« La miséricorde c’est le nom de Dieu et c’est aussi sa faiblesse, son point faible », affirme le pape François.
À trois jours de la clôture de l’Année jubilaire de la miséricorde, le 20 novembre 2016, le pape a accordé une interview exclusive à Stefania Falasca du quotidien catholique italien Avvenire. Il a expliqué entre autres les raisons pour lesquelles il avait voulu un Jubilé de la miséricorde, dans le sillage de ses prédécesseurs.
« Je n’ai pas fait de plan. J’ai simplement fait ce que m’inspirait l’Esprit-Saint », explique le pape « L’Église est l’Évangile, elle est l’œuvre de Jésus-Christ. Ce n’est pas un chemin d’idées, un instrument pour les affirmer. Et dans l’Église les choses entrent dans le temps quand le temps est mûr, quand il s’offre. »
Le pape estime que sa décision d’annoncer une Année jubilaire s’inscrit dans une tradition de l’enseignement de l’Église sur la miséricorde: « Avant moi, dit-il, il y a eu saint Jean XXIII qui, avec Gaudet Mater Ecclesia, dans la « médecine de la miséricorde » a indiqué le chemin à suivre à l’ouverture du Concile, puis le bienheureux Paul VI qui a vu son paradigme dans l’histoire du Samaritain. »
« Puis, poursuit-il, il y a eu l’enseignement de saint Jean-Paul II, avec sa seconde encyclique Dives in misericordia, et l’institution de la fête de la Divine Miséricorde. Benoît XVI a dit que « le nom de Dieu est Miséricorde ». Ce sont tous des piliers. »
Le pape « espère que beaucoup de personnes ont découvert qu’elles sont très aimées de Jésus » en cette Année de la miséricorde. La miséricorde de Dieu, poursuit-il, « le porte toujours au pardon, à oublier nos péchés ».
« J’aime penser que le Tout-puissant a une mauvaise mémoire, note le pape. Une fois qu’il te pardonne, il oublie. Parce qu’il est heureux de pardonner. Pour moi, cela suffit. Comme pour la femme adultère de l’Évangile « qui a beaucoup aimé ». « Parce qu’Il a beaucoup aimé ». Tout le christianisme est là. »
L’Année jubilaire a été remplie de gestes emblématiques de la miséricorde, mais pour le pape, « Jésus ne demande pas de grands gestes, mais seulement l’abandon et la reconnaissance ».
Il cite l’exemple de Sainte Thérèse de Lisieux qui « indique l’abandon de l’enfant, qui s’endort sans réserve dans les bras de son père » et qui « rappelle que la charité ne peut rester enfermée au fond ». « L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont deux amours inséparables », résume le pape François.
L’Année de la miséricorde a coïncidé avec le jubilé du Concile Vatican II. « Au Concile, explique le pape, l’Église a senti la responsabilité d’être dans le monde comme le signe vivant de l’amour du Père ». Avec la constitution conciliaire Lumen Gentium, « elle est remontée aux sources de sa nature, à l’Évangile. »
Le pape estime que « cela déplace l’axe de la conception chrétienne d’un certain légalisme, qui peut être idéologique, à la Personne de Dieu qui s’est fait miséricorde dans l’incarnation de son Fils ».
Néanmoins, « certains » – le pape pense aussi « à certaines réactions à Amoris Laetitia » -« continuent de ne pas comprendre, ou blanc ou noir, même si c’est dans le flot de la vie qu’il faut discerner. Le Concile nous a dit cela, mais les historiens disent qu’un Concile, pour être bien absorbé par le corps de l’Église, a besoin d’un siècle… Nous sommes à la moitié. »
Avec une traduction de Constance Roques
Interview du pape François par Stefania Falasca dans Avvenire, capture
Jubilé: la miséricorde, c’est le « point faible » de Dieu, estime le pape François
Entretien du pape François avec Stefania Falasca (2/5)