Mgr Bernardito Auza, capture

Mgr Bernardito Auza, UNTV capture

ONU: «Non!» aux analyses économiques qui ne seraient pas centrées sur la personne

Intervention de Mgr Auza sur le développement durable

Share this Entry

Le Saint-Siège recommande d’« éviter » « une analyse économique, sociale et environnementale centrée non pas sur la personne, mais principalement sur la poursuite des plus grandes marges financières ».
C’est ce qu’a déclaré Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège, à la soixante-et-onzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il est intervenu lors de la discussion sur le développement durable, à New York, le 11 octobre 2016.
« Un fondement éthique est essentiel à une économie de marché bien ordonnée », a-t-il souligné. Par contre, le « réductionnisme économique  ne peut jamais conduire à un développement humain intégral, car il soumet tout aux lois de la concurrence et à une économie darwinienne de la survie du plus fort ».
Mgr Auza a aussi redit la nécessité de l’accomplissement du « principe de l’égale dignité pour toutes les personnes », «  y compris des pauvres et des marginalisés ».
Voici notre traduction intégrale du discours de Mgr Auza.
MD
Intervention de Mgr Auza
Monsieur le Président,
Le préambule de l’Agenda 2030 pour le développement durable indique que les buts et les objectifs qui y sont énumérés « sont intégrés et indivisibles et qu’ils équilibrent les trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale », avec la personne humaine au cœur de l’ordre du jour. Le succès de l’Agenda 2030 dépend de s’il va au-delà de la langue de l’économie et des statistiques, précisément parce que le véritable accent doit être mis sur la personne humaine. Par conséquent, les considérations de dimension morale, spirituelle et religieuse ne peuvent pas être ignorées sans grave préjudice au développement de la personne. Le Saint-Siège préfère désigner cette compréhension plus large et plus complète d’un développement centré sur la personne du nom de « développement humain intégral », ce qui comprend le développement durable. [1] Monsieur le Président,
Les rapports antérieurs du secrétaire général sur l’esprit d’entreprise pour le développement ont noté que la transition de la promotion de la croissance économique à tout prix à un ordre du jour du développement durable appelle à un « changement de paradigme dans la réflexion sur le développement ». Ce changement n’est pas seulement une modification affectant les politiques et les institutions : il exige aussi un changement dans les relations entre les peuples ainsi qu’entre les êtres humains et l’environnement, notre maison commune.
Ce nouvel état d’esprit du développement doit commencer par une compréhension de la dignité inhérente à chaque personne et de la centralité du bien commun dans tous les objectifs et efforts sociaux. Seules de telles fondations peuvent vraiment mener à un « élan pour le développement d’une économie sociale et solidaire ». [2] L’intégration des dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable [3] ne fera que conduire au développement humain intégral si elles se fondent sur le principe fondamental et inaliénable de l’égale dignité de toutes les personnes.
Partant de ce principe de l’égale dignité, un nouveau paradigme centré sur la personne dans le développement émerge, ce qui fait de tout le monde, y compris des pauvres et des marginalisés, des acteurs plutôt que les bénéficiaires passifs du développement. Comme l’a dit le pape François, « pour que ces hommes et ces femmes réels échappent à l’extrême pauvreté, nous devons leur permettre d’être les dignes acteurs de leur propre destin. Le développement humain intégral et le plein exercice de la dignité humaine ne peuvent être imposés. Ils doivent être construits et autorisés à se déployer pour chaque individu, pour chaque famille, en communion avec les autres, et dans une bonne relation avec tous les secteurs dans lesquels la vie sociale humaine se développe – les amis, les communautés, les villes, les écoles, les entreprises et les syndicats, les provinces, les nations, etc ». [4] Ce que nous devons éviter est une analyse économique, sociale et environnementale centrée non pas sur la personne, mais principalement sur la poursuite des plus grandes marges financières. Ce réductionnisme économique ne peut jamais conduire à un développement humain intégral, car il soumet tout aux lois de la concurrence et à une économie darwinienne de la survie du plus fort ; il met également en branle un processus implacable d’exclusion et d’inégalité qui provoque un déficit en croissance exponentielle entre les riches et les pauvres, l’exclusion et la marginalisation des masses toujours plus sans travail, sans possibilités et sans aucun moyen d’échapper à la pauvreté. [5] Ma délégation estime que nous devons examiner sérieusement un tel modèle économique purement axé sur le marché, et le tempérer avec les exigences fondamentales de la dignité humaine et du bien commun. Ce n’est pas un argument contre le rôle propre des marchés dans la coordination de la prise de décision économique des individus libres ni contre le rôle important des entreprises et des entrepreneurs dans une économie prospère et efficace. Néanmoins, le développement est impossible sans des hommes et des femmes debout, sans des acteurs économiques et politiques dont les consciences sont en phase avec les exigences du bien commun. Ainsi le pape François encourage ceux qui sont engagés dans la noble vocation des affaires à regarder au-delà de la plus grande marge et à « accepter le défi d’une plus grande signification dans la vie » qui « leur permettra vraiment de servir le bien commun… ». [6] Un fondement éthique est essentiel à une économie de marché bien ordonnée, qui est un échange mutuellement bénéfique et non une somme nulle, la survie du plus fort ou un échange entre gagnant et perdant.
C’est dans cette perspective que ma délégation se félicite du rapport du secrétaire général sur l’esprit d’entreprise pour le développement. [7] Le développement durable sera toujours un partenariat public-privé, nécessitant à la fois un gouvernement honnête et des entreprises aussi honnêtes. Tous deux nécessitent des responsables capables d’inspirer et de diriger ces institutions, leurs systèmes et leurs pratiques. Ma délégation encourage donc les efforts nationaux, en particulier dans les pays en développement, qui favorisent à la fois la bonne gouvernance et un esprit d’entreprise honnête qui soutiennent et favorisent le développement humain intégral.
 
Je vous remercie, Monsieur le Président.
***
1 Note du Saint-Siège sur l’Agenda 2030 pour le développement durable, n.25.
2 A / 71/210.
3 A / 71/76 E / 2016 / 55,4. Pape François, discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 25 septembre 2015.
5 Pape François, Evangelii Gaudium, n. 53.
6 Ibid, n. 203.
7 A / 71/201.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Constance Roques

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel