Le Jubilé des diplomates du pape, le rapport entre miséricorde et vérité, le colloque à l’UNESCO sur Laudato si’, le 9 novembre, celui sur les langues, et le nouveau site web de la Mission du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris : autant de thèmes abordés par Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, dans cet entretien.
Zenit – Excellence, vous avez participé au jubilé des nonces apostoliques et chefs de mission du Saint-Siège dans le monde : quels ont été les grands moments de ce Jubilé de la diplomatie vaticane?
Mgr Francesco Follo – La rencontre jubilaire s’est articulée autour de moments de prière, de rencontres et d’échanges fraternels. Il y avait aussi des mises à jour culturelles et des temps de dialogue avec les supérieurs de la Secrétairerie d’Etat.
Au plan spirituel, les moments les plus forts et les plus significatifs furent la messe concélébrée avec le pape dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, le 16 septembre au matin, et la procession avec le passage de la porte sainte à la basilique Saint-Pierre.
Au plan « humain », la rencontre d’écoute mutuelle avec le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat, et avec Mgr Angelo Becciu et Mgr Paul Gallagher, respectivement substitut de la secrétairerie d’Etat et secrétaire pour les rapports avec les Etats, mais surtout l’audience avec le Saint-Père, furent pour nous, représentants pontificaux, de grands moments d’approfondissement et d’enrichissement. Les réflexions théologiques, philosophiques et de dialogue interreligieux nous ont ultérieurement enrichis, rendant encore plus précieux ce rendez-vous jubilaire, d’un point de vue culturel.
Votre agence Zenit a très bien rendu compte de l’audience pontificale et du discours du pape. Un discours profond, dans lequel il réaffirmait avec clarté et paternellement ses enseignements sur le travail, ou mieux, sur le service qui incombe aux « diplomates du Vatican ».
Je me limite donc à souligner que tout cela a permis de passer – comme aimait dire saint Jean-Paul II – d’une communion affective de personnes éparpillées dans le monde à une communion effective de prélats, qui veulent vivre avec joie et efficacité leur travail au service du pape et de l‘Eglise, conscients que ce n’est pas ce que fait une personne qui fait sa grandeur, mais son désir de vivre en faisant connaître le Christ. Bref, on nous a rappelé que nous sommes porteurs d’une parole chargée d’une présence et que nous sommes appelés à être sur terre des agents de vérité et des témoins de l’Evangile
Une des grandes questions du jubilé, c’est le rapport entre la miséricorde et la vérité : comment voyez-vous cette articulation?
Le problème de qui n’a pas compris et ne veut pas comprendre le pape François est qu’on ne prête pas attention à son annonce de la miséricorde en tant que synthèse de pardon et de vérité, à laquelle se livrer pour que l’amour se manifeste. Certains pensent que d’un côté il y a les vérités chrétiennes et de l’autre la miséricorde. La miséricorde qui engendre le pardon est l’initiative gratuite de Dieu qui sauve l’homme et lui pardonnant. Il le restitue à la vérité sur lui, en lui redonnant sa dignité de fils.
La vérité c’est le pardon du Père qui réhabilite et accueille à nouveau. Dans le repentir, et dans la décision de revenir à la maison, chez le Père, il y a la reconnaissance du mal accompli à cause de la prétention de s’affirmer soi-même en pensant que sa liberté consiste dans le fait de ne plus avoir de lien avec le Père. C’est la relation avec le Père qui restaure le prodigue comme fils. Le pardon de la miséricorde garantit la vérité du fils, aimé et pardonné par le Père. En somme, la miséricorde suppose la vérité sinon elle ne serait pas miséricorde. La vérité de la miséricorde et donc du pardon, comme le Pape l’enseigne, c’est le pardon qui recrée et qui redonne l’espérance. La miséricorde nous fait retrouver la vérité sur nous-mêmes en tant que fils et elle nous pousse à reprendre le chemin de la conversion.
Mgr Follo, vous êtes Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris : quels sont les projets de cette Mission?
Je crois qu’il faut d’abord dire ceci : la Mission permanente du Saint-Siège à l’UNESCO travaille dans cette organisation internationale en raison du « lien organique et constitutif qui existe entre la religion en général et le christianisme en particulier, d’une part, et la culture, d’autre part » (Discours de Jean-Paul II à l’occasion de sa visite à l’UNESCO, 2 juin 1980) et « pour prendre part à la réflexion et à l’engagement » de l’UNESCO (Message de Benoît XVI pour le XXV anniversaire de la visite de Jean-Paul II à l’UNESCO, 2 juin 2005), afin que la personne humain soit au centre, la paix soit défendue et promue, à travers un ordre social et international fondé sur la justice et sur le droit.
