-Benoît XVI, dans une introduction au volume XIII des « Œuvres complètes » de J. Ratzinger qui rassemble notamment ses livres-interviews. Ces «Opera omnia » sont publiées en allemand chez Herder. En français, elles sont éditées par Parole et Silence.
« Le fait qu’au cours de son activité Joseph Ratzinger ait été disponible pour accorder de nombreuses interviews d’étendue diverse, au point que certaines d’entre elles ont été d’une importance telle qu’elles ont été considérées comme dignes d’être rassemblées dans la série de l’Opera Omnia, est déjà en soi une circonstance digne d’être soulignée », fait observer le jésuite, germanophone, qui a été le porte-parole du pape Benoît XVI. Et il souligne que celui-ci s’est révélé être un « communicateur exceptionnel ».
Il fait observer que « beaucoup de personnes qui ont atteint une large notoriété pour leur compétence ou pour leurs responsabilités reçoivent des demandes d’interviews de la part de journalistes ou de communicateurs », mais que « dans le cas de théologiens ou de représentants de la culture, cela n’arrive pas fréquemment, à moins qu’il ne s’agisse de personnes qui ont consciemment assumé le rôle ou la figure de commentateurs de problèmes ou de faits d’actualité, obtenant un certain succès, ou de personnes qui éprouvent un certain goût à se retrouver sur les pages des journaux ou sur les écrans télévisés, et qui ont pour cela établi un rapport de disponibilité ou d’intérêt mutuel avec les acteurs de la communication qui sont continuellement à la recherche de visages, de voix, de commentaires aptes à attirer l’attention du public ».
« Joseph Ratzinger n’a certainement jamais été poussé par la recherche de la notoriété médiatique et a toujours poursuivi avec clarté et méthode, sans se perdre en bavardage, les finalités prioritaires de son travail de recherche et de son service culturel et pastoral, fait remarquer le père Lombardi. Par conséquent, s’il a atteint un large public non seulement par ses écrits théologiques, mais aussi par ses interviews, cela s’est certainement produit par un choix conscient de sa part d’utiliser aussi cette voie pour rejoindre les fins de son ministère de théologien, de pasteur, de responsable dans la vie de l’Église. »
Un communicateur exceptionnel
Il souligne que le cardinal Ratzinger puis le pape Benoît XVI s’est révélé très doué dans cet exercice périlleux : « Mais il ne suffisait pas qu’il soit disponible pour l’usage de cette forme de communication. Il fallait aussi qu’il sache très bien l’utiliser. L’importance et le succès des interviews de Ratzinger sont une des meilleures confirmations de la clarté de sa pensée et de la qualité élevée de son expression. Ces dons, qui apparaissaient déjà éminemment dans ses conférences et dans ses écrits (il suffit de rappeler le succès extraordinaire de l’ « Introduction au christianisme »), s’exaltent d’une certaine manière dans le dialogue. Ratzinger n’est pas seulement un penseur profond et d’une très vaste culture, mais c’est une personne extraordinairement capable d’exprimer sa pensée avec clarté et avec ordre, non seulement quand il expose des textes préparés à l’avance, mais aussi quand il répond aux questions qui lui sont proposées à l’occasion de conversations et d’interviews. Et ceci en allant tout de suite au cœur de la question, sans divagations inutiles, sans circonlocutions compliquées, sans les pesanteurs d’une recherche érudite, et avec une capacité de synthèse vraiment hors de l’ordinaire. En ce sens, Ratzinger – c’est un aspect sur lequel, à mon avis, on n’a pas suffisamment insisté – est un grand, un exceptionnel communicateur. »
« Si celui qui mène l’interview est sérieux et suffisamment compétent, et s’il a bien réfléchi aux questions à poser et aux thèmes à aborder pendant la rencontre prévue, la conversation se développe avec limpidité, sans perte de temps et il est ensuite relativement facile d’en transcrire le texte final qui n’a pas besoin de beaucoup de travail de nettoyage ou de mise en ordre et même, contre toute attente, il n’en requiert parfois que peu ou carrément presque rien… », précise le père Lombardi.