Donc le projet principal est de suivre quotidiennement les travaux de l’UNESCO et d’y participer activement.
Dans ce contexte, entrent alors en jeu ce que j’appelle les « side events », transmettre le plus efficacement possible ce que l’Eglise peut apporter dans les divers domaines traités par l’UNESCO.
C’est dans cette optique d’ailleurs que cette Mission permanente, le 9 novembre prochain, en collaboration avec le Conseil pontifical Justice et Paix, organise un colloque sur l’encyclique Laudato Si’. L’objectif de cette rencontre est de présenter des pistes de réflexion qui – à partir d’un bilan sur comment et à quel point l’encyclique a été perçue depuis sa publication, c’est-à-dire, en un an et demi – proposent une marche à suivre en vue également de la Cop 22 qui se déroulera au Maroc, dans le sillage de la Cop 21, organisée à Paris l’année dernière. A cette conférence sur l’écologie, le Saint-Siège était représenté par une délégation conduite par le cardinal Parolin. A cette occasion, le secrétaire d’Etat a réaffirmé que vivre sur cette terre, voulait dire la traiter avec respect, en vivant sobrement et simplement ce que nous exigeons, prenons et recevons d’elle. Mais également habiter avec elle et prendre soin d’elle pour avoir une maison où l’humanité puisse vivre en paix et sereinement.
Pour la fin du premier semestre 2017, est prévu un autre colloque sur « Langues, multilinguisme et dialogue interculturel », pour promouvoir aussi le dialogue social à une époque où l’on comprend de plus en plus – dans les divers pays du monde – que le multilinguisme doit être « utiliser » comme ressource culturelle, mais aussi comme richesse socio-économique. Car, selon moi, les sociétés doivent passer du multiculturalisme au multilinguisme. Ce colloque est une réponse aux attentes du pape qui a demandé de travailler pour le rapprochement des cultures, pour une culture du rapprochement. En langage biblique, ont dirait travailler non pas pour Babel mais pour la Pentecôte qui, avec le don de l’Esprit, fait en sorte que, nous chrétiens, nous puissions travailler pour une recomposition du genre humain.
La Pentecôte est donc un signe de l’attention aux raisons et aux langues des autres, à des moyens symboliques aussi valides que notre langue et qui sont offerts à notre intention d’expression et de communication. La destinée de notre civilisation, dans ses choix, ses parcours et ses objectifs, est donc inscrite entre Babel et Pentecôte.
Le but est donc de participer, dans ce domaine aussi, aux objectifs premiers de l’UNESCO qui, comme il est dit dans le prologue de son Acte constitutif (1945) : « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », surtout avec l’éducation et la culture, visible aussi dans les langues.
Nous pensons également à des initiatives qui favorisent l’engagement de l’UNESCO auprès des réfugiés afin qu’on s’occupe aussi de donner des enseignants et des écoles aux enfants de ces populations, en plus des aides humanitaires qu’on leur donne comme la nourriture et les médicaments. Ces enfants ne doivent pas seulement survivre, il faut qu’ils vivent.
Dorénavant un large public peut avoir accès aux activités de la mission près l’UNESCO et à sa mémoire historique grâce à un portail en ligne?
Oui, grâce à un portail internet, à l’adresse www.assau.org : Les amis du Saint-Siège auprès de l’UNESCO, il est possible de trouver des nouvelles et documents relatifs à la présence d Saint-Siège à l’UNESCO à partir de 1952, l’année où fut ouverte la mission permanente sous la conduite du premier « Chef de mission » Mgr Giuseppe Roncalli, qui était à l’époque nonce apostolique en France.
L’objectif de site est de faire écho en France et dans le monde de l’action du Saint-Siège dans les cinq domaines de l’éducation, des sciences exactes et naturelles, des sciences humaines et sociales, de la culture, de la communication et de l’information. C’est aussi une sorte de bibliothèque spécialisée où trouver des livres, des articles et des réflexions, qui présentent tout ce que le Saint-Siège propose dans les cinq domaines de l’UNESCO que je viens de citer. Ce portail est donc voulu pour donner des outils qui aident à construire la paix. La paix n’est pas seulement « absence » de guerre mais un travail de justices qui se construit jour après jour et dont les instruments sont l’éducation, les sciences et la culture, y compris sa dimension religieuse qui est fondamentale.
Traduction d’Océane Le Gall
Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO
Le Jubilé des diplomates du Pape et Laudato si’ à l’UNESCO, par Mgr Follo
Le rapport méconnu entre miséricorde et vérité