C’est que l’auteur est un champion du dialogue : « Joseph Ratzinger a toujours été disponible pour le dialogue et la confrontation dans les domaines de sa compétence, sans peur d’aborder des questions difficiles. Cela a probablement été favorisé par une circonstance caractéristique de la première période de son activité, à savoir l’enseignement dans les facultés de théologie insérées dans les universités allemandes, qui porte naturellement à une situation de rencontre, de dialogue, de débat avec des personnes, des disciplines et des courants culturels différents, qui rend impossible une fermeture sur soi, par crainte ou par timidité, ou un enseignement qui ne s’expose pas aux stimulants de la culture moderne et aux défis du temps présent. »
« Rendre compte de l’espérance qui est en nous »
Il souligne les autres qualités qui font les grands communicateurs : « Mais le plus important est son attitude fondamentale de rigueur, ou plutôt sa loyauté intellectuelle et spirituelle devant Dieu et devant les hommes, qui l’empêche absolument d’éviter les questions réelles qui lui sont posées, aussi difficiles ou déplaisantes soient-elles. À cela s’ajoute, avec le temps, la responsabilité croissante de pasteur et de guide dans le domaine de la doctrine de l’église, qui impose de faire face, humblement mais courageusement, aux questions d’un public et d’un peuple toujours plus vaste, pour « rendre compte de l’espérance qui est en nous », comme le demande saint Pierre (1 P 3,15). »
Et le grand théologien a surpris même les communicateurs professionnels : « La disponibilité avec laquelle Ratzinger a rencontré ses interviewers, une fois clarifié le sérieux de leurs intentions, les a toujours frappés, en un certain sens surpris, allant au-delà de leurs attentes. La conversation pouvait embrasser un large champ, sans opposer de résistances ni de craintes, même lorsqu’il assumait les responsabilités les plus hautes dans l’Église – Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi ou, enfin, carrément pape – comme c’est le cas en particulier pour les quatre « grandes » interviews de Ratzinger, les quatre « livres-interviews » qui sont rassemblés dans ce XIIIème volume de l’Opera Omnia. »
« Ils ont été réalisés à une certaine distance les uns des autres, explique le père Lombardi : en 1984, deux ans après avoir été nommé Préfet ; en 1996, environ dix ans après le précédent ; en 2000 et en 2010, au cœur de son service pétrinien. Chaque fois, l’interviewé avisé a voulu consacrer plusieurs jours aux conversations, avec un rythme précis de temps de dialogue et d’intervalles successifs, dans un lieu tranquille qui favorise la concentration et la réflexion (respectivement le Séminaire de Bressanone, la Villa Cavaletti à Frascati, l’Abbaye du Mont-Cassin et la Villa pontificale de Castelgandolfo). Rien donc de précipité ni d’improvisé. »
Cet engagement correspondait à un aspect de son ministère : « Il est intéressant que Ratzinger ait accepté la proposition de ces longues interviews précisément aux temps de ses plus hautes responsabilités ecclésiales et à distance de plusieurs années les unes des autres. Il s’agit certainement non seulement de complaisance à l’égard du grand désir de ses interviewers et des éditeurs respectifs, mais d’un choix conscient d’une voie différente et supplémentaire de communication par rapport à celles qu’il utilisait normalement (conférences, discours, homélies, catéchèses, documents du Magistère…) et d’une possibilité d’offrir des explications et des réponses aux questions (et aux objections) accumulées dans le temps et par diverses perspectives sur sa personne, ses choix et ses orientations. »
Parler à un public très vaste
Pour le père Lombardi, Joseph Ratzinger-Benoît XVI voulait d’abord rejoindre « les gens ordinaires », sans jamais se laisser « flatter par les media : « Nous savons bien que Joseph Ratzinger n’a pas toujours été bienveillant dans ses jugements sur le travail des journalistes et sur les médias, en particulier par exemple à propos de la présentation du Concile Vatican II, quand il a parlé avec une connotation négative d’un « Concile des médias ». Nous savons aussi que, surtout en raison de son service comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il n’a pas bénéficié d’un « préjugé favorable », mais plutôt négatif de la part d’une grande partie du monde des médias. C’est justement pour cela qu’il est remarquable qu’il ait accepté et cherché consciemment à se faire aider par des communicateurs professionnels (principalement deux, Messori et Seewald, le second ayant été privilégié par la langue) pour parler à un public très vaste, au-delà du cercle des spécialistes, mais aussi de celui des fidèles pratiquants, cherchant à répondre très largement aussi aux questions des gens ordinaires, interprétées justement par les interviewers, dans un langage simple et sur un ton discursif. Ratzinger n’a jamais « poursuivi » les médias et ne s’est jamais laissé flatter par eux, mais il est tout à fait conscient qu’il vit dans un monde largement caractérisé par le développement de la communication et par conséquent de la nécessité de faire avec et de s’en servir pour la réalisation de sa mission personnelle et de la mission de l’Église. »
Des événements éditoriaux
Et puis c’est la personnalité de l’interviewé qui ressort de ces entretiens : « Étant donné que l’interviewer cherche toujours à présenter au public une personne concrète, les livres-interviews ont le mérite de s’ouvrir sur la personnalité de l’interviewé, sur des aspects de sa vie quotidienne, de sa méthode de travail, de ses relations avec les autres (par exemple, le Préfet avec le pape Jean-Paul II), de ses sentiments et attitudes face aux situations et aux difficultés de la vie de l’Église. Ils sont donc une contribution importante pour la connaissance plus complète de la personnalité et de l’œuvre de Ratzinger. »
Le père Lombardi insiste sur le « langage accessible » de Joseph Ratzinger : « En même temps, ils offrent un ton discursif et un langage facilement accessible, des réponses synthétiques mais claires et parfois vraiment courageuses sur de nombreux thèmes importants et des débats affrontés par le cardinal Préfet ou par le pape, que ce soit dans le domaine doctrinal ou dans le domaine pastoral ou concernant le gouvernement de l’Église. En un certain sens, ils permettent de tracer une évaluation sur la situation de l’Église du point de vue exceptionnel de l’interviewé et un certain « bilan » de son service ecclésial. Il n’est donc pas du tout étrange que chacun de ces volumes ait représenté à chaque fois un « événement éditorial » important. »
Un pape émérite, c’est possible
Et de préciser la nouveauté de cet exercice: « Ainsi, dans le cas du premier livre-interview, « Entretien sur la foi », qui constituait une nouveauté absolue et, par conséquent, très audacieuse de la part d’un Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (sans parler du précédent Saint-Office…), la courageuse sévérité de son bilan sur la situation de l’Église après le Concile Vatican II, qu’il définit sans mâcher ses mots comme « une authentique crise qui doit être soignée et guérie », frappa beaucoup. Le préfet entrait aussi dans le vif des relations entre théologie et magistère, question sur laquelle, avec son identité de théologien, il était particulièrement attendu. En outre, il expliquait avec clarté sa vision des problèmes liés à la théologie de la libération et par conséquent la ligne suivie à ce propos par la Congrégation : une des questions les plus cruciales dans les premières années de sa responsabilité comme préfet. »
Le cardinal Ratzinger a aussi voulu répondre à lune « crise de la foi » : « À dix années de distance, le second livre-interview, « Sel de la terre », sera l’occasion d’un nouveau bilan sur la situation de l’Église au terme du millénaire. Ratzinger affirme clairement que le problème central est la crise de la foi, surtout dans les chrétientés occidentales, dans le contexte de la domination de la technique et du relativisme. Nous nous trouvons face à une réflexion sur la situation culturelle et spirituelle du monde, où l’Église doit se préparer à vivre en situation de minorité, mais pour cette raison elle et de plus en plus capable de porter l’annonce joyeuse de l’Évangile pour orienter le monde vers Dieu. Peut-être peut-on commencer à entrevoir les lignes d’orientation d’un futur pontificat, qui continuent de mûrir dans les années suivantes dans le troisième livre, « Dieu et le monde ». »
Et voilà que le pape lui-même accorde une interview orale, une première, dans laquelle il n’élude aucune question difficile, envisageant même clairement la possibilité de l’existence d’un pape émérite : « Le livre-interview réalisé au cours du pontificat, « Lumière du monde », est à nouveau une nouveauté sensationnelle. Jean-Paul II aussi avait publié, avec Messori, un livre-interview, « Entrez dans l’espérance », mais en réalité, il s’était agi d’une interview écrite, non pas née d’une véritable conversation. Benoît XVI, lui, accepte le défi de la conversation avec le journaliste, même s’il le connaît déjà et sous une formule déjà appréciée lorsqu’il était préfet. Mais le pape est toujours le pape… Le nouveau livre fait sensation, surtout parce que le pape accepte d’y entrer, avec une sincérité et une sérénité totales et, en un certain sens, désarmantes, sur toutes les questions plus délicates et aussi douloureuses de la première partie de son pontificat, sur lesquelles s’étaient déjà développés des débats médiatiques qui eurent un grand écho, comme ceux sur le fameux discours de Ratisbonne, sur les lefébvristes et sur le « cas Williamson », sur l’usage des préservatifs, sur les abus sexuels de la part de membres du clergé… Il est clair que le livre-interview est, dans ce cas, l’instrument le plus adapté choisi consciemment et courageusement par Benoît XVI pour donner, en une seule fois, une ample série de réponses aux nombreuses questions sur son pontificat qu’il sent dans l’air et que le journaliste lui propose systématiquement. Il y a des affirmations très importantes. Personnellement, je considère juste de souligner que c’est précisément dans ce livre que Benoît XVI exprime déjà, de la manière la plus claire et la plus précise – et c’est la seule fois qu’il le fait publiquement – la possibilité de renoncer au pontificat et ses critères. Ceci est probablement l’affirmation la plus importante de tout le livre. »
« En conclusion, écrit le père Lombardi, les interviews accordées par Joseph Ratzinger, et en particulier les livres-interviews, sont une partie intégrante et non secondaire de son service ecclésial et sont un instrument très important pour sa compréhension, dans le domaine de la doctrine et de la confrontation avec la culture de notre temps, comme dans le domaine de son activité de gouvernement de la Congrégation et de l’église universelle. C’est pourquoi ils occupent à juste titre une place spécifique dans le grand cadre de l’Opera Omnia. »
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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